vendredi 4 février 2022

ONE-STAR SQUADRON #3, de Mark Russell et Steve Lieber


Nous voici à mi-parcours de One-Star Squadron (puisque cette mini-série comptera six épisodes) et Mark Russell est toujours aussi acide. Cette fois, Red Tornado va devoir faire face à un ennemi terrible, tandis que Superman passe une tête et n'est pas content. Steve Lieber s'amuse et nous avec en illustrant cela avec une placidité cruelle.
 

Superman se rend au siège de HEROZ4U et il n'est pas content : non seulement, il n'approuve pas que la société emploie mal les héros désoeuvrés mais, surtout, il a appris que Jack O'Lantern a préféré renoncer à sauver des naufragès au profit d'une mission lucrative. La Justice League coupe les ponts.


Loin de ces considérations, Red Tornado donne une dernière chance à Minute Man de se racheter après ses désastreuses dernières sorties. L'androïde se souvient avec nostalgie et apeurement du sort réservé à son prédécesseur et mentor, Manhunter, en considérant ses propres choix de manager.


Pendant ce temps, Power Girl humilie les employés qui hésitent à appuyer son projet d'évincer Red Tornado et flatte les suiveurs. Lorsque Red Tornado reçoit un appel du board de HEROZ4U, elle devine comme G.I. Robot qu'il va bientôt prendre la porte.


Après avoir accompagné Gangbuster (toujours amnésique) faire des courses, et avoué à sa femme craindre pour son poste, Red Tornado se rend le lendemain matin chez ses patrons. Mais surprise : il n'est pas viré ! Par contre, un sale boulot l'attend s'il veut conserver sa place...

On débute la lecture de ce troisième épisode en étant déboussolé puisque, à la fin du précédent, Red Tornado faisait face aux employés de son agence menés par Power Girl qui lui annonçait son licenciement par le board de la société... Et pourtant, c'est comme si cette scène n'avait pas eu lieu !

Cette incohérence trouble d'autant plus que Mark Russell joue beaucoup sur l'incertitude qui plane sur Red Tornado et son maintien à son poste. Power Girl se serait-elle trop avancée ? Estimons-le. Et avançons.

La crise couve parmi les héros désoeuvrés de One-Star Squadron et Mark Russell a la plume trempée dans le vitriol. C'est une série cruelle, je l'ai déjà dit, et cela ne se dément pas. Pour cette raison, il est bon de rappeler qu'elle ne s'inscrit évidemment pas dans la continuité, car le traitement infligé à certains personnages a de quoi déranger et même froisser. Mais le scénariste se sert de notre malaise, qu'il a pleinement créé, pour poursuivre sa réflexion.

Lorsqu'il invite Superman pour deux scènes, le scénariste utilise autant le héros que le symbole : bien entendu le man of steel ne peut pas être d'accord avec les méthodes des patrons qui emploient les membres de HEROZ4U, non seulement parce qu'il trouve humiliante la manière dont ils sont rabaissés, mais aussi parce que, ce faisant, cela déprécie la notion même d'héroïsme. Plus profondément, en fait, Superman dit que la dignité est ce qui définit le héros, davantage que les actes valeureux qu'il accomplit. Donc, si on prive un individu, même doté de capacités extraordinaires, de sa dignité, on lui ôte toute auto-considération et s'il ne se sent plus à la hauteur, alors il néglige son devoir ou ne croit plus en ce dont il est capable.

La seconde scène avec Superman enfonce le clou car, suite à une intervention de Jack O'Lantern, qui a préféré répondre à une sollicitation de l'application au lieu de sauver les victimes d'un naufrage en mer, la Justice League ne souhaite plus être associée ni à l'entreprise ni à des super-héros préférant l'argent à la solidarité. Une fois Superman parti, le cynisme effrayant des cadres gifle le lecteur en pleine face car ils raillent le kryptonien mais surtout réfléchissent à un moyen de limiter les dégâts que va causer la rupture entre la Ligue et leur boîte.

Le reste de l'épisode se concentre donc sur Red Tornado qui sent sa place menacée. Ses employés ne l'aiment pas, Power Girl manoeuvre contre lui - même si elle s'affiche en bonne camarade. Il se souvient de son prédécesseur, Manhunter, viré du jour au lendemain, sans aucun égard, et qui lui avait transmis le flambeau en lui aussurant qu'il était le meilleur. Mais l'androïde ne le croit pas, ne le croit plus. A mesure que la journée passe, l'angoisse le gagne et s'il donne encore le change avec Gangbuster, toujours aussi perdu, il craque finalement le soir venu en dînant avec sa femme.

Là encore, la suite est à la fois drôle, méchante et flippante puisque le board ne va pas remercier mais lui proposer un deal faustien au prétexte que, puisque personne ne l'aime, il n'aura aucun mal à l'exécuter... On rit, mais on rit jaune. Et en même temps, quelle brio pour balancer des vacheries de la part de Mark Russell, c'est impitoyable. Mais juste (car les grands patrons n'ont guère d'états d'âme quand il s'agit de se protéger sur le dos de leurs salariés, qui plus est en chargeant un autre de faire la sale besogne).

Steve Lieber épate dans ce registre car son dessin a cet aspect modeste, presque transparent, qui rend tout plus mordant. Le découpage, par exemple, est très simple, classique, sage. Mais chaque image, du coup, compte double car on sait que l'artiste suit un objectif : montrer sans détour, sans spectacle (car ce serait obscène) ce qui est à l'oeuvre.

L'indignation de Superman ou la détresse de Red Tornado ont un impact démultiplié grâce à ce procédé car le récit présente ces héros dans des actions qui n'ont rien à voir avec leur puissance ou ce qui pourrait susciter chez nous l'attrait de la fantaisie. Superman est mécontent et l'exprime, Red Tornado est fébrile et paniqué puis déconcerté. Tout à coup, ce qui nous émeut vraiment chez eux, ce n'est plus le caractère extraordinaire, mais juste leur humanité. Et c'est troublant car on n'en a pas/plus l'habitude.

En même temps, si ça fonctionne aussi parfaitement, c'est parce que Lieber respecte le folklore charrié par ces personnages. Dans leurs costumes bariolés, face à des civils qui tirent les ficelles avec avidité, ils pourraient être décalés, ridicules. Mais le dessinateur leur redonne de la superbe car, justement, malgré leur look insensé, ce sont les seuls à avoir des valeurs respectables et à être animés de bonnes intentions, d'avoir des émotions qui suscitent notre sympathie.

One-Star Squadron ne ressemble à rien d'autre. On admire le culot des auteurs, mais on félicite aussi celui de l'éditeur de publier une histoire pareille car, au fond, HEROZ4U, c'est un peu tout ceux que DC n'emploie plus et qu'on (re)découvre dans leur misère.    

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