Dark Knights of Steel arrive au terme du premier tiers de son histoire et Tom Taylor a choisi ce moment stratégique pour proposer une sorte d'origin story. Une pause en somme dans un récit échevelé. Mais ne croyez pas que le scénariste profite de cela pour faire du remplissage avant de passer à la suite... Yasmine Putri se contente de signer la couverture du numéro, laissant à Bengal le soin de dessiner les planches.
Dans le cratère formé par le crash du météore dans les terres du seigneur Magnus, Alfred raconte à Bruce comment tout a commencé. Témoin de l'arrivée de El, l'écuyer a observé le couple s'installer d'abord à l'écart. Mais un volcan voisin du château Wayne menaçait d'entrer en éruption...
Jor El communiqua au conseiller des Wayne, Lex Luthor, un message pour expliquer comment protéger leur château. Luthor ignora cela et quand le volcan se manifesta, Jor El surgit à la cour pour l'alerter. Avec sa femme Lara, il contint l'éruption, sauvant des vies, et devenant un héros.
Par la suite, adulé par la reine Martha, Jor apprit que Thomas ne pouvait lui donner d'enfant. Une nuit suffit. Et neuf mois plus tard naquit Bruce. Thomas pardonna à sa femme comme Lara à Jor. Et Kal-El devint le meilleur ami de l'héritier du trône.
Mais ce bonheur fut brisé par l'attaque vengeresse de l'Homme Vert qui tua Thomas et Martha Wayne, laquelle confia Bruce à Lara et Jor El, qui devinrent les nouveaux maîtres du royaume... Aujourd'hui, Bruce et Alfred repartent traquer l'Homme Vert.
Les mini-séries en douze parties (mais peu importe le nombre d'épisodes en vérité) se doivent d'être bien structurées pour apporter au lecteur du plaisir. Si le récit n'est pas bien bâti et rythmé, non seulement on le remarque assez vite mais surtout c'est irrécupérable.
Certains auteurs découpent donc leur narration en blocs, qui sont limitésà chaque quart ou tiers ou moitié de la mini-série. Ce sont autant d'étapes pour développer l'intrigue et pour que le lecteur les apprécie. Il s'agit moins de marquer des temps d'arrêt que de faire respirer l'ensemble. Ce n'est pas un sprint qu'on gagne en allant plus vite que la musique mais une course de fond où il faut savoir ménager ses effets et le fan.
Tom Taylor sait tout cela et parce qu'il est parfaitement dans son élément dans le cadre d'une histoire telle que Dark Knights of Steel, on sent qu'il a bien préparé son coup. On sent que ce quatrième épisode arrive pile au moment où il avait prévu de le dévoiler, après trois premiers chapitres survoltés. Il peut se permettre, en confiance, de lâcher un peu de leste, sans renoncer à quelques suprises.
Nous apprenons donc les origines de Bruce Wayne dans ce cadre médiéval et fantastique. Nous savions déjà qu'il était un bâtard, demi-frère de Kal-El, fils de Jor El. Mais comment cela s'était-il passé ? En vérité, ce secret explique plus largement là où on en est au temps présent de l'histoire puisque, par la voix d'Alfred, l'écuyer de Bruce, on découvre comment les El sont arrivés sur Terre, vivant d'abord à l'écart de tout et élevant leur fils avec amour.
Taylor invente une menace naturelle un peu grossière, en tout cas pas très subtile, pour justifier que les El sauvent les Wayne et leur peuple. Cette action d'éclat va produire deux réactions : l'une positive avec le rapprochement des deux familles, l'autre négative avec ce qui aboutira à la naissance de l'Homme Vert (je ne vous spoilerai pas son identité véritable, mais c'est une idée très efficace, un mash-up audacieux et terrifiant).
Avec cette manoeuvre, Taylor fait donc d'une pierre deux coups. On reconnaît une habilité épatante, mais surtout un sens du tempo éprouvé : c'est la force de ce scénariste qui n'est pas génial mais un conteur aguerri et qui profite à fond de la liberté que lui offre ce type de "Elseworlds". Surtout, il est évident que déplacer les codes du récit super-héroïque et ses personnages emblématiques dans un cadre incongru n'est pas le seul intérêt, un peu exotique en somme, du projet. En pouvant mixer des éléments impossibles dans la continuité, Taylor joue avec excellence sur le renouvellement des menaces et donc réinjecte de l'imprévu dans un genre où on croit toujours avoir tout lu, tout vu.
Yasmine Putri profite de cet interlude pour souffler, elle ne réalise que la couverture. Bengal la remplace pour les pages intérieures et c'est un choix agréable, bien que ce soit un artiste inégal, parfois un peu léger. D'abord parce que la nature même de l'épisode rend tolérable qu'un autre le dessine, mais aussi par que Bengal a un style qui ne jure pas avec celui de Putri. Enfin, il rend une copie très aboutie, qui prouve son investissement dans une mission ingrate par définition (suppléer une artiste de qualité supérieure dans une série où on ne fait que passer).
N'empêche, DC serait bien avisé de refaire appel à Bengal si, comme c'est prévisible, Putri a encore besoin de refaire une pause et a fortiori dans un numéro adapté (qui révélerait d'autres secrets du passé). C'est un fill-in de qualité.
Surtout Arif Prianto continue d'assurer les couleurs et conserve une cohérence esthétique à la série, ce qui est appréciable, parce que la palette employée est belle mais participe vraiment à l'attractivité visuelle de Dark Knights of Steel.
C'est du tout bon, et ça fait du bien. On pouvait craindre que ce quatrième épisode ne tienne pas les belles promesses affichées depuis le début, mais le savoir-faire de Taylor et le professionnalisme de Bengal rassurent pleinement.
Heuuu... Oups... Vous avez déjà spoiler l'identité véritable de l'Homme Vert avec l'image ^^.
RépondreSupprimerA moitié seulement... Car il y a une surprise malgré ce que j'ai choisi de montrer. Une grosse surprise !
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