vendredi 25 février 2022

ELEKTRA : BLACK, WHITE & BLOOD #2, de Peter David et Greg Land, Al Ewing et Rod Reis, Greg Smallwood


Comme promis, voici ma critique du deuxième numéro de l'anthologie Elektra : Black, White & Blood. Le principe est inchangé : trois histoires courtes par des auteurs inspirés par la tueuse ninja d'origine grecque. Cette nouvelle collection d'épisodes est pourtant bien supérieure à la précédente, plus originale, plus intense, et esthétiquement plus aboutie. Et avec le fameux récit retouché de Greg Smallwood...


- Cut and Run. (Ecrit par Peter David, dessiné par Greg Land.) - Patch (Logan) demande à Elektra de trouver et sauver une jeune femme enceinte sous la coupe d'un gangster violent, peut-être encore plus dangereux que la tueuse...


- Vérité. (Ecrit par Al Ewing, dessiné par Rod Reis.) - Deux policiers enquêtent sur le meurtre d'un avocat lié au Caïd. Grâce aux caméras de vudéo-surveillance disposées sur la scène du crime, ils identifient l'assassin... Hélas ! pour eux...


- Yokaï. (Ecrit et dessiné par Greg Smallwood.) - Elektra arrive dans un village japonais pour y résoudre une série de rapts d'enfants...

Comme je l'ai déjà dit pour le n°1 de Elektra : Black, White & Blood, la qualité des histoires est très variable à cause de différents facteurs. Il faut que les auteurs sachent maîtriser le format court, mais aussi s'adapter au personnage singulier entre tous d'Elektra, à la fois tueuse à gages implacable et justicière, le tout avec la contrainte d'un dessin en noir et blanc rehaussé de rouge.

Si le premier n° s'avérait inégal, celui-ci est nettement plus relevé grâce à des créatifs plus inspirés. On commence avec Peter David, scénariste illustre bien qu'étrangement relégué désormais par Marvel à des séries de second rang (une honte quand on sait ce que le bonhomme a apporté aussi bien sur Hulk que X-Factor par exemple). Il situe son histoire dans le passé, lorsque Logan (Wolverine) évoluait à Madripoor sous le pseudo de Patch (en référence au bandeau qui masquait un de ses yeux), profitant qu'on croyait les X-Men morts (suite au Massacre Mutant). Pour protéger sa couverture, il fait appel à Elektra pour secourir une jeune femme d'un homme violent et dangereux. Elektra est montrée en réelle difficulté, ce qui donne du piment à l'affaire. 

Dommage que David ait dû composer avec Greg Land comme dessinateur. Celui-ci, depuis plusieurs années maintenant, comme Salvador Larroca, reproduit des photos sur lesquelles il redessine. Ce procédé aboutit à des attitudes figées, parfois grotesques (car Land pioche allègrement dans des magazines "de charme"). Le combat au coeur du récit est mal fichu, et les expressions des protagonistes donnent l'impression qu'ils jouent faux. De plus Land plaque des à-plats rouges sur un dessin à la ligne, sans surfaces noires pour lui apporter de la profondeur ou de la texture, ce qui donne un rendu trop lisse.

Heureusement la suite est bien meilleure à tous les niveaux. Al Ewing se prête à l'exercice avec beaucoup de brio : on ne voit en effet pratiquement pas Elektra et pour cause, toute l'intrigue tient sur le fait qu'elle est trop rapide pour être captée par des caméras de vidéo-surveillance. Les deux filcs, pugnaces, qui mènent l'enquête, vont en payer le prix fort. C'est formidablement bien foutu, jusqu'au final, terrifiant.

Pour ne rien gâcher, Ewing est associé à l'excellent Rod Reis au dessin. L'artiste se joue avec maestria des contraintes d'un tel récit, largement vu à travers des écrans de contrôle. Connu pour ses talents de coloriste, Reis s'accommode magistralement du noir et blanc et les quelques traces de rouge sont lâchées avec parcimonie et justesse. C'est tout simplement un chef d'oeuvre.

Enfin, on a droit à l'épisode réalisé par Greg Smallwood, qui a motivé mon achat. J'ai parlé (dans ma rubrique Des Nouvelles Nouvelles Toutes Fraîches) du travail de "correction" de sagouin que Marvel a fait subir à quelques cases de l'artiste au prétexte qu'il aurait pu offenser le public asiatique. Non seulement, ça a été mal fait mais des artistes asiatiques sont montés au créneau pour défendre Smallwood et se plaindre des retouches effectuées par Marvel, qui, elles, sont vraiment offensantes (pour Smallwood mais aussi pour le public visé).

J'ai lu l'épisode sur papier et en numérique pour comparer, puisque Marvel n'a pas retouché les scans mis à disposition sur les plateformes. C'est juste hallucinant parce que les retouches concernent très peu de plans, mais effectivement le type qui s'en est chargé a fait n'importe quoi. Les dessins de Smallwood sont magnifiques, aucunement offensants. Cette affaire est lamentable.

Pour ce qui est de l'histoire, en revanche, pas de débat : c'est une merveille. Smallwood produit des planches muettes, un challenge narratif car l'histoire doit dès lors se comprendre sans aucun texte. Le pitch est simple et superbement mené. Le génie de Smallwood éclate à tous les niveaux : le découpage est une leçon de rythme, avec une variété d'enchaînements de cadres bluffante, une tension permanente, un combat âpre. Il y a un côté fable, conte dans ce récit, par sa concision et sa beauté.

Surtout, Smallwood maîtrise visuellement son affaire. Il nuance le noir et blanc de niveaux de gris, et joue avec le rouge de manière experte. Quel gâchis que Marvel ait cru bon de retoucher ses vignettes en pensant bien faire... Mais il est certain que Smallwwod va y réfléchir à deux fois la prochaine fois que l'éditeur lui proposera une nouvelle commande (j'espère que DC va lui faire signer un contrat d'exclusivité comme à Jorge Fornés, ça fera les pieds à la "maison des - mauvaises - idées" !).

C'est donc un lot de short stories de très bon niveau (on a frôlé le sans-faute, à cause de Greg Land et des retouches sur Smallwood). Du coup, je vais guetter le prochain numéro avec curiosité.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire