vendredi 3 décembre 2021

THE MAGIC ORDER 2 #2, de Mark Millar et Stuart Immonen


La suite de The Magic Order se développe de manière très efficace dans ce nouvel épisode. Mark Millar agence une guerre des gangs dans le monde des sorciers et agrémente son récit d'une critique sociale bien sentie. L'écossais est en forme. Et il n'est pas le seul car, fidèle à sa réputation, Stuart Immonen impressionne toujours autant, animant cette histoire avec des dessins de grande classe, exécutés avec une insolente facilité.


Après avoir alerté Cordelia et Regan Moonstone sur une menace d'ampleur, Kevin Mitchell les emmène à chez lui. La ville a été le théâtre d'exactions magiques commises par des sorciers en quête des quatre fragments de la Pierre de Thoth, capable de produire des sorts par-delà l'espace-temps.


Frank King, un ensorceleur tout juste sorti d'une cure de désintoxication et ancien amant de Cordelia, est là. L'Ordre Magique se met en quête des trois fragments restants de la Pierre, sachant que Kevin en a un et connaît l'emplacement des autres.


Cependant, en Roumanie, Viktor Korne noue une alliance avec Henrik Raag avec lequel il compte mettre la main sur les fragments de la Pierre de Thoth avant l'Ordre Magique. Il en possède un, ce qui convainc Raag de le suivre dans ce projet.


Alors que Regan Moonstone se rend dans le Pays de Galles, il est attaqué avec ses amis par Korne, Raag et son gang qui dérobent un deuxième fragment de la Pierre en commettant un vrai carnage. La guerre est déclarée.

Ne rien avoir sorti durant l'année dernière permet d'apprécier à nouveau la production de Mark Millar, lui qui a fait feu de tout bois depuis plusieurs années, jusqu'à sombrer dans la facilité et la médiocrité. Je ne vais pas revenir sur ces dernières piètres performances avant son congé sabbattique, mais il a su tirer profit du congé que lui a forcé à prendre la pandémie.

Bien que j'ai choisi de faire l'impasse sur le dernier acte de Jupiter's Legacy (Requiem), déçu que Frank Quitely ait renoncé à le dessiner (et estimant surtout que tout était dit), lire la suite de The Magic Order, un des meilleurs efforts de Millar, était immanquable pour moi. Et je ne suis pas déçu.

Comme l'a annoncé Millar, le sort utilisé par Cordelia Moonstone à la fin du premier volume de la série (exploitant l'Horologium et faisant revenir à la vie son père, son frère Regan et leurs amis)  va avoir des conséquences. Cordelia a maudit l'Ordre Magique en agissant de la sorte et dans ce deuxième volume, la malédiction prend la forme d'une guerre des gangs entre magiciens.

Pour quel butin ? La direction de l'Ordre Magique bien sûr. Mais comment s'emparer du trône ? En comptant sur le peu de fiabilité de la nouvelle reine, Cordelia, et en mettant la main sur un artefact très puissant, la Pierre de Thoth. Ce caillou a été divisé en quatre parties dont le magicien Kevin Mitchell connaît les cachettes (il en possède une lui-même). Un deuxième fragment est entre les mains de Viktor Korne dont on a fait la connaissance le mois dernier, un sorcier roumain, qui en veut à L'Ordre Magique d'avoir rétrogadé les siens.

Et c'est sur ce point, peut-être plus que sur la chasse aux fragments de la Pierre de Thoth, que The Magic Order devient passionnant. Car Millar enrichit son intrigue d'un commentaire social sur l'élite et les classes populaires. Dans le premier volume de la série, l'Ordre Magique nous était présenté comme une institution sympathique, bienveillante, puisqu'elle veillait sur notre monde en la protégeant de monstres et autres sorciers belliqueux. Mais à bien y regarder, cela ressemblait aussi à une sorte de club privé, d'aristocratie de la magie, avec peu de membres et des entrées bien gardées.

Ce sentiment se confirme de manière plus prononcée et acide dans ce nouveau volume où Viktor Korne, qui n'a, lui, rien, d'aimable revendique sa place à la table de l'Ordre qui en a écarté les siens. Résidant en Roumanie, dans une banlieue minable, travaillant dans une usine, c'est un prolétaire frustré, en colère, qui se sent, à juste raison, oublié par ses pairs. La Pierre de Thoth devient non seulement un instrument de vengeance mais aussi le symbole du pouvoir privatisé par l'élite que représente l'Ordre.

Mené sur un rythme soutenu, le scénario ménage des temps calmes mais trompeurs en introduisant un autre nouveau personnage, Frank King. Ensorceleur, il sort au début de l'épisode de cure de désintox. On apprend ensuite qu'il a une liaison avec Cordelia et qu'ils ont même failli se marier. Millar le présente comme un joker, qui peut faire pencher la balance en faveur des héros. Avant de révéler que King est toujours un drogué, nargué par un démon qui lui rappelle tous ses échecs - dont celui de sa relation avec Cordelia. Et on se dit alors que ce joker pourrait aussi précipiter l'Ordre dans le chaos.

Visuellement, il devient compliqué de ne pas comparer ce qu'accomplit Stuart Immonen avec ce que fit Olivier Coipel dans le volume 1. L'artiste canadien éblouit par la facilité insolente qui se dégage de ses planches. Non seulement il s'est totalement approprié des personnages et leur univers mais surtout il les anime avec une maîtrise bluffante.

Chez Immonen, c'est la marque des très grands, tout est plus beau, plus consistant, plus puissant, plus intense. Le soin apporté aux décors, talon d'Achille chez Coipel (qui se donne tout au début puis expédie de plus en plus), est saisissant. Q'il s'agisse de représenter uen vue de Londres depuis le sommet d'une tour ou une ville entière mais aussi de dépeindre les bas-quartiers d'une cité roumaine, avec ses immeubles décrépits, on est vraiment en immersion.

Que deux coloristes (Sunny Gho est soutenu par David Curiel) se relaient pour mettre cela en valeur prouve aussi à quel point le dessin d'Immonen est exigeant dans le détail et a besoin d'être accompagné par des partenaires pointus. C'est d'autant plus remarquable que, désormais, Immonen s'encre lui-même et ce supplément de travail n'a aucunement entamé sa légendaire productivité et son goût pour la belle ouvrage.

Bien qu'il ait, par le passé, souvent juré ne pas aimer perdre son temps avec des clins d'oeil, aujourd'hui Immonen se lâche et, ainsi, il donne à Frank King une allure et un visage qui ne peuvent qu'évoquer ceux de Dylan Dog, le célèbre héros de fumetti dont les aventures se déroulent également souvent dans le monde de l'occulte (et dont les couvertures ont souvent été signées par Gigi Cavenaggo, qui illustrera le volume 3 de The Magic Order).

Quand on sait que Immonen a pris le train de l'Ordre Magique en amrche, suite aux tergiversations de Coipel, on peut dire qu'il ne ménage pas sa peine, qu'il ne travaille pas à moitié. Il s'est investi dans ce projet comme si c'était le sien depuis le début. C'est vraiment le boss.

Ah, ça fait plaisir ! Du Millar inspiré, du Immonen en grande forme ! Vivement la suite ! 

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