vendredi 3 décembre 2021

NEW MUTANTS #23, de Vita Ayala et Rod Reis


Un an pile depuis que Vita Ayala a repris en main la série, New Mutants achève son arc narratif avec ce vingt-troisième épisode. Il flotte donc une ambiance de fin dans ce numéro, ce moment particulier où une période s'achève avant le début d'une autre (puisque la série va continuer). Rod Reis est présent pour boucler cette boucle, aussi survolté que sa scénariste.



Le Lost Club - Anole, Rain Boy, No-Girl, Cosmar et Scout - entrent dans la résidence d'Amahl Farouk et le découvrent gisant parterre tout comm les Nouveaux Mutants - Mirage, Karma, Warpath, Magik, Felina. Unissant leurs pouvoirs, les membres du Lost Club se déplacent dans le plan astral.


C'est effectivement là que se trouvent leurs professeurs, prisonniers du Roi d'Ombre et de ses illusions oppressantes. Mais alors qu'ils affrontent leurs démons, le déplacement de leurs élèves altertent Mirage et Karma qui convainquent leurs amis de changer de voie pour les rejoindre.


En route l'un vers l'autre dans le dédale des cauchemars mentaux du Roi d'Ombre, les deux groupes se retrouvent. Mais Felina, encore fragile psychologiquement, tombe sous l'emprise de leur ennemi et fausse compagnie à ses amis. Magik prend la direction des manoeuvres pour pister Felina.


En la rejoignant, le Lost Club et les Nouveaux Mutants trouvent aussi Amahl Farouk sous sa forme enfantine quand il a cédé au Roi d'Ombre. Raisonnant Felina et encourageant Farouk à se détacher de son double maléfique, les héros vont-ils vaincre leur adversaire commun ?

Quand Vita Ayala est devenue la scénariste de New Mutants en Décembre 2020, le crossover mutant X of Swords venait de s'achever. La série était mal en point, même si elle retrouvait son dessinateur des débuts de l'ère Dawn of X, parce que Ed Brisson semblait incapable d'écrire ses héros de manière convaincante (et convaincue).

Je ne misais pas gros sur le succès de Vita Ayala qui me semblait condamner à jouer les pompiers de service. X of Swords venait de retirer au groupe des Nouveaux Mutants Cypher, tout juste marié à l'arakki Bei la Lune Sanglante. Et la couverture du numéro 14, le premier de Ayala, montrait une équipe mal en point, aux mines renfrognées, avec Warpath pour remplacer Doug Ramsey et Warlock désormais séparé de son ami.

Et puis progressivement, la scénariste a mis en place une intrigue alléchante, qui se déployait sur le long terme et que même l'event Hellfire Gala n'a pas détourné de son but. Par ailleurs, si Warlock a vite été oublié dans l'affaire (le seul vrai bémol de ce run), Ayala affichait de vraies ambitions en utilisant d'autres jeunes mutants qu'on pensait réduits à faire de la figuration et ramenait sur le devant de la scène le Roi d'Ombre.

En vérité, maintenant, on le voit, Vita Ayala a raconté une intrigue en dix épisodes sur une période de publication d'un an, avec une régularité et une qualité sidérantes. New Mutants n'a jamais été aussi intéressant depuis... Claremont et Sienkiewicz ? En tout cas, la série a dépassé ses soeurs plus aguicheuses (Marauders, X-Force, Excalibur), et rivalisé avec X-Men (période Hickman).

La scénariste a tout entier placé son scénario sous un motif unique : celui de la transmission. En faisant des Nouveaux Mutants originaux (Mirage, Karma, Magik, Felina... + Warpath donc) des professeurs en lieu et place des X-Men qui n'assument plus cette charge depuis l'avènement de Krakoa, elle a redéfini l'identité d'une série qui en manquait (voire qui n'en avait pas du tout). Et ce faisant, elle a créé une dynamique forte en évoquant la toxicité des relations entre adultes et jeunes, enseignants et élèves, puissants et faibles.

Il était donc logique que le climax de cet arc conséquent aboutisse avec la réunion des "anciens" et des "nouveaux", des maîtres et des disciples, contre leur ennemi commun. Mais Vita Ayala ne s'en contente pas : elle insiste (parfois lourdement) sur le fait que la première leçon qu'on leur a apprise était que rien n'est tout noir ou tout blanc - une leçon que semble ne pas avoir retenu leurs propres profs. Et qui s'illustre à travers méchant de l'histoire, le Roi d'Ombre et son double Amahl Farouk. In extremis, mais de manière fort habile, Ayala offre une rédemption aussi improbable qu'émouvante et crédible à ce personnage lui aussi tiraillé entre ce qu'il est et ce que son pouvoir a fait de lui.

Rod Reis, qui avait initié graphiquement le retour de New Mutants avec Jonathan Hickman puis avait soutenu Ed Brisson à la fin de son run, a été un partenaire précieux pour Ayala. Son graphisme si particulier, avec ses couleurs franches et ses effets radicaux, a permis au récit de s'envoler pour devenir plus expérimental et illustrer les motifs narratifs.

Seulement suppléé le temps de Hellfire Gala, Reis a été l'artiste de cette renaissance autant que Ayala en a été l'auteur. Fidèle au poste, il est donc là pour conclure cette histoire échevelée, avec une fois encore de nombreux morceaux de bravoure. 

Il exploite à fond l'environnement délirant et inquiétant de l'épisode qui se déroule intégralement dans la dimension du Roi d'Ombre. Chaque page apporte son lot de sensations fortes, avec encore une fois un soin pour les couleurs exceptionnel. Le découpage s'autorise toutes les folies sans jamais sacrifier la lisibilité. L'ombre de Sienkiewincz plane, inspirante et réinterprétée avec inventivité. Il faut du talent pour se frotter à un maître, surtout quand il a autant marqué une série.

On voit ce chapitre se refermer avec nostalgie déjà. Mais si vous aimez New Mutants, alors ce run est pour vous. Et je pense que même les plus critiques envers ce qu'il est désormais convenu d'appeler l'ère de Krakoa sauront reconnaître qu'il s'agit là du titre le plus recommandable, parce qu'il vit sans être écrasé par le franchise et a revigoré ses héros. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire