vendredi 24 décembre 2021

CATWOMAN : LONELY CITY #2, de Cliff Chiang


Si vous me lisez fréquemment, vous savez à quel point j'apprécie les productions du Black Label de DC Comics, un véritable espace de (re)création pour des auteurs désireux de s'affranchir de la continuité (tout en lui adressant des clins d'oeil). Catwoman : Lonely City de Cliff Chiang apporte une fois de plus la preuve qu'avec un format différent (des épisodes de 50 pages) une périodicité différente (un épisode tous les deux mois) et la possibilité d'écrire et dessiner son projet comme bon lui semble, on obtient une vraie pépite.
 


En cambrioleuse avertie, qui souhaite braquer le Batcave et découvrir le secret de Morpheus, Selina Kyle doit renforcer son équipe : son amie Rowena lui fournit de l'équipement et son neveu Winston, un hacker.


Néanmoins, la sécurité de la Batcave est telle qu'il faut à Catwoman un vrai sésame pour s'y introduire. Winston l'informe que l'anneau du premier Green Lantern, Alan Scott, se trouve dans les locaux de S.T.A.R.Labs. Mais, Selina doit l'utiliser pour échapper aux gardes et épuise les réserves.
 

Avec le soutien de Edward Nygma et de sa fille Edelia, Selina applique son plan B : s'infiltrer dans les bâtiments d'Ace Chemicals. Avec Edelia, elle dérobe des échantillons qu'évacue Killer Croc. Les deux fills se font la belle par les airs. Le gang se réunit et quitte Gotham.


La réapparition de Catwoman alimente le débat entre les deux candidats à la mairie : Harvey Dent, qui se représente, et Barbara Gordon. Babs marque un point décisif en pointant le fait que les méthodes répressives de Dent terrorisent plus qu'elles ne tranquillisent la population.


Pendant ce temps, Selina et ses acolytes arrivent au Brésil pour y rencontrer une vieille amie à qui elle a promis les échantillons d'Ace Chemicals en échange de son renfort pour visiter la Batcave et neutraliser la police de Dent...

Si on voulait faire un raccouric facile, on pourrait dire que le Black Label de DC Comics est un peu l'équivalent de feu le label Vertigo pour des histoires super-héroïques : des auteurs confirmés s'y expriment sans avoir à se soucier de la continuité, en proposant au lecteur des "What if...?", des "Elseworlds", mais qui peuvent aussi s'apprécier comme des histoires possibles du DCU classique.

On y aborde des thèmes divers et variés, souvent plus adultes, avec des personnages célèbres et d'autres moins, susceptibles d'être réinventés ou creusés plus profodément. Les intrigues sont limitées dans le temps avec des mini-séries de trois, six, huit, dix, douze épisodes, dont le format varie (jusqu'à une cinquantaine de pages), et une péridocité moins stricte.

Cette formule est un effort de DC qu'il faut non seulement féliciter mais encourager. Il n'y a pas d'équivalent chez Marvel et c'est bien dommage. Surtout le Black Label est désormais bien installé et alimenté, avec une politique éditoriale intelligente et des auteurs qui reviennent chez DC pour en profiter.

Cliff Chiang illustre parfaitement tout cela : ces dernières années, il a dessiné la série Paper Girls, écrite par Brian K. Vaughan, chez Image Comics, et rien ne l'obligeait à retourner chez son ancien éditeur pour qui il a été editor, dessinateur, cover-artist, scénariste. Sauf pour mener à bien une histoire qui lui tenait à coeur et qui ne pouvait exister qu'au sein du Black Label : Catwoman : Lonely City.

Ce deuxième chapitre est aussi réussi que le premier, sa lecture est un régal, son exécution impeccable. Comme je l'avais écrit pour le n°1, il est aisé de faire le rapprochement avec Batman/Catwoman de Tom King, Clay Mann et Liam Sharp puisqu'on suit aussi Selina Kyle dans ses vieux jours. Mais le résultat est autrement plus concluant ici, grâce à une écriture bien plus appliquée, une narration moins inutilement alambiquée, et un propos plus direct.

Dix ans après la Nuit des Fous, qui a coûté la vie à Batman, le Joker, le Pingouin, Harley Quinn et le commissaire James Gordon, et une peine de prison pour Catwoman, tenue pour resposable du massacre, Selina Kyle se souvient des derniers mots de Batman : Morpheus. Après avoir interrogé Barbara Gordon à ce sujet, sans succès, elle est convaincue que la réponse à cette énigme se trouve dans la Batcave. Problèmes : l'endroit est impénétrable et Harvey Dent/Double-Face, devenu maire de Gotham, espère se faire réélire en capturant Catwoman (qu'il a fait sortir de prison avant le terme de sa peine).

Dans cet épisode, Selina considère la difficulté de la tâche qui l'attend : elle a pour unique partenaire Killer Croc, qui a pris du ventre et ne fait plus peur à personne, et elle se doute que Dent lui réserve un mauvais tour. Auprès d'une amie, Rowena, elle gagne un soutien en la personne de Winston, un jeune hacker, qui va lui indiquer un moyen de pénétrer dans la Batcave. Mais c'est un échec.

Cliff Chiang va alors faire basculer son récit dans une véritable histoire de braquage, avec le renfort de complices mais aussi en arrière-plan la prochaine élection municipale qui voit s'opposer Dent et Barbara Gordon sur fond de réaménagement du quartier d'Alleytown à grands coups d'expropriations. L'intrigue devient une conquête de territoires : Dent avec Gotham et Alleytown, Selina avec la Batcave.

Le scénario nous entraîne dans des lieux familiers comme l'industrie Ace Chemicals (où le Joker a eu l'accident qui l'a transformé) avant de se déplacer au Brésil pour y retrouver un personnage rondement bien redéfini. C'est jubilatoire, captivant, drôle, mélancolique aussi (le dîner entre Edward Nygma et Selina est une merveille). De la belle ouvrage, menée sur un tempo soutenu.

Visuellement, Chiang tient la grande forme et s'en amuse : artiste expérimenté, il prend un plaisir évident à montrer que ses vieux héros (ou vilains repentis) ne sont pas en reste, suant dans une salle d'entraînement (tenue par Ted "Wildcat" Grant), tout en respectant un certain réalisme (les acrobaties à cinquante balais ne sont plus aussi simples, même avec de la volonté, et Chiang évoque même une possible passation de flambeau quand Edelia Nygma demande à Selina si, une fois l'affaire bouclée, elle pourra devenir sa coach).

Maître total de son projet, Chiang n'a laissé à personne le soin de la réaliser à sa place : il dessine, encre, colorise, lettre. Et il fait tout cela magistralement. On sent qu'il a muri son histoire, sa réalisation, notamment en ce qui concerne les designs (les tenues de Catwoman sont à la fois élégantes et pratiques, et il nous gratifie d'un délicieux flashback où la féline et Batman se couraient après).

C'est donc très beau, et même chic, car Chiang a du goût. Il ne s'agit pas pour lui d'ironiser sur ses personnages, de grossir le trait. Pas de cruauté. Il aime son casting, c'est évident, et sa manière de les dessiner, comme de représenter Gotham, traduit cette affection, ce qui confère une vraie tendresse à l'histoire. On est avec Catwoman et sa bande, qu'on suit comme de vieux amis, dans leur dernier gros coup, avec du panache et suffisamment de mystères pour rester à l'affût.

Catwoman : Lonely City est une production exquise, une lettre d'amour. La faire partager aux fans est un beau cadeau de la part de Chiang et DC.(Suggestion : et si DC inscrivait le retour de la JSA dans ce Black Label au lieu de nous faire lambiner avec une nouvelle ongoing ?)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire