mercredi 8 décembre 2021

BATMAN #118, de Joshua Williamson et Jorge Molina (avec Mikel Janin)


"Un nouveau chapitre commence !" pour Batman avertit la couverture et c'est bien le cas : Joshua Williamson prend donc le relais de James Tynion IV et ne perd pas de temps pour marquer son territoire.  Le résultat est en tout point enthousiasmant, j'ai beaucoup aimé ce que j'ai lu. D'autant que, visuellement, on est aussi gâté avec Jorge Molina, qui succède à Jorge Jimenez avec maestria.


L'année écoulée a été prouvante pour Gotham et son protecteur, Batman. Mais alors que les habitants de la mégapole font la fête, le chevalier noir patrouille comme à son habitude. En contact avec Oracle, il est dirigé vers une fête masquée donnée par des milliardaires menacée par des voleurs.


Batman observe les lieux avant d'agir puis entre en scène, déguisé en Killer Croc. Il est reconnu par Firefly, à la tête des malfrats. Rapidement, Batman neutralise ses assaillants et l'assistance, croyant à une attraction, l'applaudit.
 

Le jour se lève. Oracle invite Batman à passer prendre le petit-déjeuner en sa compagnie et celle de Nightwing à Blüdhaven. Mais il coupe les communications après avoir vu un flash info annonçant l'arrestation de plusieurs membres de Batman Inc. pour meurtre.


Batman se rend en Badnisia. La détective Cayha est chargée de l'affaire et Batman l'aborde alorsq u'elle s'apprête à prélever une étrange substance noire sur le sol. Il s'interroge sur les moyens financiers des suspects, que Bruce Wayne le subventionne plus, lorsqu'un visiteur apparaît...

Bien sûr, je ne vous spoilerai pas le nom de ce visiteur, le nouveau mécène de Batman Inc., mais c'est réjouissant pour la suite. Abyss est donc le premier arc narratif de Joshua Williamson sur Batman, dont il reprend l'écriture après le départ de James Tynion IV. Ce nouvel auteur n'est pas un inconnu à qui DC a confié son titre le plus populaire.

On peut même dire que Williamson est certainement le futur architecte du DCU, après Geoff Johns (qui semble avoir jeté l'éponge, ayant échoué à imposer sa vision entre renouvellement et héritage) et Scott Snyder (qui a tout mis sans dessus-dessous avec Dark Nights : Metal et Death Metal). Williamson a comme Tynion IV collaboré avec Snyder mais surtout il s'est imposé chez DC avec un long run à succès sur Flash, et dernièrement avec la mini-série Infinite Frontier qui a défini l'Omnivers (concept qui établit que le DCU est composé non pas d'un Multivers mais de plusieurs). Il est également aux commandes de la série Robin actuellement, avec Damian Wayne dans le rôle.

N'étant pas familier de son oeuvre, je n'avais donc aucun a priori sur ce qu'il avait en tête pour Batman, même s'il avait dès sa nomination annoncé qu'il comptait l'éloigner de Gotham et renouer avec sa fonction de détective. C'était plutôt encourageant après le long run de Tom King (qui ne quittait guère la mégapole) et celui de Tynion IV (qui en avait fait une vraie zone de guerre).

Pourquoi faut-il suivre le Batman de Williamson ? Ce 118ème épisode est plus long qu'à l'accoutumée (35 pages) et dans un premier temps, il dresse un bilan. Gotham fête le retour au calme après le chaos engendré par Joker War et Fear State. Mais Batman, peu habitué à cette liesse et surtout au regain de confiance exprimé par la population à son égard, semble perdu. En contact radio avec Oracle, il se voit rappeler les épreuves traversées depuis un an, non seulement dans sa ville mais en dehors, aux côtés de la Justice League.

Williamson marque un bon point car en rappelant simplement que Batman opère à Gotham mais aussi au sein de la Ligue des Justiciers, il rappelle au lecteur que c'est un justicier avec un triple vie : celle de Bruce Wayne, celle de Batman à domicile et celle de membre d'une équipe. Cela devient encore plus pertinent quand, quelques pages plus loin, après avoir sauvé des notables d'une bande de voleurs lors d'une fête costumée, Oracle invite Batman à petit-déjeuner avec elle et Nightwing. A nouveau on a droit à une page rétrospective, superbement mélancolique, qui révèle la solitude du chevalier noir : James Gordon traque actuellement le Joker (dans la série de ce dernier), Alfred Pennyworth est mort, Superman a sa propre vie. Le contraste est saisissant : d'un côté, Batman est partout et entouré, mais de l'autre il est plus seul que jamais.

La conclusion logique à ce constat, c'est que, en vérité, rien ne retient Batman à Gotham et im mériterait bien des vacances. Alors Williamson va l'éloigner mais pas le mettre au repos pour autant et justifier ainsi ce qu'il avait annoncé pour son run et son premier arc. C'est très malin. Et ce qui l'est encore plus, c'est le motif employé, l'argument : le scénariste convoque Batman Inc., créé par Grant Morrison, le prolongement industriel en somme du Club des Héros, formé par des héros inspirés par Batman partout dans le monde. Bruce Wayne, dont la fortune détournée par le Joker, ne finance plus cette organisation dont certains membres sont impliqués dans le meurtre d'un vilain inconnu. Alors qui les paie ? Pourquoi ont-ils tué ? Et qui est la victime ?

Le rythme soutenu de la narration assure au lecteur une lecture captivante sans être effrénée. La caractérisation de Batman, esseulé, est excellente, le droit d'inventaire sur le run de Tynion IV intelligente, l'intrigue amorcée accrocheuse. C'est un sans-faute.

Et ça l'est d'autant plus que, visuellement aussi, c'est une réussite. Pourtant passer après Jorge Jimenez n'avait rien d'évident tant l'artiste s'est imposé comme un formidable dessinateur depuis des mois (même s'il a légitimement laissé des plumes sur ses derniers épisodes sortis à vive allure).

Pour le suppléer, DC a misé sur un dessinateur que j'aime beaucoup mais qui ne s'est jamais trouvé sur un titre aussi exposé : Jorge Molina. Souvent comparé à Olivier Coipel, Molina souffre comme le français d'une certaine irrégularité car en cumulant dessin et encrage (et parfois colorisation), il n'arrive pas à enchaîner les épisodes. Transfuge de Marvel (chez qui il ne faisait plus grand-chose depuis X-Men : Blue), Molina a une grosse carte à jouer.

Et ses planches sont renversantes. Soutenu pour les couleurs par l'incroyable Tomeu Morey, on peut affirmer qu'il livre sa meilleure prestation. La comparaison avec Coipel n'a plus lieu d'être car il s'approprie Batman avec assurance et soigne les détails. Comme l'arc ne compte que quatre numéros, on peut légitimement penser que, puisqu'il travaille dessus depuis un petit moment, il les livrera sans retard et sans bâcler. En tout cas, il produit quelques morceaux de bravoure (toute la séquence qui va du début jusqu'au sauvetage de la fête masquée). Lorsque l'action se déplace dans le dernier tiers au Badhnisia, il réussit avec peu à nous dépayser et impose sans effort le personnage de la détective Cayha.

On notera que dans les crédits de la dernière page, Mikel Janin est mentionné comme co-artiste. Pas plus tard qu'hier soir, j'ai pu l'interroger sur sa participation sur Facebook et il m'a précisé qu'il avait complété les pages 25 et 25. Mais sa contribution ne dépareille pas : je n'aurai pas su qu'il avait aidé Molina, je ne l'aurai pas remarqué (j'espère quand même néanmoins que DC va lui donner une nouvelle série en 2022 car depuis la fin du run de Tom King, Janin est étrangement sous-exploité).

Considérant le terme abrégé du run de Tynion après celui controversé de celui de King, si vous hésitiez à continuer à vous intéresser à Batman, craignant que ce défilé de scénaristes ne nuisent à sa série, rassurez-vous : il est entre d'excellents mains avec Joshua Williamson. Et Jorge Molina envoie du lourd côté dessin. Ce nouveau chapitre promet. 

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