vendredi 6 août 2021

X-MEN #2, de Gerry Duggan et Pepe Larraz


Le premier épisode de X-Men par Gerry Duggan et Pepe Larraz a été, sans surprise, un carton. Les lecteurs déroutés par la version de Jonathan Hickman ont été ravis de renouer avec des mutants héroïques. Et ceux qui étaient clients du renouveau de la franchise ont appréciés la simplicité assumée de cette nouvelle muture. Ce deuxième numéro confirme ces dispositions. Quitte à les répéter comme une formule...


Dans son casino spatial, Cordyceps Jones reçoit un nouveau candidat pour débarrasser le Terre de ses habitants. Kriv Yu des Numari a pour lui une arme redoutable, la vague d'annihilation, et un agent prêt à se sacrifier pour en libérer la charge sur notre planète.


La vague d'annihilation s'abat suite à un crash dans le Kansas. Au même moment, à New York alors qu'elle exerce Synch à la télépathie, Marvel Girl ressent la menace et alerte l'équipe des X-Men, qui s'envole dans son blackbird. Dans la ville de Iola, des monstres dévastent tout.


Protégée par un champ magnétique émis par Polaris, Marvel Girl pénètre dans le coeur de la vague d'annihilation pendant que leurs partenaires combattent les monstres en ville. Elles atteignent le centre névralgique de la vague et Marvel Girl la sonde.


Sunfire peut alors libérer son feu atomique pour incinérer la vague d'annihilation après que les civils aient été mis à l'abri. Les habitants remercient les X-Men chaleureusement. Ailleurs, dans un pavillon de banlieue, le Dr. Stasis, en lien avec la station Orchis, épluche un rapport d'autopsie pour découvrir le secret de la résurrection des mutants...

Gerry Duggan a une approche décomplexée du récit super-héroïque, sans doute héritée de son run sur Deadpool, le mutant le plus frappadingue du Marvelverse. Cela lui permet d'envisager ses histoires avec décontraction, sans complexe, à la manière d'un divertissement pur mais bien huilé. Pour le lecteur de base, qui cherche à s'évader par ce type de lecture, c'est une aubaine.

Cela n'empêche nullement l'ambition : Gerry Duggan a annoncé qu'il avait planifié une année entière d'épisodes, qui formerait une sorte de saga complète - avant peut-être un nouvel event autour d'un nouveau Hellfire Gala au cours duquel serait élue une nouvelle équipe de X-Men. Rien d'officiel, mais l'idée a été lancée récemment dans une interview partagée par plusieurs auteurs de la franchise. Pourquoi pas ?

En attendant, Duggan est déjà bien occupé donc. Son deuxième épisode de X-Men reprend quasiment à l'identique la formule du premier : le casino galactique tenu par Cordyceps Jones accepte l'offre d'un de ses joueurs pour éradiquer l'humanité de la planète Terre, les X-Men interviennent promptement (avant les Avengers, les Fantastic Four, ou qui que ce soit d'autre) et règlent le problème en moins de temps qu'il ne m'en faut pour écrire ce résumé. Ailleurs, une nouvelle menace se dessine déjà...

Il y a du bon et du moins bon dans cet épisode. Le positif, c'est que, effectivement, les X-Men sont revenus à un statut élémentairement héroïque : il s'agit d'une équipe qui vient en secours aux humains sans se poser de questions et avec une rapidité hallucinate. Son efficacité sur le terrain est le fruit à la fois de leur puissance mais aussi de leur complémentarité. Ils s'attaquent à la menace qu'ils affrontent intelligemment, sans se marcher sur les pieds, ils sont étonnament bien entraînés pour une formation aussi récemment constituée. Enfin, ils bénéficient d'une popularité nouvelle car les civils qu'ils sauvent leur témoignent une gratitude sincère qui les déstabilise plus que l'ennemi qu'ils viennent de terrasser.

En prime, le script offre son moment de gloire à un membre inattendu : le mois dernier, Synch prouvait son utilité, et cette fois Sunfire démontre à la fois sa puissance spectaculaire mais aussi l'évolution de son comportement (dans une planche magnifiquement composée, il passe en revue sa carrière au sein des X-Men, des Uncanny Avengers, mais aussi au sein des Quatre Cavaliers d'Apocalypse avec la déchéance morale qui a suivi, pour finir par confirmer qu'il n'aspire désormais qu'à servir humblement son peuple - on est très loin de l'impétieux mutant japonais des origines !).

Mais le négatif, c'est que Duggan est sans doute un peu trop relax, un peu trop léger car la vague d'annihilation neutraliséet et détruite en un rien de temps, alors qu'elle avait donné autrement plus de fil à retordre aux Gardiens de la Galaxie et tout un tas de héros cosmique dans la saga Annihilation, ressemble ici beaucoup au kaiju tombé du ciel le mois dernier. Et puis, justement, les X-Men sont trop faciles, trop efficaces : aucun suspense réel ne fait ici vibrer le lecteur. Enfin, si le procédé consistant à, à chaque épisode, à donner son grand moment à un membre de l'équipe est sympathique, il cantonne le reste de l'équipe à de la figuration, et curieusement des personnages semblent surnuméraires (comme Wolverine ou, plus encore, Malicia).

Notre intérêt est relancé dans les utltimes pages avec ce mystérieux Dr. Stasis, attaché à l'organisation Orchis, qui, lui aussi (comme Ben Urich le mois dernier), s'intéresse beaucoup au secret de la résurrection des mutants (puisque Orchis a conservé le cadavre de Cyclope abattu par le Dr. Gregor dans House of X #4). Duggan entretient un subplot à ce sujet, qui est assez accrocheur.

En revanche, s'il y a une partie qui ne déçoit pas, c'est visuellement. X-Men a de la chance d'avoir Pepe Larraz car l'artiste espagnol est en feu. Il produit des planches somptueuses et avec les couleurs de Marte Gracia, on a droit à des plans insensés (comme la séance d'exercice entre Synch et Jean Grey lévitant au-dessus du QG de l'équipe dans le ciel nocturne de New York).

Larraz est arrivé à un stade de sa carrière où il dessine tout avec une grâce parfaite. On le sent heureux d'animer la série, ses personnages, de collaborer avec son scénariste, sa complicité avec Gracia est évidente. Rien ne lui résiste. Quand le récit plonge dans l'action la plus débridée, la plus spectaculaire, Larraz multiplie les morceaux de bravoure : on est embarqué dans un show pyrothechnique puis dans les profondeurs de la vague d'annihilation à la faveur du feu atomique de Sunfire ou de l'exploration dans les ténèbres de Polaris et Marvel Girl. C'est jouissif.

A la fin de la bataille, le dessinateur nous gratifie d'une vignette magnifique où Marvel Girl escorte Sunfire jusqu'au banquet en plein air installé par les habitants de Iola, Kansas, sous un arbre gigantesque (comme un rappel au repaire des mutants à New York) : un vrai tableau. Puis, dans les ultimes pages, changement complet de cadre avec ce pavillon de banlieue pour une scène glaçante, dans des teintes chaleureuses. Le contraste est percutant.

Le plaisir de la lecture est indéniable. Mais si on est tout à fait franc, on aimerait que la série ose davantage, qu'elle soit plus que ce blockbuster de luxe. D'autant que Pepe Larraz sera absent pour le #4 (remplacé par Javier Pina) et que ce sera alors un vrai test pour savoir si X-Men séduit autant sans son dessinateur. 

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