mercredi 2 juin 2021

JUSTICE LEAGUE #62, de Brian Michael Bendis et David Marquez / JUSTICE LEAGUE DARK, de Ram V et Xermanico

 

La Justice League de Brian Michael Bendis et David Marquez est-elle une occasion manquée ? En tout cas, ce nouvel épisode déçoit tout en mettant plein la vue. La Justice League Dark de Ram V et Xermanico en met aussi plein la vue, mais avec deux fois moins de pages réussit à rassasier davantage le lecteur grâce à une intrigue riche et des dessins tout sauf économes.



Hippolyta se présente au Hall de Justice pour présenter ses excuses au héros. Flash la reçoit et lui explique que ses partenaires sont en mission sur une Terre parallèle. Soudain, il se rend compte qu'il a fait une erreur de calcul, possiblement fatale, pour les y expédier.


En effet, les membres de la Ligue sont en difficulté face à Brutus qui domine outrageusement Black Adam et Superman. Batman tente de diriger l'équipe mais Green Arrow et Black Canary ignorent ses ordres et ripostent.


Brutus est repoussé mais pas vaincu, loin de là. Alors que Hawkgirl l'attaque à son tour, sans plus de succès, Nomi rattrape Black Adam et contemple avec lui son monde dévasté par la guerre menée par Zumbado et Brutus.


Naomi et Black Adam sont interrompus par l'arrivée de Hippolyta qui a raison de Brutus. La Ligue se rassemble et Flash sonne le rappel en expliquant qu'ils doivent tous partir. Mais Batman est introuvable et Zumbado choisit son moment pour surgir...

Je dois avouer que plus je progresse dans la lecture de ce premier arc de Justice League écrit par Brian Bendis, plus je suis désappointé. L'intention du scénariste est désormais claire : il a choisi de produire une sorte de "popcorn comic", ce qui en soit n'a rien de problématique, mais le résultat laisse perplexe tant il déçoit de la part d'un auteur qui m'a habitué à bien mieux avec des team-books.

Le même sentiment s'applique à la prestation de David Marquez au dessin. L'artiste livre des planches toniques, mais sans âme, et aussi sans décors (ou en tout cas pas beaucoup de décors). Sa narration graphique est d'une pauvreté indigne de son talent, avec une accumulation de double pages (pas moins de six, soit douze pages sur les vingt que compte l'épisode !) qui ne font que la souligner.

Comme je l'ai expliqué précédemment, ce qui m'a toujours plu dans les séries d'équipe de Bendis, c'est leur esprit de famille, mais aussi cette façon bien à lui de raconter en tout décontraction des histoires de super-héros pour qui le folklore qui est attaché relève de la caricature. En somme, ce qui intéressait visiblement Bendis, c'était moins les batailles, les super-pouvoirs, les costumes, les masques, que ce qu'ils permettaient de révèler chez ses personnages. De ce point de vue, ses récits étaient character's driven et Bendis n'était jamais meilleur que quand il développait des histoires au long cours où ses personnages s'affirmaient dans un environnement hostile.

Mais ici, rien de tout ça : ça bastonne à tout-va, la caractérisation est réduite à peau de chagrin, l'esprit de camaraderie est absent, la définition des protagonistes en fonction de l'action est misérable. Le méchant est monolithique : ce Brutus qui veut conquérir la Terre pour y déplacer la population de sa planète ravagée par la guerre qu'y a menée son chef, Zumbado (mon Dieu, quel nom stupide !), n'est qu'un énième avatar de tous les malabars bas du plafond qu'on croise régulièrement dans les pires séries Z de la BD, et la réponse que lui adresse la Ligue de Justice revient à rendre coup pour coup alors même qu'il est évident pour tous que cette "stratégie" est sans effet (seul Batman s'en rend compte, comme toujours, mais personne ne l'écoute).

Marquez illustre donc ça avec énergie mais il semble être en mode pilote automatique, ne forçant jamais son talent, et négligeant même des éléments esthétiques comme à la pire époque. Représenter un monde désolé comme la planète de Naomi et Brutus est une gageure, mais Marquez ne fait aucun effort pour créer un environnement original, les personnages se bagarrent dans un champ de ruines, mais à peine visible. Un seul plan permet de mesurer à quoi ressemble vraiment cette planète, une vue aérienne, par ailleurs l'image la plus frappante et réussie de l'épisode, et cela paraît suffire à Marquez, comme s'il estimait que cela fait le boulot. Ses personnages, eux, sont interchangeables, comme s'il ne lui inspirait rien (à l'exception de Hippolyta et, dans une moinde mesure, Black Canary). C'est triste à lire.

Sachant qu'après cet arc, Marquez va passer le relais, pour un épisode, à Steve Pugh, puis être remplacé par Phil Hester, et que Bendis n'annonce rien de bien excitant, j'ai bien peur de ne pas suivre bien longtemps cette publication (alors que la suite de Event Leviathan, Checkmate, où Bendis retrouve Alex Maleev, pour une mini-série plus sombre et terre-à-terre, me fait davantage envie).

*


La Ligue des Ténèbres se fraie un chemin vers le coeur de la Bibliothèque de Babel en éliminant les démons libérés par Merlin. Constantine met en garde Jason Blood contre toute tentative de doubler l'équipe mais l'alter ego d'Etrigan le prévient que Zatanna est corrompue.
 

Le désordre engendré par la Ligue provoque la colère du Bibliothécaire mais Constantine lui assure que l'équipe veut juste savoir quel document a consulté Merlin. Il s'agit d'une carte indiquant l'emplacement originel d'Atlantis, bastion initial de la magie...

Il est intéressant, à plus d'un titre, de lire ce nouveau petit chapitre de Justice League Dark après celui de Justice League. Mais la comparaison n'est pas flatteuse pour la série écrite par Bendis et dessinée par Marquez, car les dix pages de Ram V et Xermanico (qui est donc encore là, et le sera toujours le mois prochain, contrairement à ce que j'écrivais dans le n° 61) possèdent tout ce qui manque au titre précédent.

Dc serait vraiment bien inspiré (surtout maintenant que l'éditeur se remet à publier davantage de séries) de redonner sa revue à Justice League Dark, ce qui permettrait à Ram V de raconter son histoire sans avoir besoin de la saucissonner ainsi. Mais le scénariste fait des merveilles en parvenant à rendre chaque demi-épisode en un récit dense, drôle, captivant.

Car Ram V a des choses à dire et il ne fait pas dans la demi-mesure. Par exemple, au détour d'un dialogue entre John Constantine et Jason Blood, il montre bien que les deux hommes ne s'apprécient guère, Constantine se méfiant d'un possible agenda secret de l'alter ego d'Etrigan, et Blood suggérant que Zatanna n'utilise pas sa magie à fond parce qu'elle se sait corrompue par l'Homme Inversé (qu'elle a vaincu au prix de gros efforts) - une référence qui prouve que Ram V poursuit ce qu'il avait établi dans la série avant Future State.

Un peu après, il glisse même une scène irrésisitible où Rory Regan/Ragman aide Bobo et Zatanna à trouver le livre qu'a consulté Merlin dans la Bibliothèque de Babel et retire d'un rayon un tome de... Justice League Dark, écrit par Ram V.

Xermanico dessine ce moment en soulignant l'expressivité du personnage de façon géniale. Mais l'artiste livre une copie irréprochable tout du long : il ne s'économise pas sur les décors et il a de quoi faire avec cette bibliothèque bien fournie, aux livres fous, aux murs couverts de rayonnages. Xermanico découpe tout cela de manière inventive, avec des doubles pages très riches (tout le contraire de Marquez sur JL), et même des bordures de pages très ouvragées.

C'est cruel mais la back-up de Justice League est vraiment plus réussi et impressionnante que la série-mère. 

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