dimanche 18 avril 2021

AMERICA CHAVEZ : MADE IN THE U.S.A. #2, de Kalinda Vazquez et Carlos Gomez


Je me doute bien que, parmi ceux qui suivent mes critiques, peu d'entre vous s'intéressent à America Chavez : Made in the U.S.A., et quand/si cette mini-série sera traduite, elle ne rencontrera certainement pas un grand succès. Pourtant, je ne regrette pas de m'être engagé dans cette lecture et de partager avec vous ce que j'en pense... Car j'en pense beaucoup de bien et j'espère ainsi susciter un peu de curiosité. Ce deuxième épisode permet de mieux cerner les origines de cette héroïne, sans perdre de vue l'intrigue qui s'est nouée il y a un mois.


Après avoir sauvé son quartier à New York, en compagnie de Spider-Man, America Chavez stoppe des pillards qui tentent de profiter du chaos. Puis elle va retrouver sa famille adoptive, avec l'espoir d'en apprendre plus sur l'auteur du billet menaçant qu'on a laissé à son intention.


Depuis qu'elle s'est installée sur la Côte Ouest, America a délaissé sa famille adoptive. Elle se rappelle divers épisodes de son passé, depuis que, enfant, elle s'est subitement rappelée de son monde natal, jusqu'à la découverte précoce de ses pouvoirs et son désir de rendre la justice.


Cette dernière partie a cependant fini par créer de vives tensions entre America et ses parents adoptifs, qui ne veulent pas attirer l'attention et lui reprochent de les mettre en danger. America finit par claquer la porte et embrasser la carrière de super-héros à plein temps.


En consultant la vidéo-surveillance du magasin de son père, America remarque un individu louche. Elle trouve un indice dans la boutique, qui la conduit à une salle de jeux. Le suspect l'y attend et l'attire dans un piège, la neutralisant lorsque es pouvoirs d'America l'abandonnent à nouveau sans prévenir...

Quand je suis sur Twitter, je n'interviens pas, sauf pour féliciter des scénaristes et des dessinateurs sur le dernier épisode qu'ils ont produit. La plupart du temps, je me contente de retweeter des dessins, ou de suivre des posts. C'est ainsi que, récemment, j'ai lu un conseil d'un auteur pour tenter de convaincre un editor de publier une histoire : il était question de proposer des récits courts, des one-shots ou des mini-séries, pour commencer. C'est une manière de prouver qu'on peut écrire de manière resserrée mais aussi qu'on peut se mettre au service de n'importe quel genre, de n'importe quel personnage, rapidement.

C'est pour cela que la lecture d'une mini-série agit comme un révélateur aussi bien pour l'auteur que le lecteur : le premier doit convaincre, vite, le second, avec un pitch accrocheur, quel que soit le héros, le genre, l'univers. Plus un scénariste a la charge d'un personnage difficile, plus le challenge est grand, et plus sa réussite est éclatante s'il y parvient.

Dans le cas d'une héroïne comme America Chavez, comme je l'avais expliqué dans la critique du premier épisode de cette mini-série, on a affaire à un personnage entre deux eaux : ce n'est pas une vedette, mais en même temps elle a figuré dans assez de séries remarquées pour qu'on l'identifie facilement, et, enfin, elle va certainement gagner en popularité bientôt puisqu'elle apparaîtra dans le film Doctor Strange and the Multiversity of Madness (de Sam Raimi, sortie prévue en 2022).

Mais il faut partir du principe qu'en vérité America Chavez est une inconnue pour le grand public. Et cela Kalinda Vazquez l'a parfaitement intégré. Après avoir posé une base accrocheuse dans le premier épisode (America constate un déréglement inexpliqué de ses pouvoirs et quelqu'un la met en garde), ce mois-ci, la scénariste prend le parti de mettre l'enquête de son héroïne un peu sur pause pour revenir sur son passé, son "origin story".

Les 2/3 de l'épisode sont donc consacrés à des flashbacks qui nous montrent America enfant, adolescente, jeune adulte, à chaque fois à des moments charnières de son existence : elle se rappelle subitement de sa dimension natale et de ses deux mères, elle découvre ses pouvoirs, elle entreprend de devenir une justicière dans son quartier, elle s'oppose à ses parents adoptifs qui craignent pour elle et pour eux, elle coupe les ponts avec eux et s'installe sur la Côte Ouest. Cette construction scénique permet d'appréhender facilement la formation d'America Chavez, qui a toujours souffert du décalage entre sa façon de voir/faire les choses et celle de ses parents adoptifs. Kalinda Vazquez explique aussi, ainsi, à quel point élever un enfant "différent" aboutit quasi-inévitablement à une rupture. De ce point de vue, America Chavez : Made in the USA raconte un parcours similaire mais différent et sans doute plus réaliste de celui de Superman (le kryptonien n'ayant jamais rencontré de difficultés, étonnamment , avec les Kent, qui l'avaient recueilli).

La scénariste pointe aussi l'ironie de la situation puisque America Chavez retrouve sa famille adoptive alors qu'elle voit ses pouvoirs se dérégler inexplicablement, mais elle le lui cache, tandis que, dans sa jeunesse, ses parents avaient peur que ses actions n'attirent l'attention et ne les mette elle et eux en danger. C'est donc au moment où elle devient fragile qu'a lieu un début de réconciliation, mais sans que les parents le sachent.

La partie investigations du scénario est donc un peu en retrait mais pas sacrifiée pour autant : de façon simple et efficace, on suit America sur la piste d'un mystérieux individu qui veut être retrouvé par elle. Pas besoin d'être très malin pour déduire que ce suspect doit aussi venir du Parallèle Utopique, induisant qu'elle n'est pas la seule de son espèce à être arrivé sur Terre. Reste à savoir si ce personnage énigmatique veut du bien à America Chavez...

Ce qui rend cette lecture agréable, ce sont aussi ses dessins. Carlos Gomez confirme tout le bien que j'ai pensé de son travail le mois dernier. Son trait, très expressif, fait merveille et il se montre capable de représenter son héroïne à différents âges avec talent, ce qui n'est jamais évident.

L'artiste utilise un découpage some toute classique mais toutefois dynamique pour raconter cet épisode. Pas d'extravagance inutile, cette sobriété est payante parce qu'elle ne nous distrait pas de l'essentiel, dans un numéro où justement le plus important passe par des moments brefs mais marquants de l'évolution d'America Chavez. 

La manière dont les pouvoirs sont mis en scène est également simple, on la voit voler, coller quelques beignes, ce n'est pas encore une super-héroïne accomplie et au fait de toutes ses capacités. Ce qui met l'accent sur son caractère, impulsif, résolu, mais aussi ingrat, jusqu'au-boutiste envers des parents dont les inquiétudes sont légitimes.

C'est une chouette surprise que cette mini-série, enlevé, intrigante. En somme parfaite pour que le public connaisse vraiment America Chavez. 

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