vendredi 19 février 2021

THOR #12, de Donny Cates et Nic Klein


Quatrième partie (sur six) de l'arc Prey... On s'ennuie un peu, là, non ? Je me suis engagé à aller au terme de cette histoire avant de raccrocher cette série, mais je nourris quelque regret. Bon, je tiens mes promesses, mais c'est quand même long. En vérité, Donny Cates est un auteur classique : avec une intrigue en six numéros, il renoue avec une tradition bien connue. Et laisse à Nic Klein le soin de dessiner ça de la façon la plus efficace possible. Très classique donc.


Depuis que Thor l'a laissé revenir à Asgard, Donald Blake traque et tue tous ceux qu'Odin a pourvu de pouvoirs en en récupérant un peu plus à chaque fois. Mais en défiant Throg, il trouve à qui parler et la grenouille défend bravement sa peau.


Pour gagner, Throg peut compter sur le renfort de Lockjaw, le chien Inhumain, qui réussit à le suivre partout où Blake l'entraîne en utilisant l'épée de Lady Sif et donc le Bifrost. Une fois Blake maîtrisé, qu'en faire ? Il faudrait demander son avis à Thor, toujours coincé dans le monde de Blake.


Mais Blake n'a pas dit son dernier mot. Il se reprend et retourne sur Terre pour s'en prendre au Dr. Strange, qui a autrefois volé une partie de la magie asgardienne. Jane Foster assiste au combat entre le sorcier suprême et Blake, qui, quand il voit Jane se changer en Valkyrie, s'éclipse.


Le Dr. Strange a compris où se rendait Blake : il va s'en prendre à Yggdrasil, l'arbre-monde d'Asgard, la source du pouvoir divin. Valkyrie compte bien l'en empêcher, mais pas seule. Et elle va chercher le seul à pouvoir stopper Blake...

Récemment, j'ai exprimé sur un forum mon avis sur les scénaristes en vue chez Marvel en pointant le point commun que je leur trouvais. Plus particulièrement, je désignai Chip Zdarsky et son run sur Daredevil et Donny Cates sur Thor. Mon reproche portait sur le fait qu'il n'écrivait pas sur le héros de leur série, il faisait même tout pour l'éviter et en décompressant leur narration.

Zdarsky, et ce qui a fini par me décourager avec son traitement de Daredevil, est vraiment un cas d'école : à la fin de son premier arc, il a mis Matt Murdock dans une situation telle qu'il abandonnait son rôle de justicier. Puis il a mis en scène son (lent) retour à cette activité clandestine (mais sans renouer avec son alias). Finalement quand Murdock a remis son masque de DD, juste après il s'est livré à la police, a plaidé coupable devant un tribunal et a atterri en prison pour y purger une peine de deux ans. Laissant Elektra, qui souhaitait avoir son aide pour régler une affaire, le remplacer comme protectrice de Hell's Kitchen (c'est toujours le cas). En tout et pour tout, Zdarsky n'a pas dû écrire plus de sept épisodes de Daredevil avec Matt Murdock dans ce rôle sur près de trente numéros.

Revenons à Thor. Si on excepte la mini-série King Thor (qui se déroulait dans le futur), le run de Jason Aaron s'est terminé avec l'event War of the Realms au terme duquel Odin reconnaissait Thor comme le nouveau roi d'Asgard et Père-de-tout. Cates a donc repris la série avec ce nouveau statu quo : Thor sur le trône, souverain des neuf royaumes. Mais Cates a surtout mis en scène un Thor réticent à endosser ce rôle, le protocole, et vite transformé en héraut de Galactus pour aller combattre l'Hiver Noir. Après quoi, histoire de saper encore plus ce statut récent de régent, Cates a remis le couvert, déjà exploité par Aaron, qu'entre Mjolnir et son détenteur, ça n'était plus ça : Thor n'en était pas indigne à nouveau, mais désormais tout le monde pouvait brandir le marteau enchanté.

Pour le dieu du tonnerre, on ne peut pas dire que le bilan était glorieux. C'est le choix de son scénariste et, ma foi, il n'y a pas à le discuter. On aime ou pas, on lit ou pas, c'est aussi simple que ça. Moi, j'ai choisi, malgré ma déception, de donner une seconde chance à Cates en entamant la lecture de ce nouvel arc qui marquait le retour de Donald Blake. Mais j'ai vite déchanté en comprenant qu'il ne s'agissait pas de réunir Thor et son alter ego mais de se débarrasser définitivement de Blake. Aaron avait fait comme si Blake n'existait plus. Cates a décidé de le supprimer.

Son histoire fait donc de Blake un monstre et les arguments justifiant cela sont plutôt bien imaginés, je ne reviens pas dessus, cela a fait l'objet de mes précédentes critiques. En programmant son intrigue sur six épisodes, il restait à rendre tout ça palpitant. Et là, problème.

Je ne sais pas si on peut identifier celui qui, le premier, a construit un story arc en six épisodes - le nom de Warren Ellis revient souvent pour affirmer que c'est lui qui a popularisé ce format. C'est devenu l'emblême de ce qu'on appelle la "narration décompressée" parce que cela a tendance à diluer l'intérêt de l'histoire, à en ralentir le rythme, en établissant une espèce de "ventre mou" à mi-chemin avant de boucler souvent précipitamment le récit. Mais certains ont su dompter ce format et produire des histoires accrocheuses malgré un rythme bancal. Le tout, c'est de savoir doser ses effets.

A ce petit jeu, Cates est comme beaucoup d'autres : il commence fort, pique un peu du nez et conclut en trombe. C'est ce qui va certainement se passer si j'en juge par le cliffhanger de cet épisode qui voit le retour d'un personnage laissé pour compte par Cates depuis le début de son run. Pendant ce temps, Donald Blake continue de vouloir faire la peau à tous les pseudo-Thor qui trainent. Son combat contre Throg (Frog Thor) est la séquence la plus réussie de cet épisode car cet avatar de Thor, avec l'aide de Lockjaw, fait mieux que résister à la furie de Blake.

Mais au fond, on s'en fout un peu. Après tout, au point où il en est, Blake peut bien s'en prendre à la Terre entière, le mec a complètement pété un cable, il est irrécupérable et je ne sais pas s'il finira pas se faire buter ou remettre en cage dans une dimension parallèle. En tout cas, à la fin, il aura fait son temps. Cette fois, il n'y aura même plus besoin de faire comme s'il n'existait plus. C'est dommage, j'aimai bien Donald Blake, mais je devais être un des derniers. Et je crois aussi qu'à la fin de cet arc, Thor ne sera plus roi d'Asgard ni Père-de-tout (parce qu'il ne voudra plus, parce qu'il aura fait la preuve de son incompétence, parce qu'il sera remplacé sur le trône). Je le crois parce que ça n'a pas l'air de convenir à Cates, et que Marvel n'aime pas quand ses héros profitent de leur gloire (regardez Spider-Man : à chaque fois qu'il monte trop haut, on le fait vite redescendre pour en refaire un loser célibataire car Marvel est convaincu que Spider-Man, comme Peter Pan, une fois adulte et arrivé, n'intéressera plus les fans).

C'est le comble atteint par ce 12ème épisode : il est plus intéressant parce qu'il laisse deviner que par ce qu'il raconte, sans grand intérêt sinon de montrer encore une fois Donald Blake en plein délire vengeur. Et de confirmer que Cates oublie Thor (une page dans cet épisode, parfaitement dispensable) : plus il est absent de son propre titre, plus le scénariste peut s'amuser à massacrer des seconds rôles et montrer Blake complètement déchaîné. Comme Zdarsky avec DD, c'est évident que Cates travaille à sa série en évitant son héros, en le démolissant. Encore une fois, c'est son choix. Mais c'est le mien de ne pas trouver ça intéressant.

Je suis un peu navré d'être grincheux. J'aimerai conserver de l'énergie pour parler de Nic Klein mais même ses dessins ne me font plus d'effet. C'est pourtant tonique, mais bon, Klein a trop de talent pour une telle histoire. Je préférerai le voir collaborer avec un scénariste qui lui donne plus, mieux. Je n'ai rien à dire de plus. Nic Klein est le dernier truc qui rend ça attractif, mais bon, ça ne sauve pas l'affaire pour autant.

Encore deux épisodes donc. Mais après, rideau.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire