J'ai gardé sous le coude ce quinzième épisode de New Mutants sorti la semaine dernière car il n'y a pas beaucoup de nouveautés à mon programme de critiques ces jours-ci. Une nouvelle fois, Vita Ayala prouve qu'elle est la scénariste qu'attendait cette série à laquelle elle a donné un second souffle en osant la bousculer à plusieurs niveaux. L'intrigue se noue, intense. Et Rod Reis ajoute à la réussite avec ses dessins qui assument brillamment leur influence.
Sous l'emprise manifeste du Roi d'Ombre, de jeunes mutants ont saccagé l'habitat de leurs camarades. Quand ele l'apprend, Magik décide de rappeler ces mauvais élèves à l'ordre tout en ignorant la menace réelle.
Cependant, Warpath rassemble les élèves pour de nouveaux exercices destinés à améliorer leur synergie. Parmi eux, Gabby Kinney a du mal à s'intègrer et elle ne peut guère compter sur Daken pour la soutenir, car il est trop occupé par ailleurs. Ses camarades se plaignent aussi de sa maladresse.
De son côté, Felina s'épanche auprès de Mirage car les Cinq refusent toujours de ressuciter son fils. Dani Moonstar promet d'en parler au conseil de Krakoa mais déjà Karma vient la chercher car elle doit prononcer un discours à la fête donnée pour Cypher et son épouse Bei.
Cette réception réunit tous les jeunes mutants et à cette occasion va éclater un drame. Cosmar, une mutante au physique très ingrat, demande à Mirage de participer pour elle à l'Epreuve, mais esssuie un refus. Cosmar se retire, furieuse, tandis que le Roi d'Ombre savoure les crises qui couvent...
Ce qu'accomplit Vita Ayala avec New Mutants me fait penser à ce que fait Ram V avec Catwoman : dans les deux cas, on assiste à l'arrivée d'un nouvel auteur sur une série dont le précédent scénariste n'a pas su diriger une intrigue intéressante et qui ne perd pas de temps pour y imprimer sa marque et lui donner une nouvelle direction plus probante.
Il y a chez Ayala à l'évidence une volonté nette de reprendre les choses en main, quitte à bousculer le postulat de la série. Elle n'a, par exemple, pas hésité à modifier le casting, en reléguant Cypher et en se passant de Solar et Cannonball (que Hickman a de toute façon envoyé loin de Krakoa), et en intégrant Warpath ou en séparant Warlock de Doug Ramsey. Le noyau dur de l'équipe est cependant intacte mais très féminisé avec Mirage, Feline, Magik, Karma.
L'autre point important, c'est qu'elle suit l'idée initiale de Hickman (et que, il faut lui en laisser le crédit, Ed Brisson avait poursuivi), à savoir que le titre de Nouveaux Mutants ne s'applique pas seulement désormais au groupe de héros emblématiques mais à toute la jeunesse de Krakoa. Cela implique que le supporting cast de la série est très fourni et qu'il faut le montrer et s'en occuper, au-delà de la figuration.
Mais la touche la plus notable d'Ayala réside sans doute dans la manière de suggérer l'essentiel. Tout commence par la menace incarnée par le Roi d'Ombre sur lequel subsistent plusieurs mystères : d'abord comment s'est-il réincarné ? On peut penser qu'il a été ressucité par les Cinq, mais ce n'est qu'une supposition (d'autant plus qu'on imagine mal qu'ila fait partie des mutants à ramener à la vie en priorité). Ensuite, est-ce que sa présence sur Krakoa est connue de tous ? Là encore, rien n'est sûr, et les pouvoirs mentaux immenses d'Amahl Farouk pourraient lui permettre de rester caché, même pour de puissants télépathes comme Charles Xavier ou Jean Grey. Enfin, quelles sont les relations exactes, les sentiments réels entre certains Nouveaux Mutants ? Rhane Sinclair et Dani Moonstar paraissent plus intimes que jamais (comme dans le film de Josh Trank où leur amour était officialisé).
Pour en revenir au Roi d'Ombre, il est de plus en probable qu'il cherche à créer une guerre entre les nouveaux mutants, notamment en infleunçant le groupe dont fait partie Cosmar. Cette dernière est au coeur de l'épisode : mutante affligée d'un physique terriblement ingrat, elle est convaincue qu'en participant à l'Epreuve (le Crucible), elle pourra être ressucitée avec une apparence plus conforme à ses désirs, un aspect "normal". Pour accomplir son projet, elle finit par demander à Mirage de la soutenir mais Dani Moonstar lui explique posément que l'Epreuve ne fonctionne pas comme ça (en effet, il s'agit de se faire tuer en duel parce qu'on a perdu ses pouvoirs pour être ressucité en les ayant récupéré). Cosmar ne l'accepte pas et quitte la fête en pleurs. Le Roi d'Ombre jubile et sa réaction confirme à l'évidence qu'il cherche à monter les plus jeunes contre leurs professeurs.
Ayala revient sur la résurrection via le personnage de Rhane Sinclair à qui on refuse de lui rendre son fils. Dani Moonstar, à qui elle se confie à ce sujet, promet de l'aider en parlant au conseil de Krakoa tout en étant vite rattrapée apr d'autres obligations mondaines (elle doit prononcer un discours en l'honneur de Cypher et son épouse, Bei). Que va faire Feline quand elle aura saisi que Mirage ne pourra certainement pas l'aider autant qu'elle le souhaite.
Enfin, dans ce scénario déjà très dense, Ayala trouve une place pour traiter le personnage de Gabby Kinney celle-ci est la clone de Laura Kinney et se sent déjà marginalisée. Elle cherche du réconfort auprès de Daken (Laura étant toujours absente), qui n'a pas le temps pour elle. Lors de l'exercice sur la synergie (qui, au passage, indique que les nouveaux mutants professeurs forment leurs élèves à devenir de proto-chimères, bien avant que Mr. Sinistre ne l'envisage, comme cela était annoncé dans Powers of X), elle est malmenée par ses camarades qui lui reprochent sa maldresse (et pour cause, elle n'a jamais travaillé en équipe et n'arrive pas à s'intègrer à la classe). Là encore, Gabby apparaît comme une bombe à retardement.
Rod Reis, en revenant sur la série, participe grandement à sa renaissance. Inspiré par Bill Sienkiewicz, qui a marqué au fer rouge le titre dans les années 80, il donne à l'histoire un look unique, grâce à son usage de la couleur. Ici, la palette est volontiers criarde, saturée, grâce à des effets infographiques, et cela souligne l'ambiance cauchemardesque de l'ensemble. Quelque chose cloche, c'est certain, et les illustrations le soulignent.
Mais si Reis est un émule de Sienkiewicz, il ne le singe pas et impose sa personnalité. Son découpage est plus sage et sait se moduler en fonction du script. Il alterne des pages éclatées, comme lorsque Rhane se souvient de la conception difficile de son fils, mais sait aussi de conformer à une mise en scène plus stricte quand il aligne plusieurs pages en forme de "gaufriers" lors de la scène de la fête, ce qui lui permet d'isoler plusieurs personnages dans le décor et ainsi de fluidifier la progression du drame qui va éclater. On passe d'une grappe d'élèves à une autre, puis aux professeurs, tout en suivant le déplacement de Cosmar jusqu'à Mirage.
Ce procédé scénographique permet à Reis de brillamment faire monter la pression tout en représentant cette foule de personnages sans tomber dans la facilité d'une pleine page. Là, le regard du lecteur est guidé par le découpage. Cela met aussi en valeur la variété des physiques et on peut mesurer à quel point les jeunes mutants les plus récemment apparus sont victimes de mutations ingrates alors que la génération des premeirs Nouveaux Mutants a la chance d'être composée de personnages aux physiques passe-partout. Ainsi, on peut compatir pour Cosmar et comprendre qu'elle souhaite plus que tout renaître en ayant une apparence plus ordinaire. Enfin, on admirera avec quelle aisance Ayala et Reis casent ainsi des personnages dont la présence est détachée l'intrigue mais qui appartiennent encore à la classe de juniors de Krakoa (revoir Cypher avec Bei rappelle que son mariage survenu durant X of Swords n'est pas oublié).
Le résultat est donc bluffant. Magistralement écrit, dessiné avec une maîtrise exemplaire, cet épisode est une leçon et porte la série à un niveau qu'elle n'avait pas connue depuis sa relance.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire