Pour ce deuxième numéro (sur quatre et non sur deux comme je l'avais écrit dans ma précédente critique) de Future State : Dark Detective, on retrouve Mariko Tamaki et Dan Mora pour le titre-vedette, toujours très en forme. La seconde partie du sommaire concerne Red Hood (la suite de l'aventure de Grifters sera pour le prochain uméro), écrit par Joshua Williamson et dessiné par Giannis Milonogiannis. Un excellent programme.
Bruce Wayne se souvient de sa dernière rencontre avec le Gardien de la Paix 01 sur les docks de Gotham. Pour lui échapper, après avoir été blessé par balle, il plonge dans la baie et se sert de sa dernière grenade pour tenter d'éliminer son chasseur.
Aujourd'hui, en tant que Batman, il neutralise un des robots policiers du Magistrat dans un entrepôt où s'étaient réfugiés de jeunes délinquants. Après avoir prélevé un bras du robot, Bruce rentre chez Noah, à qui il loue une chambre. L'homme est complètement parano et sa fille Hannah le fournit en eau potable.
L'examen du bras du robot conduit Batman au locaux de l'entreprise Plexotech qui les fabrique. Cette société s'est montée à la suite de la guerre du Joker, qui a presque ruiné Wayne. Sur place, Batman est vite remarqué mais il réussit nénamoins à fuir avec un micro-drone chargé de la surveillance du lieu.
Encore une fois, chez Noah, Bruce va découvrir de précieux indices en examinant ce micro-drone, originellement conçu par Lucius Fox pour Wayne entreprises. Il est à présent que, grâce à cet équipement, le Magistrat surveille tout Gotham et qu'ainsi il a découvert la double identité de Batman.
Alors que The Next Batman m'a tellement déçu après la lecture de son deuxième épisode au point que j'ai renoncé à en rédiger une critique, Future State : Dark Detective confirme sa réussite. Ce deuxième épisode (sur quatre, et non sur deux comme je l'avais initialement écrit) est même encore meilleur que le précédent. C'est assurément une des (sinon la) plus grande réussite de la collection (du moins, pour ce que j'en ai lue).
Pourquoi ? C'est très simple en vérité : Mariko Tamaki renoue avec quelque chose que j'aime chez Batman (puisque le Dark Detective, c'est lui, le vrai Batman, Bruce Wayne), à savoir une detective story. Je ne dis pas que c'est la meilleure manière d'écrire sur ce personnage puisque j'ai également toujours apprécié quand un scénariste se montrait inspiré en explorant la psyché du dark knight, mais tout de même, Batman comme enquêteur, en train de résoudre un mystère, c'est la base du personnage. Et là, on est en plein dedans.
Tamaki se montre très affutée : elle construit son intrigue autour de la chute de Batman qui coïncide avec l'avènement du Magistrat, le grand méchant qui a pris le contrôle, avec la complicité du maire, de Gotham. On avait compris, dans le premier épisode, que cette prise de contrôle par une police privée et musclée avait été rendue possible grâce à la technologie développée par Wayne entreprises. Désormais, on sait à partir de quand ce nouveau régime a débuté, à la faveur de quelle histoire il a été autorisé, et surtout à quel point Bruce Wayne/Batman a été victime de ses propres méthodes et outils.
En effet, Tamaki s'appuie sur un arc récent du Batman de James Tynion IV, Joker War, dans lequel le Joker donc détourne la fortune de Wayne pour traquer Batman en semant un chaos démentiel à Gotham. Au terme de cette guerre, Bruce Wayne est effectivement, non pas ruiné, mais substantiellement moins riche et donc plus vulnérable. A cette époque, Lucius Fox, le chef du département innovations techniques de Wayne entreprises, a développé des micro-drones pour surveiller les agissements de délinquants et du grand banditisme en ville. Mais il a aussi convaincu, in fine, Bruce Wayne de réfléchir avant d'en faire usage, estimant que cela pourrait passer pour un fliquage total de la population, donc uné dérive autoritaire.
Mais, comme il était moins assuré, Wayne n'a pas été assez vigilant et sa technologie des micro-drones a profité à d'autres. Comment ? Ce sera répondu dans la suite de la mini-série. Mais grâce à cela, tout s'explique et en particulier comment le Magistrat a su que Batman et Bruce était une seule et même personne, que le Gardien de la Paix 01 traque désormais indifféremment. Le "spectacle" d'un Bruce/Batman dépassé par une de ses inventions, dans un décor évoquant celui de Blade Runner, blessé, sans alliés, pisté par un chasseur qui sait qui il est, ruiné, est haletant. Le récit est rythmé de manière implacable. Mariko Tamaki fait un sans-faute.
Et elle peut compter sur un dessinateur lui aussi en feu. Depuis leur première collaboration pour un segment de Detective Comics #1027, la scénariste et Dan Mora affichent une complicité remarquable. Cela se sent à chaque planche que l'artiste illustre avec un plaisir évident. Certes animer Batman est le rêve de beaucoup, mais encore faut-il être à la hauteur de ce héros emblématique, écrasant, sur lequel les plus grands ont taillé leur crayon.
J'aime beaucoup ce que fait Mora avec Batman, la physicalité qui lui insuffle. C'est un héros qui morfle mais reste combatif, qui est au bord de la rupture parce que totalement acculé, démuni. En même temps, il reste ce héros qui compense de manière jubilatoire, d'abord par sa pugnacité intacte et surtout parce que c'est son combat le plus extrême, celui pour lequel il doit puiser dans ses ultimes ressources. Mora parvient brillamment, avec un découpage nerveux, où les cases sont généreusement détaillées et de belle dimension, à nous faire partager les émotions de Batman, combattant inusable mais aussi détective minutieux.
Ajoutez-y la colorisation magistrale de Jordie Bellaire et vous avez une mini-série de haut niveau, de première classe, dont il est impossible de décrocher. De quoi attendre confiant la reprise de Detective Comics par cette équipe créative en Mars.
*
2025. Gotham. Jason Todd alias Red Hood a fait le choix de travailler avec la Magistrature de Gotham, et donc de traquer et arrêter les masques. Il appréhende ainsi le Vigilant et le livre aux autorités. Mais déjà une autre affaire se présente car un individu est signalé avec le costume du premier Red Hood.
Jason s'arrête dans un bar où il est pris à parti par trois hommes. Ravager vient l'aider à les raisonner sans qu'il lui ait demandée son assistance, mais la jeune femme est sa maîtresse. Il trouve sur un des hommes l'adresse du faux Red Hood et part l'arrêter.
L'opération se passe mal car Ravager tue le faux Red Hood qui s'avère être un malfrat sans intérêt mais manipulé par le Chapelier Fou. Jason Todd remonte sa piste avec Ravager et arrive dans une maison isolée où il trouve le cadavre de leur cible...
Grifters attendra le prochain numéro pour connaître l'issue de son intrigue, et en attendant donc, c'est à un autre personnage que revient d'occuper la back-story de Dark Detective. Joshua Williamson écrit donc ce qui est arrivé à Jason Todd alias Red Hood dans le Gotham de 2025. Et c'est une nouvelle réussite.
Jason Todd occupe une place à part dans la Bat-family. Il a succédé à Dick Grayson dans le rôle de Robin au cours des années 80, puis a connu des séquences tragiques au cours de sa carrière de sidekick (victime du Joker, puis orphelin de père durant Identity Crisis). Il s'est radicalisé en se réinventant sous l'alias de Red Hood, devenant un justicier violent et même hors-la-loi dans la dernière série à son nom. Juste avant Future State et l'annulation de son titre, son ardoise a été effacée.
Mais Williamson a pensé que que cela privait le personnage d'une histoire futuriste plus intéressante et il a imaginé que Red Hood avait choisi en 2025 de travailler pour le Magistrat en traquant et arrêtant des justiciers masqués. Toutefois, on devine que Jason Todd accomplit sa besogne sans plaisir et à l'évidence en choisissant laquelle de ses cibles méritait d'être capturé avec ménagement.
L'intrigue est habile, elle lance le héros sur les traces du Chapelier Fou tout en déjouant les attentes grâce à un cliffhanger malin. Ravager, la fille de Deathstroke, elle aussi dans les rangs de la Magistrature, complète le casting : Williamson en fait la maîtresse de Jason Todd et sa collègue et le couple forme une paire tonique, à la relation tendue.
Le récit est mené tambour-battant, on ne s'ennuie pas une seconde. Et c'est aussi grâce au dessin de Giannis Milonogiannais. Je ne connaissais pas cet artiste mais ce que j'ai vu m'a beaucoup plu. On devine une influence manga par moments, le trait est très vif, l'encrage léger (à la limite même), mais ça colle avec l'ambiance où l'action, le mouvement priment.
Milonogiannis en a profité pour redesigner légèrement Red Hood, c'est très probant (d'autant plus que longtemps Jason Tood s'est trimballé un look impossible, avec un casque rouge, mais aussi des dessinateurs franchement épouvantables). Là encore, Jordie Bellaire fait la preuve de son génie aux couleurs, privilégiant des teintes douces pour des scènes diurnes, qui permettent un contraste efficace avec les parties rouges du costumes de Red Hood.
Bravo !
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