vendredi 29 janvier 2021

FUTURE STATE : AQUAMAN #1, de Brandon Thomas et Daniel Sampere


Je n'avais pas prévu initialement de lire Future State : Aquaman mais la preview du premier épisode m'a convaincu de lui donner sa chance. Et je ne le regrette pas. Bien que Brandon Thomas use d'une astuce pour son récit futuriste, le résultat est très accrocheur. Pour dessiner cette histoire, DC a fait appel à Daniel Sampere, qui sort de son rôle de doublure de luxe.


2030. Jackson Hyde a endossé l'alias d'Aquaman et s'enfuit d'une prison sous-marine. Alors qu'il nage jusqu'à la surface, il voit quelque chose qui le sidère et permet à ses gardiens de le rattraper et de le renvoyer en cellule.


2025. Jackson Hyde traque Black Manta en compagnie de Andy Curry, la fille de Aquaman (Arthur Curry) et Mera. Le vilain réussit à leur échapper encore une fois. Jackson tente de raisonner Andy, frustrée par cet échec et l'attitude paternaliste de son mentor lorsqu'un phénomène étrange se produit.


Il s'agit de la Confluence, un bouleversement marin dans le continuum espace-temps, qui propulse Jackson et Andy dans des océans situés dans des dimensions parallèles. En nageant dans l'un d'eux, ils sont attaqués par un monstre qui capture Andy et la sépare de Jackson.


2030. Remis à son geôlier, Jackson est interrogé sur la raison pour laquelle il s'est laissé reprendre par ses gardiens. Il répond qu'il a vu un signe attestant que Andy est toujours vivante. Puis il brise ses chaînes et annonce qu'il part à sa recherche...

Aquaman est un personnage dont DC Comics semble souvent ne pas savoir quoi faire. Durant les New 52, il a connu un regain de popularité énorme grâce à Geoff Johns puis Jeff Parker. Lors de DC Rebirth, c'est Dan Abnett puis Kelly Sue DeConnick qui ont écrit ses aventures avant que sa série soit annulé récemment. Au sein de la Justice League, il a souvent souffertt d'un déficit de charisme à côtés de la "trinité" (Superman, Wonder Woman, Batman) ou d'autres membres iconiques (Green Lantern, Flash, Martian Manhunter), alors que, ironiquement, il est un des fondateurs de l'équipe. En parallèle, sa compagne, Mera, a souvent brillé lorsque les scénaristes l'ont employé pour le remplacer à l'occasion.

Dans le projet Future State, Arthur Curry et Mera sont hors champ, ils se sont retirés, et c'est Jackson Hyde qui a hérité du titre de Aquaman. Un choix étonnant puisque Hyde est le fils de Black Manta, le pire ennemi de... Aquaman. C'est également un personnage de couleur, et à ce titre, il confirme l'intention de ces mini-séries de donner plus de visibilité à aux "minorités ethniques" (comme Yara Flor, la néo-Wonder Woman brésilienne ou le Next Batman).

Je ne connaissais pas Brandon Thomas avant mais il fait partie des nouvelles plumes engagées par DC pour Future State. : journaliste, blogueur et auteur freelance, il impose d'emblée sa marque avec une écriture dynamique, qui accroche le lecteur. Pas besoin de grandes explications pour saisir le contexte de son intrigue, tout est brillamment résumé par des dialogues vifs et concis. 

Jackson Hyde est devenu le mentor de Andy Curry, la fille de Arthur Curry et Mera, et ensemble ils traquent Black Manta en 2025. Bientôt ils sont séparés à la faveur d'un événement cosmique et Jackson croit Andy morte. Cinq ans après, déporté dans une autre dimension à cause de cet événement, Jackson est dans une étrange situation : retenu par un geôlier extraterrestre, il finit par comprendre que son geôlier attend comme lui une preuve de vie d'Andy devenue la légendaire Aquawoman.

Si la lecture est aussi plaisante, c'est parce que la narration est très maîtrisée et efficace. Le rythme est soutenu, les péripéties spectaculaires, les rebondissements bien amenés et surprenants. Et la caractérisation est inspirée : la relation Jackson-Andy est vigoureuse, Andy est une jeune fille qui contrôle mal ses pouvoirs (à cause de son émotivité) tandis que Jackson tente d'être digne de la confiance des parents de sa protégée. Leur voyage réserve des moments sensationnels et dramatiques et on est piqué au vif pour savoir ce qu'il est advenu de Andy entre 2025 et 2030.

Le titre bénéficie aussi de dessins magnifiques. J'ai toujours bien apprécié Daniel Sampere même si je déplorai que DC ne lui donne pas plus d'espace pour s'exprimer : il a servi de fill-in artist sur Justice League Dark (période Rebirth) pour un bref arc très réussi, ou sur la récente version de Suicide Squad où il a remplacé son ami Bruno Redondo au milieu du bref run écrit par Tom Taylor.

Mais il semble que DC ait changé son fusil d'épaule et sans doute que la prestation de Sampere sur cet Aquaman a dû jouer. En effet, en Mars prochain, le dessinateur va s'occuper des pages intérieures de Action Comics. Pour l'heure, on peut donc apprécier son travail dans ce premier épisode où on constate que son trait a spectaculairement mûri. Comme Dan Mora, l'influence de Jim Lee est assez évidente, notamment par sa propension à des physionomies athlétiques et anguleuses (pour les hommes). Mais comme Mora, Sampere est plus complet que Lee, varie davantage ses effets, a un trait plus dynamique et souple.

La manière dont il anime Andy est remarquable dans la mesure où il réussit à la représenter comme une jeune fille aux proportions crédibles, très expressive aussi. Les décors sont également soignés. Sampere assume aussi l'encrage et celui-ci a une bonne consistance, qui permet de donner des textures bienvenues et de miser sur des effets bien dosés (comme une mise en scène avec des silhouettes rouges sur fond noir dans une case cruciale). Enfin la colorisation d'Adriano Lucas fait le reste, avec de superbes nuances (la double page montrant la Confluence est mémorable).

Moins noir et désespéré que d'autres titres Future State, Aquaman entraîne le projet dans d'autres territoires, plus exotiques, avec des personnages plus frais. Une proposition bienvenue.

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