samedi 12 décembre 2020

GUARDIANS OF THE GALAXY #9, de Al Ewing et Juann Cabal


Al Ewing est très présent cette semaine : un signe évident de la position actuelle du scénariste, sur lequel Marvel mise beaucoup. Avec trois séries en cours (Immortal Hulk, S.W.O.R.D. et donc Guardians of the Galaxy), il est devenu une valeur sûre. Ce mois-ci, il retrouve Juann Cabal et son script est transcendé par la virtuosité de cet artiste. Pour un épisode qui marque le retour d'un personnage emblématique du titre...


Peter Quill s'était sacrifié pour sauver ses amis des dieux olympiens. Mais le voilà qui réapparaît dans une dimension parallèle, sur la planète Morinus. Il a été recueilli par un couple de justiciers, Aridia et Mors, qui lutte contre les Douze Maisons et pour ceux qui réclament leur aide.
 

Peter partage leurs aventures trépidantes, sans réussir à oublier sa vie passée et surtout le souvenir de son amour pour Gamora. Il en profite également pour reconfigurer son pistolet élémental. Après plusieurs décennies, il devient l'amant de Mors et Aridia.


Mais Peter découvre qu'en utilisant son arme, il redonne aux dieux de l'Olympe l'énergie qu'il leur faut pour recouvrir leur puissance et regagner notre dimension. Mors meurt au combat. Peter fait le choix de quitter Aridia et, pour retrouver les siens, plonge dans la piscine sacrée.


Il s'agit d'un conduit qui le ramène dans notre dimension où il retrouve aussitôt Rocket Raccoon et Nova, aux prises avec la nouvelle menace qui dévaste l'univers...

Ce qu'on retiendra de cet épisode, c'est une évidence avec laquelle Guardians of the Galaxy va devoir composer dans l'avenir : rarement la réussite d'une série a autant dépendu de son artiste, Juann Cabal, dont le style virtuose assure un spectacle unique à chaque fois.

Comme scénariste de cette série, Al Ewing a imprimé à ses histoires un rythme soutenu, des intrigues inventives. Il a aussi chamboulé le casting, désirant s'affranchir de la formation qui a connu la gloire dans les comics et au cinéma (c'est-à-dire en écartant Gamora, Groot, Drax et Star-Lord). Ses arcs narratifs sont souvent brefs et mixe space opera, soap, polar, comédie, drame.

On ne s'ennuie donc pas, mais l'ensemble est inégal. Quand Ewing est inspiré, cela se lit tout seul, avec un grand plaisir. Quand la sauce peine à prendre, c'est beaucoup plus laborieux ou anecdotique. Par ailleurs, comme Donny Cates avant lui, Ewing a échoué jusqu'à présent à donner de la consistance à tous ses personnages (en particulier Phyla-Vell), à justifier l'intégration de nouvelles têtes (Hercule), ou à cacher sa préférence pour certains (Noh-Varr, Nova, Rocket). Le bilan est donc mitigé.

En éliminant dès le deuxième épisode Peter Quill, Ewing a voulu clairement marquer son territoire et faire un coup. Certes, sa disparition avait été héroïque et donnait à son geste un aspect sacrificiel d'une rare noblesse. Mais finalement cela n'aura duré que sept épisodes pour que Ewing le fasse revenir dans la partie : ce n'est pas rien, mais ce n'est pas non plus très long.

Du coup, on peut légitimement s'interroger sur le sens à donner à cette manoeuvre et ses conséquences. D'autant plus que, le mois prochain, Guardians of the Galaxy va être directement impliqué dans la saga King of Black et le projet de conquête/fin du monde mené par Knull, le roi des symbiotes. Contrairement aux X-Men où l'editor Jordan White et le scénariste Jonathan Hickman ont préféré s'en détacher en ne consacrant que des épisodes hors-séries, Ewing avec ses deux titres cosmiques (SWORD et donc les GotG) lui a accepté de croiser ses intrigues avec celle de Donny Cates.

On peut donc dire que Star-Lord revient à pic pour aider ses camarades dans la nouvelle grande épopée Marvel, mais du coup son retour devient trop providentielle pour conserver tout son impact. J'aurai franchement préféré que Ewing s'attarde sur l'impact du retour de Peter Quill que de le ramener pile au moment où Knull croise la route des Gardiens. Ensuite, une fois le(s) épisode(s) liés à King in Black passé(s), qu'adviendra-t-il de Star-Lord ? Reprendra-t-il la tête de son équipe ? Ou restera-t-il auprès de Gamora ? Ou Gamora le suivra-t-elle au sein des Gardiens ? Et comment réagiront d'ailleurs les Gardiens au retour de leur ancien chef ?

Vous l'aurez compris, je suis un peu perplexe. Le contenu de l'épisode est bon, même très bon. Il y a une dimension psychédélique étonnante, on assiste à des rebondissements surprenants (Peter Quill devient bisexuel), Ewing remixe avec son adresse coutumière anciens et nouveaux éléments du passé de Star-Lord pour produire des origines "officielles". L'apparition du Maître du Soleil rappellera à point à de vieux fans que Star-Lord n'a pas toujours été un héros cosmiques cool comme celui popularisé dans les films mais une sorte de héraut investi par une entité mystérieuse qui lui accorda des pouvoirs pour venger sa mère de manière très musclée. Son équipée avec Mors et Aridia est dépaysante, le récit prend une tournure initiatique, comme un reboot où le héros renaît fort de sa récente mort et des expériences antérieures.

Mais surtout tout cela a de l'allure grâce aux planches incroyables que livre Juann Cabal. La série n'est vraiment pas la même quand c'est lui qui la dessine. On peut comprendre qu'il ne tienne pas les délais mensuels quand on observe ses planches, avec un découpage époustouflant où le motif du triangle, de la pyramide est ominprésent, où le flux de lecture est dirigé avec expertise de haut en bas, de gauche à droite. Il n'y a pas que Star-Lord qui est dans des montagnes russes ici : le lecteur est soumis à une expérience visuelle peu commune. Une nouvelle fois, la comparaison entre Cabal et le grand J.H. Williams III me paraît évidente : deux artistes qui font de chaque page un terrain de jeu et y soumettent le lecteur.

Mais, comme Bachalo, Williams III, et quelques autres dessinateurs extrêmes, Cabal est impossible à suivre. Impossible à remplacer. sans lui, Guardians of the Galaxy n'a vraiment pas la même saveur, la même grandeur, la même luxuriance. Marcio Takara reparti chez DC, qui va le remplacer quand il aura besoin de souffler ? Ewing se lâche avec Cabal car il sait qu'il tient un partenaire exceptionnel. Sans lui, ses scripts révèlent leurs faiblesses et la série devient plus ordinaire.

On ne peut pas lire cet épisode en faisant abstraction des interrogations qu'il suscite. C'est le talon d'Achille du run de Ewing et Cabal : ils produisent des épisodes éblouissants à eux deux, mais leurs efforts sont fragiles et un team-book est très exigeant. De ce point de vue, le retour de Star-Lord colle bien avec celui de Cabal : le héros et son dessinateur sauveront-ils longtemps les meubles ? Ou sont-ils condamnés à des exploits météoriques ? La BD est un art organique, cet épisode en est la preuve.

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