samedi 5 décembre 2020

BLACK WIDOW #4, de Kelly Thompson, Elena Casagrande et Carlos Gomez


Voilà l'épisode dont Kelly Thompson a avoué qu'il lui avait donné du fil à retordre, jusqu'à la faire pleurer. Black Widow #4 réserve en effet un cliffhanger terrible, d'une brutalité assez inouie. Si la scénariste a pu décevoir en recourant à de vieux ennemis de son héroïne, elle se ressaisit ici. Elena Casagrande illustre tout cela avec beaucoup de talent, juste suppléée par Carlos Gomez pour quatre pages.



Natasha reprend connaissance et se souvient de tout. Elle sait qu'on a trafiqué ses souvenirs pour lui faire croire à sa nouvelle vie. Mais le danger est toujours là et elle doit veiller sur son mari et leur fils. Elle demande à James de lui faire confiance, promettant de tout lui expliquer ensuite.


Un agent de l'Hydra, envoyé par Viper, est désarmé par Natasha qui sort de la chambre et se débarrasse d'autres soldats de l'organisation terroriste. Yelena Belova s'occupe d'exfilter James et Stevie. Les deux espionnes se rejoignent et quittent l'endroit.


Ils gagnent une planque et, comme promis, Natasha explique à James comment elle a été agressée par l'Hydra, enlevée et conditionnée. Leur fils, Stevie, a été créé de toutes pièces à partir de leur ADN. Toute leur vie n'a été qu'une mascarade.


Ces révélations sont dures à avaler pour James et ce n'est pas fini : Natasha lui explique qu'ils doivent se séparer pour le bien de Stevie et ne jamais se revoir. Hawkeye et le Soldat de l'Hiver arrivent en renfort de Yelena.

Je ne spoile pas le dénouement de l'épisode mais vous pouvez me croire quand je garantis qu'il est vraiment inattendu et brutal. C'est un véritable électrochoc qu'a voulu provoquer Kelly Thompson, un retournement de situation choquant, et c'est très réussi.

L'épisode précédent m'avait laissé une drôle d'impression dans la mesure où la scénariste n'était pas parvenue, comme elle l'avait pourtant annoncé, à totalement bouleverser les fodnamentaux d'une série consacrée à la Veuve Noire. En dévoilant les ennemis qui avaient conspiré pour la pièger, tous issus de son passé, Thompson échouait comme beaucoup (tous ?) avant elle à renouveler la toile de fond. Le rôle dévolu à Arcade, dont la présence était prometteuse, devenait secondaire, simple exécutant au service d'un groupe composé entre autre du Garde Rouge (l'ex-mari de Natasha Romaoff), Viper (alias Mme Hydra) ou le Lion Pleureur.

Mais était-ce si étonnant ? Kelly Thompson a de plus en plus de mal à confirmer les espoirs placés en elle, de mon point de vue en tout cas. Il est loin désormais le temps où elle animait les aventures de Kate Bishop dans sa version du titre Hawkeye, avec une fraîcheur et un entrain enthousiasmant. Elle avait d'ailleurs bien commencé avant de se fourvoyer dans une fin de série maladroite qu'elle voulut développer et conclure dans West Coast Avengers (sanctionné par une annulation rapide). A cet égard, Thompson, comme d'autres auteurs émergeants de chez Marvel, Thompson sait accrocher le lecteur mais ne transforme pas souvent l'essai.

Il faut lui reconnaître un don pour rebondir avec cet épisode et on verra comment elle va composer la fin de son arc (certainement le mois prochain puisque la série ne paraîtra pas en Février 2021 mais n'est pas annulée).

Ici, en fait, Thompson élague, épure et cela lui réussit. L'épisode est découpé en trois parties : une première axée sur l'action avec l'exfiltration de James et Stevie, la deuxième avec les explications de Natasha sur le piège qu'on lui a tendue et dont elle se souvient désormais, et la dernière avec donc ce cliffhanger explosif. Elle rythme bien ces séquences, rédige des dialogues sobres, et vous cueille au moment où vous vous y attendez le moins. C'est bien fichu.

Si bien fichu que l'autre appréhension que j'avais pour cet épisode passe comme une lettre à la poste. En effet, j'avais appris avec crainte que ce #4 serait co-dessiné par Elena Casagrande et Carlos Gomez. Or, cette association fonctionne bien et il faut saluer l'intelligence éditoriale avec laquelle elle est gérée.

Casagrande illustre la majorité de l'épisode avec son efficacité et son élégance coutumière. Elle nous gratifie encore d'un morceau de bravoure avec une double page où Natasha élimine plusieurs agents de l'Hydra dans un espace réduit. Pour cela, l'artiste décompose le mouvement de son héroïne et sa double page est tranchée cases verticales. Le résultat est d'une fluidité imparable.

Mais il ne faut pas s'arrêter à ce coup d'éclat car ce qui le précéde et ce qui suit est aussi remarquable. Casagrande a un sens de l'espace épatant, ses plans sont toujours superbement agencés, les personnages y sont parfaitement disposés, avec toujours des angles de vue bien pensés. Elle se place à bonne distance de l'action, sait rendre l'action dynamique, et ne pas trop souligner les moments plus émouvants.

Un exemple probant de cette approche spatiale bien dosée se trouve dans la scène où Natasha explique à James, son "mari", qu'ils ne devront plus jamais se revoir. Casagrande ne tombe pas dans la faciltié qui aurait consisté à enchaîner les gros plans, les champ-contre-champ. Non, elle reste en plan américain, et utilise des cases occupant toute la largeur de la bande, pour garder les deux personnages dans la même vignette. On comprend ainsi que Black Widow prend déjà des distances avec cet époux artificiel tout en prenant des gants pour lui expliquer la situation de manière à ce que la solution qu'elle propose soit indiscutable.

Et Carlos Gomez alors ? Hé bien, comme cela se fait désormais couramment, on a fait appel à un second dessinateur à la fois pour soulager un collègue mais en lui confiant un passage qui ne brise pas l'unité graphique de la série. En l'occurrence, il se charge ici d'un flash-back sans dialogue mais avec une voix-off. Et Jordie Bellaire laisse Federico Blee réaliser la colorisation pour ces pages.

Gomez a un style moins fin que celui de Casagrande : il suffit de voir comment il représente Natasha, avec des formes beaucoup plus pulpeuses, et habillée d'ailleurs de manière plus suggestive (en short et brassière). Mais pas non plus de quoi fouetter un chat et être navré par le sexisme évident de ces images. Gomez fait bien son job, assez ingrat au demeurant.

Bref, avec ce quatrième épisode, la série se relance. Tous les défauts ne sont pas effacés, mais Thompson a su réagir, rapidement. C'est louable et ça mérite qu'on lui accorde notre confiance pour la suite.

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