vendredi 11 septembre 2020

X-FORCE #12, de Benjamin Percy et Oscar Bazaldua


Le dernier numéro de X-Force m'avait tant déplu que j'avais annoncé mon intention de ne plus suivre la série. Je me suis ravisé, moins convaincu par ce douzième épisode (même s'il y a du mieux) que parce que j'ai compris qu'il faudrait compter avec ce titre pour le crossover X of Swords (je vais sans doute aussi me plonger dans Excalibur pour cette raison). Voyons donc ce qu'ont réalisé Benjamin Percy et Oscar Bazaldua.


Attaqué par surprise, Kid Omega est passé à travers un des portails de Krakoa qui débouche en Russie. Il est désormais aux mains du mystérieux Mikhail, qui compte l'utiliser à des fins encore inconnues.


Sur l'île de Krakoa, le Fauve a retrouvé Sage indemne et alors qu'elle est encore sous le choc de son agression, il la pousse à dresser un état des lieux. Elle trace la piste de Quentin Quire et découvre qu'il a laissé un message indiquant l'identité de son ravisseur.

Mikhail débarque dans une assemblée de l'organisation Xeno dont le chef actuel est son rival. Il neutralise le garde de ce dernier et le force à l'écouter. Pour détruire leur ennemi commun (les mutants de Krakoa), ils doivent changer de tactique.


Sur l'île justement, le nom de Mikhail permet de remonter jusqu'à deux suspects : Omega Red, venu chercher asile récemment (après avoir d'abord refusé l'invitation du Pr. X), et surtout Colossus - le frère cadet de Mikhail.


Mikhail livre Kid Omega au chef de Xeno afin qu'il créé une armée de soldats dotés de ses pouvoirs pour attaquer Krakoa...

Contrairement à Marauders, X-Force est une série qui est devenue de plus en plus antipathique : son scénariste, Benjamin Percy, avait certes annoncé la couleur, ce serait un titre sombre sur les coulisses les moins reluisantes de la Nation X, mais pour ma part, j'ai fini par me lasser de ce tableau crapoteux.

Percy semblait parti pour distribuer équitablement les rôles, mais c'était faux : entre la tête de sa CIA des mutants (le Fauve, Sage, Jean Grey) et ses bras (armés - Wolverine, Domino, Kid Omega), il est vite devenu évident que l'équipe de terrain avait ses faveurs. C'est dommage car, si, évidemment, le trio d'action est plus dynamique, les états d'âme des stratèges étaient négligés et l'âme de la série se réduisait à un récit efficace mais plus conventionnel.

Pourtant, avec le recul, ce sont pourtant bien du côté des cerveaux de la X-Force qu'il se passe les choses les plus intéressantes. Même si le personnage de Sage est très pauvrement caractérisé (alors qu'elle a quand même la charge de toute la surveillance de Krakoa), un conflit a séparé nettement le Fauve (dont les choix sont de plus en plus discutables) et Jean Grey (qui a fini par démissionner).

Le présent épisode se découpe en deux parties : d'un côté on suit Mikhail, le frère aîné des Rasputin (donc de Colossus et Magik - dont la présence n'aurait pas été de trop dans l'histoire à ce stade), et de l'autre Colossus. Si Mikhail semble un peu sortir de nulle part (j'ignorai même qu'il existait avant) et exister surtout pour relancer le subplot impliquant l'organisation anti-mutante Xeno (que Percy a également laissé trop longtemps en plan alors qu'elle paraissait être l'ennemie n°1 de la X-Force) et entraîner Quentin Quire dans une nouvelle galère (ce qui devient répétitif : Percy s'acharne sur lui avec une véhémence suspecte), en revanche ce qui arrive à Colossus révèle des éléments bien plus percutants.

Parce qu'il est le frère de Mikhail et russe (les adversaires des mutants depuis Dawn of X, dans les séries Marauders et X-Force), Piotr doit être interrogé. Mais le Fauve organise son arrestation de façon vraiment détestable, en la transformant en parade de la honte. Wolverine, écoeuré par la méthode, reprend les choses en main et on jubile de le revoir, séchement, remettre Hank McCoy en place. Toutefois, la dernière page de l'épisode montre le pauvre Colossus dans une position qui fait mal au coeur.

Percy est cruel mais ce faisant, il est aussi moins complaisant que lorsqu'il mettait en scène l'équipe de terrain de la X-Force contre la végétation folle de la Terra Verde, privilégiant le effets horrifiques perturbants aux causes du problème (qui pointaient directement du doigt encore une fois le Fauve). Il est évident que le scénariste a décidé de faire de Hank le méchant de la série et les fans du Fauve ne seront pas contents car c'est une pièce de plus dans la machine. Ces dernières années, il n'a pas été gâté : du Complexe du Messie où il cherchait par tous les moyens à résoudre l'extinction mutante à All-New X-Men (période Bendis) où, pour tenter de raisonner Cyclope, il allait chercher les cinq premiers X-men dans le passé, McCoy a accumulé les sorties pour le moins hasardeuses, sans oublier son séjour chez les Inhumains (juste avant Death of X). Il semble bien loin le Fauve blagueur des Avengers, ou le savant pondérant Charles Xavier. Là, c'est carrément l'apprenti sorcier des Illuminati, limite Dark Beast.

Tout cela souligne surtout, par ricochet, le manque de nuances dans l'écriture de Percy, qui accable des personnages au lieu de suggérer subtilement ce qui ne va pas. Plutôt que de développer un duel Jean Grey-Hank McCoy à la tête de la X-Force, il sort Jean Grey de la partie et enfonce le clou avec le Fauve. On ne comprend pas comment, dans ces conditions, le Pr. X ne s'en mêle pas, ou au moins les X-Men originaux comme Cyclope, Angel, Iceberg, qui devraient être dérangés par la dérive de leur ami. Ce background, c'est ce qui fait défaut à la série telle que l'écrit Percy : à force de rester entre eux, les membres de la X-Force sont trop coupés des autres et ce n'est pas logique car cette équipe doit rendre directement des comptes au Conseil de Krakoa. Il est impossible que le Fauve puisse agir comme il le fait sans que les leaders de l'île l'ignorent et ne réagissent.

Visuellement, pour la deuxième fois d'affilée (comme pour le diptyque avec Domino), Oscar Bazaldua illustre le script. J'avais été sévère avec cet artiste en le comparant à Joshua Cassara, qui faisait merveille au début. Je dois me raviser en admettant qu'il livre une copie très honorable. Ce n'est pas un dessinateur très bon, mais correct.

Il est léger, trop, sur les décors, s'en remettant ostensiblement au coloriste (le studio Guru-FX, qui a remplacé Dean White), chargé alors de veiller aux ambiances, même si on ne sort guère d'endroits peu éclairés, dans un climat violent et oppressant - hormis la scène de l'arrestation de Colossus en Terre Sauvage.

Bazaldua va à l'essentiel avec le peu de temps dont il doit disposer. Il garde son énergie pour placer au bon moment une pleine page spectaculaire (la fameuse scène de la parade de la honte). Puis il aligne ensuite des planches sages, où la lisibilité prime sur tout le reste. Pas de compositions inventives, de découpage habile, d'expressivité fabuleuse. C'est vraiment le job d'un fill-in artist qui a décidé de ne pas se forcer (pourquoi se forcer quand on ne vous utilise que comme bouche-trou ?).

Cela renvoie une fois encore à l'emploi des dessinateurs par Marvel. Beaucoup de titres (à cause de leur périodicité ou du rythme de travail des artistes) ont besoin de fill-in, mais rien ne semble prêt pour bien répartir le travail (par exemple sur Daredevil, pourquoi ne pas alterner deux très bons dessianteurs au lieu d'attendre que Checchetto soit trop rincé ? Ici, pareil, pourquoi ne pas donner à un meilleur dessinateur que Bazaldua un arc entier afin que Cassara ne disparaisse pas au pire moment ?). Il me semble que sur ce point DC est mieux préparé (prenez des titres comme Batman, Detective Comics, Justice League Dark où James Tynion a toujours eu deux artistes équivalents en termes de qualité).

Pour terminer, une sorte de procès (ou du moins d'interrogatoire) de Colossus est annoncé. Mais à quand vraiment se déroulera-t-il puisque X-Force #13 se déroulera en plein coeur de X of Swords ? A suivre donc.

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