dimanche 23 février 2020

DAREDEVIL #18, de Chip Zdarsky et Jorge Fornes


L'arc Through Hell entame son huitième chapitre et, parti comme c'est, après l'annonce des solicitations de Mai, il comptera au moins dix parties. C'est une longueur étonnante de la part de Chip Zdarsky qui avait enchaîné les arcs courts en cinq volets, mais c'est aussi une marque d'ambition. Toujours accompagné de Jorge Fornes au dessin, Daredevil est dans la reconquête de son titre avec cette histoire un peu laborieuse mais tout de même assez épique.


Cole North convainc ses collègues de désobéir aux consignes de leur hiérarchie pour investir à nouveau les rues de Hell's Kitchen alors que Belle Libris a été enlevée par le Hibou. Le détective est en contact avec Matt Murdock qui va l'aider à remonter la piste de la fillette.


La police fait une descente dans une planque du Hibou mais un de ses sbires le prévient des événements en douce. Matt en informe North avec qui il part à la poursuite d'un van suspect en route pour Harlem.


A bord du van, le ravisseur et Bell Libris : il menace d'exécuter la fillette mais Matt réussit à le raisonner. Ignorant cela, Thomas Libris a convaincu sa mère, Izzy, d'aller négocier une trêve avec le Hibou.


Leland Owsley est mis au courant de l'intervention de la police et reçoit Thomas au même moment. Il l'informe de la libération de Belle avant de l'abattre pour envoyer un message à Izzy afin qu'elle sache qu'il ne plaisante pas et ne tolérera pas qu'on discute sa mainmise sur Hell's Kitchen.


Mais le Hibou est loin de se douter que les véritables nouveaux maîtres du quartier sont les Stromwyn qui avertissent Wilson Fisk, toujours convalescent, qu'ils vont purger l'endroit définitivement. Pour ce faire, un groupe de super mercenaires, parmi lesquels Crossbones, le Rhino et Bullseye, débarquent...

Je n'aurai jamais soupçonné Chip Zdarsky d'avoir de telles ambitions narratives quand il a repris Daredevil, même s'il a démarré en force en forçant le héros à se retirer. Mais c'est bien un arc majeur que le scénariste écrit avec ce Through Hell qui compte déjà sept chapitres, un format rare par sa durée.

Dire que Zdarsky a affiché une totale maîtrise de son projet me semblerait excessif : à plusieurs reprises, le rythme a défailli et les péripéties, nombreuses, n'ont parfois accouché de pas grand-chose (le mois dernier, la rencontre entre Matt et les Stromwyn, par exemple, ressemblait à un coup d'épée dans l'eau). Par ailleurs, l'auteur laisse des points en suspens très frustrants (le retour de la mémoire d'Elektra) ou abuse de facilités qui ne servent qu'à annoncer des rebondissements (la liaison entre Matt et Mindy qui oblige Matt à s'engager pour retrouver Belle Libris, le caractère tantôt passif tantôt impulsif de Thomas Libris qui le condamne à mort).

Quant à la relation entre Matt et North, elle reste agréablement complexe mais le flic intraitable avec le justicier travaille quand même désormais main dans la main avec lui. Enfin, le sort réservé à Wilson Fisk m'a paru trop affaiblir le personnage qui tremble désormais presque comme un enfant dès qu'il reçoit un appel des Stromwyn (le Caïd vaut quand même mieux que ça).

En revanche, Zdarsky se rattrape sur d'autres éléments : son Hibou est plus terrifiant que jamais, c'est un assassin de sang-froid, un néo-parrain implacable, il est à nouveau un méchant redoutable et effrayant, ce qu'il n'était plus depuis belle lurette. Et l'arrivée des super-mercenaires à la fin de cet épisode montre que Bullseye n'est pas seul à avoir été recruté par les Stromwyn : ça va barder car voilà tout sauf une bande d'enfants de choeur.

Ce qui trouble surtout, c'est d'avoir lu cet épisode, solide, après une récente déclaration de Tom King qui notait que, en son temps, Frank Miller expédiait Batman : Year One ou The Dark Knight returns en quatre épisodes, sans que ses récits manquent d'envergure ni de tension, là où aujourd'hui il faut donc dix épisodes à Zdarsky (ou des maxi-séries de douze à King) pour raconter une histoire aussi épique. Quelque chose s'est indéniablement perdu et cet étirement narratif, particulièrement dommageable quand on cherche à évoluer dans un registre urbain noir, nuit à l'ensemble. Through Hell en moitié moins d'épisodes aurait été bien plus puissant, mais Zdarsky a sans doute pêché par un excès de personnages, de péripéties, tout comme il diffère depuis trop longtemps le vrai retour de Daredevil (effectif en Mai).

De même, la comparaison avec Batman : Year One devient cruel quand on on compare les dessins de Jorge Fornes avec ceux de son idole David Mazzucchelli. Fornes est comme Zdarsky : son dessin accuse des fioritures absentes chez son maître. Il n'est pas aussi maîtrisé, pas aussi incarné. Fornes ressemble à un copiste appliqué à qui il manque tout de même la radicalité lumineuse de Mazz'.

Du coup, les pages s'enchaînent, les images se succèdent, agréables, mais jamais transcendantes. L'artiste a recours à des astuces vues et revues (la pluie, les silhouettes) chez Mazzucchelli, mais l'effet qu'elles produisent sont moins fortes parce qu'on les connaît déjà et qu'elles sont moins bien mises en scène. Idem pour les personnages à qui il manque de la chair, de l'épaisseur, du volume. Pareil pour les décors.

C'est pour cela que le bât blesse : en l'état, jusqu'au retour de Checchetto, dont le métier lui permet de se distinguer et la technique d'aller ailleurs, loin de références dangereuses car inatteignables, le Daredevil actuel de Zdarsky et Fornes invoque celui de Miller sans l'égaler. C'est un effort louable, mais à mon avis, mieux vaudrait aller dans une autre direction pour dépasser l'ambition de bon divertissement et tenter une saga vraiment incontournable.    

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