dimanche 5 janvier 2020

DAREDEVIL #16, de Chip Zdarsky et Jorge Fornes


Cet épisode clôt donc le troisième arc de la série et, comme pour la conclusion de la précédente arche narrative, Chip Zdarsky fait équipe avec Jorge Fornes. La couverture (superbe) de Julian Totino Tedesco ne fait pas mystère de la recomposition du couple Daredevil-Elektra, mais le récit est dense et ne s'intéresse pas qu'à ça.


Foggy Nelson reçoit dans son cabinet Joe Cassaro pour préparer son procès. Afin de limiter sa peine, il peut livrer des informations dans ce sens et il en a une des taille : il connaît l'identité secrète de Daredevil. Celui-ci, après avoir couché avec Elektra, apprend l'hospitalisation de Wilson Fisk.


Après avoir échappé à la mort suite sa défenestration par les sbires des Stromwyn, le Caïd se remet et reçoit la visite de Daredevil. Il veut savoir si Fisk fait partie de ceux qui donnent des ordres à la police pour laisser éclater une guerre de gangs dans Hell's Kitchen.


Fisk éclate de rire en niant et en affirmant que ce quartier tuera Daredevil. Comme il risque de coûter la vie à Izzy Libris qui, en découvrant les méthodes expéditives de Hammerhead pour débarrasser Hell's Kitchen du Hibou, se fait remettre en place par celui qui ambitionne de devenir le nouveau Caïd.


De son côté, Cole North, pourtant mis au repos forcé, revient au commissariat et informe le capitaine Cervantes qu'il entend bien stopper le Hibou, après quoi il intégrera les affaires internes pour nettoyer le service/


Daredevil décide de frapper un grand coup pour intimider les Stromwyn, avec l'aide d'Elektra. Ils détournent de l'argent de serveurs électroniques dans une de leurs succursales. Les Stromwyn l'apprennent aussitôt et, sans être bouleversés par cette perte financière, lancent une enquête pour identifier leurs nouveaux ennemis.

Il semble bien que Chip Zdarsky profite de la fin de chaque arc narratif pour en tirer une sorte de bilan et dresser une sorte de liste des pistes à explorer. Ce seizième épisode, comme le dixième, se ressemble dans cette volonté, et ils sont l'un comme l'autre dessinés par le même artiste, ce qui renforce ce sentiment.

C'est une technique simple et clair, qui permet aussi au lecteur de faire le point sur les événements. En vérité, la série devient chorale, elle ne concerne plus seulement Daredevil, mais une nébuleuse de personnages dont les intérêts convergent. En haut de la pyramide, il y a les Stromwyn, qui tirent les ficelles en ordonnant à la police de déserter Hell's Kitchen pour que les malfrats voulant succéder au Caïd s'y entretuent. Puis il y a Wilson Fisk, en quête de respectabilité mais qui vient d'apprendre brutalement qu'il y a plus fort que lui, en la personne des Stromwyn. Il y a Cole North, cet inspecteur dur à cuire qui se reprend en main en déclarant la guerre au Hibou et au service de police corrompu dont il fait partie. Il y a Daredevil et Elektra qui s'unissent pour saigner les Stromwyn et redistribuer à Hell's Kitchen l'argent qu'ils siphonnent à la puissante famille. Et enfin il y a Foggy Nelson qui reçoit la confirmation de Joe Cassaro que ce dernier a découvert l'identité secrète de Daredevil, l'assassin de son frère Leo.

Avec autant de plats sur le feu, le risque pour Zdarsky est de s'éparpiller. Il sera intéressant de surveiller comment il va se dépatouiller avec tous ces personnages et ces situations. Mais on distingue bien lesquels vont faire front commun puisqu'une sorte de chaîne de commandement est à l'oeuvre entre les Stromwyn, la hiérarchie policière, les barons rivaux du crime, Daredevil, North. Les méchants de service partent avec un avantage indéniable : ils visent un objectif unique (purger la "cuisine du diable"). Tandis que les gentils sont en ordre dispersé (North fait cavalier seul, Daredevil découvre le double jeu d'Elektra et Joe Cassaro va sans doute le dénoncer pour diminuer sa peine).

Cet épisode se solde par un cliffhanger appelé à des développements. Lorsque Charles Soule a repris Daredevil après Mark Waid, il a rendu au héros sa double identité secrète par un subterfuge assez habile (en utilisant l'Homme Pourpre et ses enfants). Depuis, à part Foggy Nelson mis dans la confidence, plus personne ne se rappelle de l'outing de Matt Murdock (qui courait depuis le run de Brian Michael Bendis). 

Mais voilà qu'Elektra se souvient que Matt et DD ne font qu'un. Comment est-ce possible ? Depuis quand est-ce effectif ? Et que va-t-elle faire de cette info ? Il parait évident qu'après leur dispute, cela va mal tourner. Un caillou de plus dans le jardin du héros. Là aussi, il faudra voir comment Zdarsky va exploiter cela.

Pour un script aussi dense, aussi informatif, le découpage est essentiel et Jorge Fornes est sans doute plus approprié pour le servir que Checchetto. Les scènes sont brèves, le flux de lecteur sans bavures, le dessinateur n'a que peu d'occasions de briller (si ce n'est lors d'une scène d'affrontement épatante entre Daredevil et les gardes ninjas de la Sectotec pendant qu'Elektra pirate les serveurs).

Le style de Fornes, très inspiré de celui de David Mazzucchelli, même si évidemment inférieur, plus maladroit, fait l'affaire. Il est bon dans cet exercice frustrant où il vient après l'artiste titulaire et où il n'a qu'une vingtaine de pages pour s'approprier personnages et décors et ambiances. C'est méritoire, même si Fornes gagnerait à se détacher de l'influence de son modèle, plus écrasante que flatteuse pour lui.

Une guerre se prépare et le Hibou (absent de cet épisode) en est au coeur. Ce n'est pas très nouveau (Waid, lui-même, avait sérieusement manipulé ce méchant), mais le plan de Zdarsky a quand même du potentiel.

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