mardi 3 décembre 2019

SAVAGE AVENGERS ANNUAL #1, de Gerry Duggan et Ron Garney



Esmé, une jeune femme brésilienne, est enlevée par des trafiquants d'un réseau de prostitution situé près de Porto Alegre. Alors qu'elle est convoyée, avec d'autres malheureuses jusqu'à une maison close, elle implore qu'on vienne les sauver, elle et ses amies d'infortune.


Sa prière est entendue par Daimon Hellstrom, le fils de Satan. Il monte sur son cheval enflammé, Iblis, et quitte les enfers pour porter secours à Esmé et les autres captives. Mais, il va trouver sur sa route deux autres personnages avec qui partager sa mission...


D'abord, il y a Conan le cimmérien : de passage dans la maison close où officie Esmé, il tue sans pitié les tenanciers. Puis il accepte l'offre de la jeune femme de supprimer tous les membres du réseau de prostitution contre une récompense.


En s'enfonçant dans la jungle à leur recherche, il surprend Daimon Hellstrom déjà à l'oeuvre contre ces fripouilles. Puis Black Widow entre en scène : elle enquête depuis plusieurs jours sur la disparition d'une des filles alors que les autorités locales ne font rien.


A eux trois, ils attaquent le camp des trafiquants. Black Widow en laisse filer un qu'elle compte rattraper pour l'interroger. Hellstrom détecte de la magie et Conan suspecte le sorcier Kulan Gath, son ennemi. Le trio se sépare pour investiguer chacun de son côté tandis que le sorcier prépare son prochain mouvement.

Je n'ai pas suivi la série Savage Avengers lancée il y a environ six mois, et dont le premier arc a été le dernier dessiné pour Marvel par Mike Deodato (qui signe la couverture de cet Annual) avant la fin de son contrat exclusif. Il s'agit surtout pour l'éditeur d'exploiter à fond le personnage de Conan le barbare dont il a récupéré les droits et qu'il a donc décidé de mettre à toutes les sauces (deux séries régulières classiques, et son intégration à l'univers Marvel classique durant la saga Avengers : No Road Home).

Ce qui m'a intéressé dans cet Annual, c'est le fait qu'il est dessiné par Ron Garney, que j'apprécie beaucoup. D'aucuns ne l'apprécient plus autant depuis qu'il se passe d'encreur (il travaille désormais sur tablette numérique et assume dessin et encrage), estiment que son dessin est trop frustre désormais. Mais il se trouve que c'est ce qui me séduit : il a gagné en spontanéité, en énergie, et assume pleinement l'influence d'un de ses maîtres (Joe Kubert).

Par ailleurs, Garney fait équipe avec le coloriste Matt Milla depuis ses épisodes sur Daredevil (durant le run de Charles Soule) et ces deux-là se complètent bien, Milla ajoutant un peu de nuances au trait brut de l'artiste sans grignoter son encrage.

Gerry Duggan a écrit pour Garney le premier arc de la série The Savage Sword of Conan et visiblement l'expérience leur a plu pour qu'ils soient réunis pour cet Annual. Le style de Duggan convient bien au dessinateur car il écrit des histoires pleines d'action, avec des personnages taillés à la serpe, dans des décors exotiques. En fait, Garney s'inscrit aussi dans la lignée d'un John Buscema, que les super-héros inspiraient peu et qui s'éclatait davantage en animant les aventures de Conan.

Ce récit est pourtant un peu frustrant car l'intrigue ne sert que d'amorce à un futur arc des Savage Avengers. A la fin de cette trentaine de pages, le vrai méchant n'est pas neutralisé et on comprend que Conan ne soit pas satisfait. Le problème vient aussi de l'identité de ce vilain qui tire les ficelles dans l'ombre puisqu'il s'agit du sorcier Kulan Gath, l'éternel némésis du cimmérien, ce qui n'est pas très original.

En définitive, il faut lire ce gros épisode comme une pure série B, sans que cela soit péjoratif. Conan, Daimon Hellstrom, Black Widow, voilà un trio atypique qui fait des étincelles grâce à Duggan, qui adore ostensiblement les associer (quand bien même ils ne sont ensemble que dans le dernier tiers du numéro) et les opposer à des trafiquants brésiliens. On frise le n'importe quoi, mais avec plaisir, et avec l'envie de retrouver ces trois anti-héros dans une nouvelle aventure (mais rien n'est annoncé dans ce sens).

Garney dessine ça au premier degré, ce qui rend l'ensemble encore plus réjouissant. Son découpage est sommaire mais ses images sont percutantes, très efficaces. La manière dont il chorégraphie les bagarres, en particulier celle où Conan tabasse les tenanciers du bordel, est un régal pour les amateurs, d'autant que le cimmérien n'est pas le Punisher par exemple : il enchaîne le torgnoles, colle des beignes et tue ses adversaires non pas par soif de vengeance ou de justice, mais parce qu'il évolue dans un monde auquel il est étranger. Sa morale est plus basique et donc il règle les problèmes de façon primitive, sans refuser de toucher une prime pour ses services. 

Tout repose d'ailleurs sur ce contraste entre la personnalité frustre de Conan et ceux qu'ils croisent : il prend Daimon Hellstrom pour un ennemi de plus (ce qui est logique puisqu'il s'agit quand même d'un type avec la tête en feu et un cheval enflammé) et ne calcule même pas Black Widow (dont l'enquête est de toute manière trop complexe pour qu'il s'y intéresse). Mais que le fils de Satan évoque la magie entourant les trafiquants et voilà le barbare qui lève un sourcil (c'est Kulan Gath). Et quand Black Widow laisse filer un esclavagiste pour le rattraper et l'interroger plus tard, voilà qui sidère Conan pour qui un bon gredin est un gredin mort.

Conan est, sous la plume malicieuse de Duggan, un poisson hors de l'eau, une anomalie, et c'est bien comme ça que le personnage est à son meilleur dans le cadre d'une série où il est l'étranger - mais un étranger au courant de la menace en coulisses.

Soyons honnêtes, cet Annual ne va pas m'inciter à lire Savage Avengers, mais la série va proposer quelques épisodes spéciaux à l'occasion, avec des artistes de choc (un #0 est au programme, avec Greg Smallwood), toujours écrits par Duggan. Et ça, c'est alléchant.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire