vendredi 25 octobre 2019

MARAUDERS #1, de Gerry Duggan et Matteo Lolli


Deuxième série régulière issue de "Dawn of X", la refonte de la franchise mutante, Marauders s'est tout de suite distingué par sa couverture (signée Russell Dauterman) et son titre (les Maraudeurs furent une bande de vilains mémorables lors du long run de Claremont). Ecrit par l'inégal Gerry Duggan et dessiné par son ami Matteo Lolli, c'est une réussite jubilatoire, qui devrait conquérir une base de fans solide, en même temps qu'une extension très originale du nouveau statu quo établi par Jonathan Hickman.


Central Park. Diablo et Tornade font passer de jeunes mutants par un portail menant à Krakoa. Parmi eux, Kitty Pryde. Mais, pour une raison inconnue, elle se voit refuser l'entrée. Elle est donc condamnée à rester à l'extérieur du refuge des mutants !


Qu'à cela ne tienne ! Elle vole un petit bateau dans un club où elle passait ses vacances enfant et convoie des marchandises introuvables sur l'île pour ses amis X-Men, comme Wolverine. Cette situation n'échappe pas à Emma Frost qui contacte Kitty pour lui soumettre une offre d'emploi...


La présidente de la Compagnie Hellfire doit livrer les remèdes miracles produits par Krakoa aux humains dont les pays n'ont pas reconnu la souveraineté de l'île. Et Kitty, avec un équipage de son choix, est la capitaine idéale pour organiser ce commerce.
  

Elle recrute Tornade, Iceberg et Pyro, avec lesquels elle ne se contente pas de faire des livraisons de médicaments mais aussi de libérer des mutants détenus dans des Etats répressifs. Cependant, Bishop enquête sur la disparition d'un humain à Taipei, qui aurait été happé par un portail de Krakoa.


Une mission oblige Kitty et son équipe à intervenir de façon musclée en Russie contre les geôliers d'un goulag pour mutants. La capitaine Pryde prend les choses en main et trouve du même coup sa nouvelle vocation en acceptant l'offre d'Emma Frost.

Comme X-Men #1 la semaine dernière, ce premier numéro de Marauders offre une quarantaine de pages à lire et ce format est non seulement très généreux pour les 5 $ qu'il coûte mais surtout permet aux auteurs de signer une introduction consistante que n'aurait pas permis un épisode traditionnel.

Gerry Duggan est un scénariste que j'ai toujours trouvé inégal, capable du pire (son court run de All-new Guardians of Galaxy, où seuls les épisodes done-in-one surnageaient) comme du meilleur (sa reprise tonique de Uncanny Avengers). En apprenant qu'il allait écrire un titre "X", j'étais donc méfiant.

Toutes mes réserves sont dissipées après ce premier épisode (même si, évidemment, il faudra désormais confirmer). Le scénariste maîtrise son affaire à laquelle il imprime un rythme soutenu et un esprit très frais, alternant en comédie et action, sans sacrifier la caractérisation ni le propos. Car, mine de rien, sous ses airs de divertissement (des X-Men pirates), il s'agit pour lui d'exploiter une direction bien particulière du nouveau statu quo mutant mis en place par Hickman.

Et Hickman s'impose comme le véritable showrunner de la franchise car, sans que Duggan l'imite, il respecte les codes qu'il a instaurés, comme l'usage de "data pages" (toujours conçues par le designer Tom Muller), qui synthétisent merveilleusement une bonne partie du hors-champ de la série. Duggan tire ses segments vers la comédie avec talent, comme quand il retranscrit des entrées du journal de bord de Kitty Pryde ou la liste de courses de Wolverine.

Mais surtout Duggan a su imprimer une vraie personnalité à son titre. Et cela doit tout au choix de Kitty Pryde dans le premier rôle. Pour la première fois depuis des lustres, elle n'est plus la tutrice de jeunes mutants, ni la co-équipière de mutants célèbres, ni la leader éphémère d'un groupe puisque, d'entrée, elle se voit refuser l'accès à Krakoa (un subplot intrigant puisqu'on se demande pourquoi). De fait, elle est donc contrainte à vivre parmi les humains au moment où toute la communauté des mutants s'isole dans leur pays propre. Accessoirement, on apprend aussi pourquoi elle porte un pansement sur le nez et a un oeil au beurre noir (détails qui ont beaucoup fait parler).

Depuis son apparition à la fin de la "Dark Phoenix saga" il y a (déjà !) quarante ans, Kitty est devenue, pour beaucoup de fans, plus que la mascotte des X-Men, un personnage auquel on s'identifie, un témoin des soubresauts de l'histoire des mutants, un membre fondateur d'Excalibur - tout pour être notre favorite (en tout cas, la mienne). Son caractère attachant, sa résilience hors du commun, sa jeunesse intacte mais nuancée par la maturité, ses relations privilégiées avec les X-Men les plus fameux, la sympathie immédiate qu'elle suscite, tout concourt à faire d'elle la X-woman préférée des lecteurs.

En l'écartant des siens de façon aussi abrupte qu'inexplicable, Duggan imprime une évolution significative à Kitty, qui doit repenser son projet de vie. En quelques scènes rapides et entraînantes, on la voit soudain boire au goulot d'une bouteille de whisky puis parlementer télépathiquement avec Emma Frost. Cela a de quoi surprendre (quand on connaît le passif entre ces deux-là) mais Duggan conduit cela de manière logique puisque leurs rapports sont professionnels et opportuns : en effet, Emma est devenue celle par qui le commerce mutant passe désormais et Kitty, privée de Krakoa, devient celle qui pourrait livrer ceux qui voudraient profiter des produits pharmaceutiques miraculeux de l'île, surtout si leurs Etats n'ont pas reconnu sa souveraineté.

Cela ouvre à la série un champ des possibles très engageant puisqu'on devine le potentiel d'une telle idée, avec les complications qui l'accompagnent. Elles ne tardent d'ailleurs pas et aboutissent à une séquence jubilatoire en Russie qui, justement grâce à la pagination inhabituelle de l'épisode, autorisent Duggan et Matteo Lolli à consacrer pas moins de six pages à un affrontement entre Kitty et des soldats russes. Il est d'ailleurs à noter que le pouvoir de Kitty est parfaitement mis en scène, et ses réactions correspondent à son état d'esprit (un mélange explosif de frustration et d'efficacité).

Lolli est un collaborateur habitué à Duggan, pour qui il a dessiné des épisodes de Deadpool. Cet artiste italien travaille sur tablette et son trait est énergique, parfois manquant de finitions. Mais il compense cela par une belle expressivité des personnages et une découpage redoutablement fluide. Il y a là une expression directe, sans fioritures, qui colle parfaitement à l'esprit du script. Avec un peu plus d'application encore, Lolli pourrait évoquer la maestria d'un Samnee.

Bien entendu, on se prend à rêver de ce que ce dernier aurait fait d'un tel matériau, comme on peut regretter d'ailleurs que Dauterman ne signe que la couverture. Mais attention, Lolli ne démérite pas. J'ai aimé sa production ici, c'est plein de potentiel, agréable au regard, avec une superbe colorisation de Federico Blee. En fait, cela semble surtout confirmer une impression générale pour cette relance de la franchise : l'editor Jordan White a visiblement misé sur des artistes au prestige limité mais au talent solide, régulier (Yu, Lolli, Marcus To la semaine prochaine sur Excalibur). Pas de vedettes donc, mais plutôt des dessinateurs capables d'enchaîner les épisodes (même si Lolli souffre depuis d'une tendinite qui l'obligera à être suppléer bientôt) et complices avec les scénaristes. Pas un si mauvais calcul.

La série est aussi alimentée par un second subplot, pour l'instant beaucoup plus discret que le mystère de l'inaccessibilité de Kitty à Krakoa, avec une enquête de Bishop sur la disparition d'un humain. Comment cette intrigue va croiser celle des pirates ? A voir (tout comme il faudra vérifier l'importance effective d'Emma Frost - simple guest-star ou membre à part entière). Et il me semble que Duggan gagnerait des points à introduire Diablo à l'équipe de Kitty (car Kurt Wagner est le X-man idéal pour une histoire de pirates).

C'est en tout cas très prometteur. Décidément, les X-Men reprennent de belles couleurs.    

1 commentaire:

  1. Il y a 2 ou 3 raisons que je pense sur le faite Kitty Pryde ne puisse passer les portails :
    - peut-être à cause de son pouvoir.
    - Hickman veut réutiliser la rumeur que Kitty soit une Neo.
    - ou alors, une raison nouvelle ^^.

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