samedi 20 juillet 2019

SPIDER-MAN : FAR FROM HOME, de Jon Watts



Deux ans après Homecoming, qui avait vu l'homme-araignée intégrer officiellement le MCU, et trois mois après la sortie triomphale de Avengers : Endgame, Spider-Man : Far From Home a la lourde responsabilité de clore la "phase IV" des films Marvel. Jon Watts est à nouveau aux commandes du film qui, s'il perd un peu en fraîcheur, réfléchit de manière inattendue et bondissante sur le genre dans lequel il s'inscrit.

 Mysterio (Jake Gyllenhaal)

A Ixtenco au Mexique, Nick Fury et Maria Hill enquêtent sur une tempête paranormale quand Mysterio se manifeste et affronte un géant de terre. Pendant ce temps à New York, l'heure est encore aux hommages rendus aux Avengers tombés face à Thanos huit mois auparavant. Spider-Man représente les héros tout en apprenant à grandir sans Tony Stark, son mentor, et tandis que sa tante May sort avec Happy Hogan, le chauffeur-garde du corps de ce dernier - qui remet à Peter une paire de lunettes connectée au système de données de Stark.

 Peter Parker et "MJ" Michelle Jones (Tom Holland et Zendaya)

Un voyage scolaire en Europe va fournir à Peter l'occasion de prendre du recul - et de déclarer sa flamme à "MJ" Michelle Jones. Ils se rendent d'abord en Italie, à Venise, où très vite les événements les rattrapent puisque la lagune est dévastée par un géant composé d'eau. L'intervention de Mysterio permet à la ville de retrouver son calme. Le soir venu, Peter est retrouvé par Nick Fury qui sollicite son aide.

 Quentin Beck/Mysterio et Peter Parker/Spider-Man

Peter/Spider-Man fait la connaissance de Quentin Beck, l'alias de Mysterio, venu d'une Terre parallèle ravagée par les "Elémentaux"  qui menace désormais notre planète. La prochaine attaque, d'un géant de feu, est prévue à Prague. Pour que les deux héros y soient, Fury déroute le voyage scolaire. Les lycées sont ravis de ce détour, insouciants du danger.

 Mysterio

Ses amis à l'abri dans un opéra, Peter peut soutenir l'effort de Mysterio lorsque le géant de feu apparaît en plein coeur du carnaval de la ville. Malgré des dégats importants, c'est une nouvelle victoire. Impressionné par Beck, Peter lui offre les lunettes de Stark, certain qu'il est plus à la hauteur que lui pour succéder à Iron Man. Hélas ! Une fois seul, Beck se démasque : ancien employé de Tony, il a utilisé une technologie sophistiquée pour faire croire aux "Elémentaux" et passer pour le sauveur. Il a déjà un plan pour la suite.

 Peter Parker et Nick Fury (Tom Holland et Samuel L. Jackson)

Fury, à cours de ressources depuis la dissolution du SHIELD et la dispersion des Avengers, propose à Peter de le suivre à Berlin où il va présenter Mysterio comme son nouveau super-champion. Mais Peter décline l'offre et rejoint "MJ". Celle-ci lui révèle connaître sa double identité et lui montre un projecteur miniaturisé qu'elle a ramassé sur le théâtre de la bataille entre Mysterio et un géant. Peter comprend alors qu'ils ont été abusés, lui et Fury - et qu'il doit prévenir ce dernier.

 Spider-Man

Tandis que ses camarades s'envolent pour la dernière étape de leur voyage, à Londres, Spider-Man rejoint Berlin mais tombe dans le piège tendu par Mysterio qui, ayant constaté la perte de son projecteur, sait qu'il a été démasqué. Sévèrement corrigé, Spider-Man doit battre en retraite et appeler Happy Hogan à l'aide car, croyant parler à Fury, il a désigné "MJ" comme l'autre personne au courant de la machination de Mysterio. 

 Spider-Man

Dans la capitale anglaise, Mysterio veut réaliser une démonstration de force en générant une nouvelle illusion menaçante qui servira aussi à tuer "MJ" et Fury. Spider-Man contrarie son plan en réussissant, difficilement, à en empêcher l'accomplissement. Beck est mortellement blessé par un tir de drone mais "MJ" est saine et sauve. Et Nick Fury, averti par Happy Hogan, peut remercier le tisseur.

"MJ" et Spider-Man

De retour à New York, Peter emmène "MJ" pour une balade dans les airs en costume de Spider-Man.

Deux scènes supplémentaires ont lieu au milieu et à la fin du générique :

- 1/ Spider-Man repose "MJ" dans la rue lorsqu'un flash spécial est diffusé sur les écrans. Une vidéo de Mysterio avant sa mort le montre en train de dénoncer le héros comme son assassin puis révéler son identité civile ;

- 2/ Nick Fury et Maria Hill s'avèrent être des skrulls pendant que le véritable ancien patron du SHIELD est en contact avec eux depuis un vaisseau spatial skrull également.

Après la sortie de Avengers : Endgame, le producteur Kevin Feige a surpris tout le monde en annonçant que le film ne concluait pas la "phase III" du MCU et que ce serait Spider-Man : Far From Home qui le ferait. Soudain, la suite de Homecoming, qui avait vu le tisseur intégrer officiellement l'univers cinématographique Marvel (après son apparition remarquée dans Captain America : Civil War), endossait une responsabilité inédite.

Effectivement, lorsque l'histoire débute, les citations à la fin du dernier chapitre des Avengers se multiplient : le "blip" (le retour à la vie des héros désintégrés par Thanos à la fin de Infinity War), les morts de Iron Man, Black Widow et Steve Rogers (qui n'aura donc pas survécu bien longtemps) sont mentionnés. On explique également que les civils disparus pendant les cinq ans ayant suivi le claquement de doigts de Thanos (le fameux "snap") n'ont pas vieilli en réapparaissant, entraînant des situations tragico-comiques.

Sur ce point, on louera l'habileté des scénaristes, Chris McKenna et Erik Sommers, qui ne sombrent pas dans le mélodrame, le pathos. On est clairement là pour renouer avec la légèreté, l'aventure, même si Peter Parker/Spider-Man se remet difficilement de la mort de son mentor, Tony Stark.

L'autre excellente trouvaille du film, pour changer les idées de tout le monde, c'est d'envoyer les personnages à l'étranger. Sortir Spider-Man de New York, c'est forcément brouiller ses repères - et justement, c'est le thème du film.

Car le scénario surprend encore plus positivement en se mettant à développer une réflexion inattendue, ludique et honnête sur l'illusion. C'est déjà évident pour une oeuvre de divertissement, de fiction, qui a pour vocation d'offrir aux spectateurs un spectacle entièrement fondé sur des artifices. Mais ça l'est encore plus avec le choix de Mysterio comme autre protagoniste de l'histoire.

Pendant un bon moment, Quentin Beck est présenté comme un héros, venant d'une dimension parallèle, et donc induisant le fameux multivers (certainement le prochain territoire à explorer dans le MCU, depuis que le royaume quantique de Ant-Man a été établi et les univers parallèles de la fin de Endgame suggérés). Les fans des comics Spider-Man sont un peu déroutés même si on devine que cela cache forcément quelque chose.

Et effectivement, la vérité est tout autre. Une scène, formidablement mise en images par Jon Watts, résume le programme quand, à Berlin, Spider-Man est complètement tourneboulé par les illusions générés par Mysterio. Les connaisseurs identifieront sans mal des citations à la mort de Gwen Stacy ou aux Marvel Zombies, mais surtout ce jeu sur les apparences procure une sensation grisante et troublante.

Car, durant ces minutes décisives, c'est comme si Marvel interrogeait sa nature même de producteur de divertissement. On nous vend du faux, de l'irréalisme, avec l'air du vrai, grâce à des moyens techniques de plus en plus sophistiqués. Mais, aujourd'hui, les Avengers ne sont plus, le doute ronge Spider-Man, on découvrira même à la fin du film que Fury n'était pas vraiment Fury (et cela explique beaucoup de choses concernant son comportement durant le déroulement de l'intrigue). Qu'est-ce qu'il reste ? La place pour des prétendants au trône, mais qui sont des escrocs, des ersatz. Pour un peu, le discours se ferait presque critique, envers la concurrence mais aussi envers Marvel lui-même - pour qui il faut désormais presque tout réinventer, remettre son titre en jeu (quand bien même il y aura l'an prochain le film Black Widow, puis ensuite un quatrième Thor, un deuxième Doctor Strange et Captain Marvel et Black Panther).

C'est presque du Guy Debord et La société du spectacle qui s'invitent dans le film de super-héros. Cela donne un relief surprenant au film, qui gagne en profondeur (et en efficacité) ce qu'il perd en spontanéité (mais c'était inévitable : c'est le lot des suites).

Le réalisateur peut toutefois s'appuyer sur son casting pour garder de la fraîcheur car Tom Holland en tête dans le rôle-titre, ses acteurs sont épatants. Holland incarne le mielleur Spidey de toute l'histoire, simplement parce qu'il en la juvénilité mas aussi la crédibilité : il est plus sympathique que Tobey Maguire et plus évident que Andrew Garfield simplement. C'est le tisseur aussi qu'on n'a plus dans les comics, cet ado insouciant et écrasé par son "talent" (et ça vaut pour pratiquement tous les héros Marvel, qui sont devenus plus passionnants à l'écran que sur le papier).

On distinguera dans la troupe qui l'entoure Zendaya, qui après avoir déçu dans Homecoming est formidable ici (sans doute aussi que sa performance dans la série Euphoria, en cours de diffusion sur HBO, a changé mon regard sur elle), et bien entendu Jake Gyllenhaal, qui campe un Mysterio magistral, séduisant et tordu à souhait (j'espère même que le personnage n'est pas vraiment mort, car ça collerait avec sa nature et aussi parce qu'un retour de Quentin Beck serait jubilatoire). Samuel L. Jackson fait le taf comme d'hab' (et le twist final est vraiment bien amené, imprévisible et narrativement plein de possibilités). Le caméo de J.K. Simmons est aussi un régal (et probablement un teaser pour son retour dans le rôle de JJ Jameson).

Le carton déjà astronomique du film garantit un troisième épisode. Mais avant le MCU va aller voir ailleurs. Une page se tourne effectivement. C'est excitant.  

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