vendredi 8 février 2019

TONY STARK : IRON MAN #8, de Dan Slott et Valerio Schiti


C'est toujours un plaisir quasiment garanti que de retrouver Tony Stark : Iron Man, sans doute une des plus belles réussites du Marvel "Fresh Start". Avec sa somptuese couverture (signé Alexander Lozano), cet épisode ne déroge pas à la règle : Dan Slott fait feu de tout bois et Valerio Schiti ne se ménage pas pour en faire voir de toutes les couleurs à leur héros et à ses fans.


Le piratage de l'interface ludique E-scape par le Controller a pris des proportions mondiales catastrophiques car les joueurs bannis sont revenus dans la partie et commettent dans la réalité les mêmes violences que dans le jeu.
  

L'esprit d'Amanda Armstrong, la mère biologique de Tony Stark, est restée captif du jeu et rencontre les avatars de Maria et Howard Stark, matrices du système d'exploitation, et désireux de prouver que leur fils les préfère.


Cependant Iron Man en compagnie de la Guêpe et Rhodey attaquent un entrepôt de Baintronics où se trouve le Controller. Après avoir neutraliser des civils sous son emprise, ils l'affrontent alors qu'il est devenu un colosse géant grâce à l'énergie siphonnée dans la masse des joueurs de l'E-scape.


Au siège de Stark Unlimited, Andy Bhang gère difficilement l'émoi des employés et des actionnaires puis pense avoir trouvé un moyen de stopper ce chaos. Mais Bethany Case, sous l'emprise du Controller, le neutralise.


Son armure piratée, Tony est à son tour prisonnier de l'interface. Seuls Jocaste et Machine Man, qui a infiltré l'E-scape incognito, peuvent encore le sauver. A moins qu'il ne soit déjà trop tard car Tony accepte un whisky de son père adoptif...

Le dénouement, comme la couverture de l'épisode, renvoient donc directement à la saga culte, Le démon dans la bouteille de David Michelinie et Bob Layton, publié il y a quarante ans. Dan Slott cite un sacré moment de la vie de Iron Man.

Mais,, décidément en verve, il s'en sort magistralement. Plutôt que de recycler cet arc narratif mythique en mode 2.0, il met en scène Tony Stark dans un assaut si bien orchestré par son adversaire que sa chute est imparable. Surtout il lui donne une envergure digne d'un film catastrophe. Le spectacle et l'intime se mêlent diaboliquement.

A la lecture, cet épisode peut parfois sembler acrobatique : on passe du monde réel au virtuel, de l'action déchaîné aux moments plus personnels, parfois dans la même page et sans transition (même si des cartons précisent où on se trouve quand même). Le rythme infernal de la narration met le lecteur sous pression et lui fait donc partager la crise qui s'empare de tous les personnages, Tony Stark le premier.

A condition d'aimer être secoué, c'est un régal. Sinon, passez votre chemin. Slott ne s'embarrasse pas de manière ou de précaution, il avance pied au plancher et vous propulse dans un shaker éprouvant. Les quelques bons mots que Stark dégaine encore pour persuader son monde qu'il maîtrise la situation, qu'il va la renverser, ne font guère illusion : entre la taille et la force gagnées physiquement par le Controller et les pièges qui se referment sur tous les alliés du héros, c'est très mal barré.

Profitant des assauts conjugués dans les deux réalités du récit, Slott libère des pièges élaborés depuis le début de son run : Bethany Case sous l'emprise du méchant trahit Andy Bhang, Amanda Armstrong est confrontée aux fantômes numériques des parents adoptifs de son fils, Tony succombe à nouveau à la boisson. Seules lueurs d'espoir : Jocaste et Machine Man - pas de quoi pavoiser.

Pour mettre en images un tel tourbillon, il faut un artiste solide et Valerio Schiti prouve une fois de plus qu'on peut compter sur lui. L'italien semble sans cesse défié par son scénariste sur l'air du "arriveras-tu à me suivre ?". Et il parvient mieux que bien.

Il y a du Immonen chez Schiti et il ne s'en cache d'ailleurs pas : il a travaillé avec Kathryn, la femme de Stuart (c'était pour deux arcs de Journey into Mystery, à l'époque où Lady Sif en était l'héroïne), et il a cité son confrère en exemple quand ce dernier a annoncé son retrait l'an dernier.

Schiti comme son illustre modèle a pour lui de savoir composer son découpage de manière à maximaliser les effets du script. Il n'a pas besoin d'en faire beaucoup pour rendre compte de la crise mondiale provoquée par le piratage de l'E-scape (deux pages avec une majorité de cases occupant la largeur de la bande). Il passe également des décors artificiels de l'interface à ceux de l'action réelle contre le Controller en veillant à ce que le lecteur soit immédiatement in situ. Par exemple, les intérieurs du salon virtuel où les Stark et Amanda discutent évoquent la froideur d'un jeu où les designs sont d'abord fonctionnels et référencés. Tandis que les pièces réelles bénéficient d'une colorisation plus nuancée d'Edgar Delgado et de cadrages plus variés.

Enfin, Schiti sait dessiner des personnages très expressifs tout en n'exagérant pas trop leurs attitudes ou leurs gestes. Il accentue ses effets seulement quand il en a besoin (le décor s'efface et les cases se déstructurent alors). Ainsi a-t-on l'impression que les acteurs sont en état d'alerte mais sans céder à la panique : l'histoire ne cède ainsi jamais à l'hystérie.

Cerise sur le gateau : il y a ce délicieux frisson de ne vraiment pas savoir comment tout cela va progresser et se terminer. Pour un comic-book a priori aussi classique, dont le héros est une vedette (donc ne courant pas de risque mortel), c'est audacieux, mais surtout cela démontre que les auteurs maîtrisent, eux, la situation et dominent leur sujet (et déjouent les attentes du lecteur).  

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