dimanche 24 février 2019

NAOMI #2, de Brian Michael Bendis, David F. Walker et Jamal Campbell


Le titre figurant en couverture trompe un peu sur la marchandise car, non, la "vérité" ("truth") n'est pas encore au programme (par contre des révélations sont annoncés le mois prochain). Mais il n'empêche que le trio Bendis-Walker/Campbell sait titiller la curiosité du lecteur avec Naomi. Et surtout ces trois-là travaillent vraiment sur la même longueur d'ondes.


Naomi demande au mécanicien Dee comment il connaît la date à laquelle elle a été adoptée, qui se trouve correspondre avec le premier événement méta-humain qui s'est produit à Port Oswego il y a dix-ans.


Mais il refuse d'en dire davantage et la congédie avant de s'éclipser à moto. De retour chez elle, Naomi, bouleversée, interpelle ses parents : Dee est-il son père biologique ? Ils nient et la rassurent autant que possible.


Après avoir parlé via Skype avec sa meilleure amie Annabelle au sujet de Dee, Naomi apprend qu'il vient d'Iron Heights, une prison pour méta-huamains. La nuit est agitée et traversée de visions étranges sur des dieux en guerre.


Le sommeil la fuit et Naomi sort de chez elle pour retourner au garage de Dee dans lequel elle s'introduit par effraction. Elle fouine à l'intérieur et découvre, punaisée sur un mur, une photo.


Sur le cliché, Dee est avec une femme ressemblant à Naomi. Le mécano surprend la jeune fille qui lui somme de s'expliquer. Bien qu'il ne s'estime pas près, Dee accepte de parler...

Cette semaine n'a pas été bonne : les séries que j'ai lues m'ont globalement déçu, souvent pour la même raison. Un manque de correspondance entre le récit et sa mise en images. Comme un décalage qui soulignait la différence flagrante entre l'histoire et sa représentation visuelle.

Cela résume bien la difficulté à réaliser un comic-book et définit la singularité du média de la BD. Un bon texte mal dessiné est pénible. Un mauvais texte bien illustré est frustrant. Il faut vraiment que scénariste et artiste soient sur la même longueur d'ondes pour que le résultat de leurs efforts soit probant et agréable.

C'est ce que rappelle et prouve Naomi, qui n'est pas (pas encore ?) la série la plus épatante du monde mais la plus solide que j'ai lue ces derniers jours, celle dont l'équipe créative est la mieux accordée, celle où texte et dessin sont de qualités identiques et aboutissent à une lecture satisfaisante.

L'héroïne est bien une créature de Brian Michael Bendis, jeune, métisse, saisie avec une justesse remarquable, dont la quête est captivante sans excès dans les effets déployés pour sa narration. David F. Walker semble celui des deux auteurs chargé de donner corps et langue à Naomi et son style, proche de Bendis, ne permet pas de noter de différence. Quant à l'intrigue...

Certes, ça progresse doucement, mais nous n'en sommes qu'au deuxième épisode et Bendis et Walker ont su me hameçonner avec cette histoire d'une jeune fille ordinaire dont le passé renferme visiblement quelque chose d'extraordinaire. Pour l'instant, le scénario se concentre sur le quotidien, le non-dit, mise sur a suggestion, l'allusion. Mais des pics de tension rythment le tout au bon moment (la discussion poignante de Naomi avec ses parents adoptifs).

Des indices sont semés - le passé de Dee à Iron Heights, le rêve hallucinant de Naomi, la photo dans le garage. Juste assez pour nous donner envie d'en savoir plus, pour laisser entendre qu'un truc énorme se joue en coulisses. Bendis a d'ailleurs communiqué récemment en expliquant que le premier arc (en six parties) correspondait à la "saison 1" de la série, après quoi le titre ferait un petit break (le temps pour Jamal Campbell de se reposer). Et de poster un teaser montrant Naomi entouré des membres de Young Justice et la Justice League...

Jamal Campbell est la révélation de cette série : en deux épisodes, il s'est imposé comme un artiste à suivre de très près. Même si son traitement du dessin par informatique donne parfois à ses images un aspect un peu trop lisse, la copie qu'il rend est tout de même épatante.

Ses pages sont denses, avec des décors bien détaillés, un découpage varié mais un nombre souvent important de cases. Surtout, son art de la composition et l'expressivité de ses personnages sont sensationnels. Il maîtrise parfaitement l'animation d'une héroïne jeune sans en faire une caricature et sait exagérer certains éléments sans sombrer dans l'outrance.

On comprend pourquoi Bendis a précisé que son dessinateur prendra un bref congé au terme de ce premier arc car Campbell se montre généreux, comme en témoigne des doubles pages très remplies, qu'il s'agisse d'un dialogue nerveux entre Naomi et Annabelle ou du rêve de Naomi mettant en scène une guerre cosmique. Tout ça magnifiquement colorisé (par le même Campbell !).

Tel quel, il se dégage un sentiment de facilité, presque insolente. Mais on comprend bien la somme de travail et la bonne intelligence entre les auteurs et l'artiste pour en arriver là. C'est cela qui aboutit à une bonne BD.  

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