samedi 23 février 2019

HIGH LEVEL #1, de Rob Sheridan et Barnaby Bagenda


Le label Vertigo de DC Comics, dédié à des séries non super-héroïques et plus adultes, est un malade convalescent. Mais l'éditeur semble vouloir le ranimer. High Level fait partie des titres qui prétendent à ce rétablissement et il est le fruit des efforts d'un membre du groupe rock Nine Inch Nails, Rob Sheridan, et du dessinateur d'Omega Men (version Tom King), Barnaby Bagenda. Un début classique et sage mais pas dénué d'intérêt.


La Terre, dans un futur post-apocalypse. Thirteen est une jeune femme éboueur qui, après une dure journée de labeur, passe prendre un verre chez "Benny's". C'est alors que le Black Helix, une brigade de police, fait irruption, à la recherche d'un homme et d'une fillette.


Thirteen rentre chez elle, à Ordell Faire, où elle croise son ami Jasper, sur le départ. Il va s'installer à High Level, une cité mythique, en quête de promotion sociale. Thirteen est dépitée de ce choix mais Jass ne reviendra pas dessus.


La jeune femme en parle d'ailleurs ensuite à Ema qui lui donne une toute autre version de High Level, décrite comme une cité dont les habitants, espérant être élus pour "l'ascension", vivent comme des esclaves.


Le lendemain soir, Thirteen accepte d'exécuter un boulot bien payé sur la recommandation de Ema. Elle déroute les drones de surveillance du secteur et s'introduit dans un entreprêt où elle surprend un inquiétant rassemblement.


Découverte, elle est sur le point d'être sacrifiée par un cyborg lorsqu'une brigade de Black Helix fait irruption. Sauvée par le chef de ce commando, Akan, un ancien amant, Thirteen accepte pour le remercier une mission : ramener la fillette recherchée, Minnow, à High Level, car elle pourrait mettre fin à la guerre...

Depuis les licenciements successifs de Karen Berger et Shelly Bond, le label Vertigo n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut. Les arrêts de séries cultes comme Fables ou Astro City (même si Kurt Busiek - qui n'a toujours pas terminé le script de sa mini Batman : creature of the night - promet de la reconduire sous forme de romans graphiques, l'intégration à l'univers classique de personnages comme John Constantine ou Swamp Thing, la fuite des talents (vers Image notamment), n'ont laissé que la peau sur les os à cette collection autrefois si réputée.

DC semblait se moquer de son sort jusque récemment, puis de nouvelles séries ont été lancées. Dernière en date, ce High Level était une des plus excitantes sur le papier. Mais il faudra certainement attendre un peu pour mesurer son vrai potentiel.

Le scénariste est un membre du groupe de rock Nine Inch Nails et Rob Sheridan ne se distingue pas d'emblée par une grande originalité. L'histoire se situe dans un énième futur post-apocalypse, dont l'esthétique reprend une fois encore celle de Mad Max, avec un décor principal en forme de bidon-ville et en prime son cortège de déclassés, de police hyper-répressive, de cités mythiques et de cyborgs.

L'argument est lui aussi vu et revu : un enfant-messie, susceptible d'empêcher une guerre, confiée à une héroïne revêche pour être ramené dans une citadelle légendaire. Donc à la clé un périple s'inscrivant dans le schéma bien commode du "voyage du héros" selon Christopher Vogler.

En vérité, et personne ne songe vraiment à s'en cacher, l'attraction principale du projet repose sur son dessinateur, Barnaby Bagenda. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une star, ce dernier bénéficie d'une jolie côte depuis qu'il a illustré la maxi-série Omega Men, qui révéla chez DC Tom King : le titre ne fut pas un gros succès commercial, mais reçut des éloges critiques et dût à ses fans d'être mené à son terme quand DC voulut l'annuler. L'aura gagné par King depuis a en quelque sorte rejailli sur Bagenda, même si les deux hommes n'ont pas retravaillé ensemble.

Graphiquement donc, High Level est exceptionnel car le dessinateur a un style puissant, généreux dans le détail et, associé au coloriste Romulo Fajardi, un rendu saisissant. Rarement peut-on voir une telle complicité entre un artiste et son collaborateur puisque Fajardi colorise directement les crayonnés de Bagenda.

En résulte un travail superbe sur les lumières, les textures, les ambiances, qui donnent vie de manière intense à cet univers pourtant rebattu. Grâce à eux, la série possède ce dont son scénario manque : une patte, une singularité, une personnalité, de l'allure.

D'un côté, on peut déplorer que Bagenda et Fajardo ne bénéficient pas d'une matière plus riche, plus originale, à la mesure de leurs talents. De l'autre, sans eux, High Level psserait inaperçu.

Il "suffit" maintenant à Rob Sheridan d'emballer la suite de manière plus musclée et inattendue pour se hisser au niveau de ses partenaires et combler ses lecteurs. A cette condition, Vertigo pourra s'énorgueuillir de publier une nouvelle pépite.   

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