mardi 22 janvier 2019

SEX EDUCATION (Saison 1) (Netflix)


Véritable phénomène de ce début d'année, Sex Education est le nouveau carton produit et diffusé par Netflix. Cette création anglaise de Laurie Nunn s'aventure sur le terrain toujours glissant de la teen comedy, pas spécialement propice à la subtilité - et d'ailleurs les premiers épisodes laissent craindre le pire. Avant un remarquable redressement, à la fois drôle, touchant et plein de potentiel.

 Otis Milburn (Asa Butterfield)

Otis Milburn a seize ans et il est le fils de deux psychothérapeutes réputés mais divorcés, après les infidélités répétées du père avec ses patientes, surprises par le garçon. Depuis, Otis vit mal sa sexualité, entre Jean, sa mère sexologue très curieuse et séductrice ; Eric Effiong, son meilleur ami gay extraverti ; et Maeve Wiley, qui le convainc d'utiliser ce qu'il a appris durant les séances de sa mère pour monnayer ses services auprès de leurs camarades du lycée.

 Otis et Maeve Wiley (Asa Butterfield et Emma Mackey)

Le cabinet clandestin de sexothérapie ouvert par Maeve et Otis a besoin de clients (pour elle, qui s'occupe de faire payer les élèves) et de patients (pour lui, qui s'efforce de bien les conseiller). La solution leur est soufflée par Eric : Aimee Gibbs, la meilleure amie de Maeve, donne une fête chez elle. La soirée permet aux deux associés de prospecter et de vérifier l'efficacité de leur combine, Aimee en profitant pour rompre avec le fils du proviseur, Adam Groff - lequel promet de se venger, arbitrairement, contre Eric.

 Eric Effiong et Otis (Ncuta Gatwa et Asa Butterfield)

Alors que leur affaire prospère, la relation entre Maeve et Otis prend un tour inattendu pour lui, qui est tombé amoureux de son associée, quand elle lui donne un mystérieux rendez-vous. Eric, lui, doit composer avec l'appréhension de son père qui redoute que son homosexualité ne lui cause du tort. En vérité, Otis découvre que Maeve s'est faite avorter, après avoir couché avec Jackson Marchietti, le nageur vedette du lycée de Moordale, et que la clinique lui imposait d'être raccompagnée après l'opération.

 Maeve et Aimee Gibbs (Emma Mackey et Aimee Lou Wood)

Eric remarque que Otis est amoureux de Maeve, mais la situation va singulièrement se compliquer lorsque Jackson vient lui demander conseil pour séduire la jeune femme. Jean, la mère d'Otis, fait la connaissance de Jakob Nyman, un plombier au charme rustre qui la trouble. Prodiguant de mauvaises idées à Jackson, Otis constate, hélas ! qu'elle permette à son rival d'emporter le coeur de Maeve.

 Jackson Marchietti et Maeve (Kedar Williams-Stirling et Emma Mackey)

Une amie d'Aimee subit un chantage quand quelqu'un menace de communiquer son nom après avoir diffusé une photo de son intimité. Otis et Maeve acceptent d'enquêter. Mais l'affaire empêche Otis d'accompagner Eric au cinéma pour son anniversaire et, sur le chemin du retour, il subit une agresssion homophobe. Lorsque Otis rentre chez lui, l'investigation résolue, il trouve Eric choqué, veillé par sa mère, avant que les deux amis ait une dispute.

 Otis et Adam Groff (Asa Butterfield et Connor Swindells)

Les conséquences sont terribles : Eric refuse de fréquenter à nouveau Otis et décide de dissimuler son homosexualité. Maeve accepte contre de l'argent d'écrire une dissertation pour Adam Groff - et cela lui vaut un prix. Lily, une musicienne excentrique, après avoir tenté sa chance avec Eric, propose à Otis de perdre leur virginité ensemble mais l'expérience est un fiasco total. Jean et Jakob deviennent amants. 

 Otis et sa mère, Jean Milburn (Asa Butterfield et Gillian Anderson)

Le bal de de fin d'année va procurer l'occasion à tout le monde de se projeter dans l'avenir. Otis invite la fille de Jakob, Ola, à être sa cavalière. Maeve avoue à Jackson qu'elle ne l'aime pas. Eric se réconcilie avec Otis. Jakob explique à Jean qu'il est veuf et souhaite une relation sérieuse avec elle, qui hésite à s'engager. Le proviseur apprend par la professeur de Lettres que son fils n'est pas l'auteur de sa dissertation et décide de sévir durement.

Otis et Ola Nyman (Asa Butterfield et Patricia Allison)

Puni avec Eric, qui a frappé un élève homophobe, Adam dévoile son attirance pour lui. Maeve accepte d'intégrer un programme spécial pour obtenir une bourse d'études grâce à sa professeur de Lettres. Le proviseur inscrit son fils dans un pensionnat militaire. Jean accepte de s'investir dans une relation avec Jakob, même si cela embarrasse leurs enfants. Otis sort avec Ola et Maeve le surprend alors qu'elle venait lui déclarer sa flamme.

Jusqu'à présent, en dehors du phénomène Stranger Things, les séries sur la jeunesses n'ont pas porté chance à Netflix. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler du bide total, artistique et commercial, de Everything sucks l'an dernier. C'est dire que Sex Education n'était pas un pari gagné d'avance pour sa créatrice Laurie Nunn.

Et le téléspectateur doit s'accrocher durant les deux premiers épisodes pour ne pas abréger l'expérience. On est en effet plus proche d'American Pie pour l'humour que des comédies de John Hughes (La folle journée de Ferris Bueller, Breakfast Club - qui partagent avec cette série de se dérouler dans les années 80). Entre la phobie développée par Otis (il répugne à se masturber et est sûr de ne pas pouvoir assurer avec les filles), l'homosexualité caricaturalement décrite d'Eric (plus proche de l'hystérie que du réalisme de la situation vécue par un ado noir), et tout le reste alentour (une mère envahissante et croqueuse d'hommes, le fils du proviseur brute épaisse, etc.), le trait est épais et les allusions bien grasses.

Et puis, alors qu'on n'attendait plus rien mais qu'on était prêt à continuer quand même (la saison ne dure que huit épisodes de 45 minutes), miracle ! Le troisième chapitre corrige ce départ calamiteux et donne le vrai la à la suite.

En résumant précipitamment l'intrigue au cabinet clandestin ouvert par Maeve, une fille rebelle mais au passé familial douloureux, et Otis, qui en pince pour elle tout en sachant qu'elle est inabordable pour lui, Sex Education serait injustement mésestimé. La série aborde, sans détour mais avec sensibilité, des thèmes plus graves, évitant de sombrer dans le pathos grâce à un humour qui se raffine dans les situations.

De l'avortement à l'homophobie, de la perte de la virginité pour "être comme les autres" à la nécessité d'écouter son corps et son coeur, de la relation mère-fils aux complications amicales et amoureuses, de l'homoparentalité à l'amour multi-racial, le script brasse, de manière dense et fluide à la fois, beaucoup de motifs en y apportant des réponses sensés, ni faciles, ni mièvres, ni vulgaires. Les personnages gagnent en épaisseur, leurs rapports en émotion, et tout se noue avec brio, parfois cruellement. On en vient même à avoir de la peine pour Adam, à être divisé sur le choix de Otis, et à tolérer Jean.

La réalisation a le bon goût d'éviter tout réalisme documentaire pour laisser la fiction s'épanouir, mais sans tomber dans un esthétisme trop joli. Ce n'est ni du Ken Loach, ni du Ridley Scott. La caméra se tient toujours à bonne distance des événements, laisse de la place aux acteurs, et l'image est agréable sans chercher à être ni trop flatteuse, ni  trop terre-à-terre.

Pour ce genre, peut-être plus que pour tout autre, le casting a une importance décisive et la production a eu la main heureuse. Asa Butterfield, autrefois si falot chez Tim Burton (dans Mrs Peregrine et les enfants particuliers) livre une composition difficile mais très maîtrisée d'ado mal dans sa peau mais pourtant expert pour apaiser ses contemporains dans leurs déboires sexuels. Emma Mackey est une révélation éclantante dans le rôle de Maeve : avec son faux airs de Margot Robbie, elle affiche une séduction un peu revêche qui électrifie l'histoire. 

Ncuta Gatwa, passés les deux premiers épisodes à se dépatouiller d'une caractérisation impossible, s'approprie le personnage d'Eric avec force et lui donne gravité et panache. Connor Swindells, en abruti parfait, est épatant, surtout lorsqu'Adam, son personnage, révèle sa vraie nature. Et Patricia Allison est une radieuse Ola.

Mais, et c'est d'autant plus fort qu'elle ne dispose finalement pas de tant de présence à l'écran (ce qui, je l'espère, sera corrigé lors de la prochaine saison), celle qui emporte vraiment le morceau, c'est Gillian Anderson. A 50 ans, affichant une chevelure blanche, l'ex-Scully d'X-Files n'a jamais été aussi belle (une MILF absolue) et impériale : insupportable mère-thérapeute, séductrice et hypocrite, elle est surtout irrésistiblement drôle, gaffeuse, trop curieuse, trop sûre d'elle, et dépassée par son attirance pour un plombier moins rustre que vraiment épris.

Ne vous découragez donc pas au début, Sex Education se rattrape complètement son premier quart passé. C'est une série divertissante et instructive pour le jeunes, instructive et divertissante pour les parents, et ce sens de la synthèse est en fin de compte exceptionnel.  

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