vendredi 25 janvier 2019

AQUAMAN #44, de Kelly Sue DeConnick et Robson Rocha


"All-New" Aquaman dit la couverture (je n'ai pas souvenir de cette mention le mois dernier), mais ça souligne bien la démarche entreprise par Kelly Sue DeConnick, et appuyée par DC, d'écrire le héros comme une page blanche. Toujours en compagnie de Robson Rocha, la scénariste avance lentement mais dans une ambiance intense.


Atlantis. Mera tente d'invoquer Arthur Curry grâce au pouvoir qu'elle a sur l'eau et sa mémoire, mais elle ne ressent rien. Lady Elena est tout aussi soucieuse qu'elle car le royaume s'impatiente de l'absence de son roi et des prétendants convoîtent le trône.


Ignoran tout de cela puisque devenu amnésique, Aquaman s'adresse sur l'île où il a échoué à Wee, une vieille femme dont on prétend qu'elle serait sorcière. Elle répond par énigmes à ses questions et lui donne rendez-vous le soir sur la plage pour plus de clarté.


Aquaman tente ensuite de convaincre Caille d'aller avec lui à la rencontre de sa mère, Namma, exilée sur une île voisine. Mais elle s'y refuse. Il mentionne alors le rendez-vous donné par Wee.


Le soir venu, dix habitants de l'île procèdent à un étrange rituel sur la plage en invoquant de dieux marins. Aquaman les rejoint avec Caille et dépose une offrande dans un feu de bois en espérant des réponses sur son identité et sa présence ici.


Mais trois hommes du groupe l'empoignent pour tenter de le noyer. Il se rebelle avant de réaliser qu'il peut respirer sous l'eau, tout comme il peut agir sur ses mouvements...

La narration empruntée par Kelly Sue DeConnick a divisé les lecteurs de son premier épisode sur la série et ce n'est pas ce numéro qui va modifier l'opinion. La scénariste prend toujours son temps et privilégie l'atmosphère à l'action (pas de bagarre, encore moins d'éléments folkloriques comme le costume, la manifestation de super-pouvoirs - hormis à la toute dernière page et durant la cérémonie des dix sur la plage).

Cela m'a rappelé la démarche de J.M. Straczysnki sur Thor, où il avait consacré ses deux premiers chapitres au retour du dieu du tonnerre et la restauration d'Asgard dans le paysage du Colorado (après, ça s'agitait davantage, lors d'un duel tonitruant contre Iron Man, la résurrection d'autres asgardiens, etc.).

Le risque avec ce genre de relation, c'est de perdre le fan de comics qui achète pour l'action, le grand spectacle, les costumes bariolés. Mais le même lecteur aurait tort de s'impatienter trop vite car DeConnick profite de l'amnésie et de la situation isolée géographiquement d'Aquaman pour, visiblement, redéfinir profondément le héros.

En définitive, Arthur Curry est défini par son statut de roi d'Atlantis, d'époux de Mera, de membre de la Justice League, de souverain des Sept Mers. Mais tout cela écarte le fait qu'il est un métisse, fruit des amours d'un homme et d'une atlante. En ne sachant plus qui il est, son aventure devient de se retrouver et peut-être, une fois ceci fait, de se réinventer.

C'est suggéré de manière habile par la scène d'ouverture où Mera doit se préparer à des prétendants au trône, alors qu'elle-même n'est pas non plus une pure atlante (ce qui semble l'éloigner de la régence). Pendant ce temps, Arthur comprend que sur l'île où il est, un groupe d'habitants invoque des divinités marines, semble en savoir long sur lui, attende qu'il agisse sur un point précis (Namma, la mère de Caille, qui aurait maudit leur île). En fin de compte, ce site devient symbolique : comme la série actuelle, c'est le lieu où Aquaman va être recréé.

Tout cela est donc une expérience et il faut s'y abandonner. Les dessins, magnifiques, de Robson Rocha sont un atout indéniable pour "supporter" les détours du scénario, son rythme languissant, son ambiance atypique (on n'est pas si loin d'Isola).

Rocha représente Aquaman non pas comme un super-héros, mais comme une sorte de hobo, de naufragé, de Robinson, avec des réactions, des émotions, bien terre-à-terre. On n'est plus du tout dans la logique de Geoff Johns avec le "héros de personne", raillé, qui parle aux poissons, brandit un trident. Le roi est nu, le héros est perdu, paumé. En lui conférant un surcroit d'humanité, Aquaman devient attachant, troublant. Parfois, c'est en dépouillant un super-héros qu'on le rend à nouveau intéressant parce qu'inattendu.

J'adhère à cette proposition tout en étant convaincu que cela finira par bouger. Kelly Sue DeConnick et Robson Rocha osent quelque chose, soutenons-les.

La variant cover de Rafael Albuquerque.

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