samedi 8 décembre 2018

PRODIGY #1, de Mark Millar et Rafael Albuquerque


Mark Millar est de retour : il n'était pas loin (The Magic Order n'a pas encore terminé sa parution), mais il revient en compagnie de Rafael Albuquerque, avec qui il avait signé Huck. Pour cette nouvelle mini-série, Prodigy, publiée conjointement par Image et Netflix, nous faisons connaissance avec l'homme le plus intelligent du monde, à la veille d'une enquête surnaturelle.


Né en 1982, Edison Crane se fait remarquer très vite par sa précocité dans plusieurs disciplines intellectuelles et physiques. Cela suscite la jalousie de ses camarades plus âgés, mais le motive encore plus à apprendre, notamment pour se défendre contre eux.
  

Déshérité par son père adoptif, qui est déçu par son goût pour les simples énigmes, Edison devient trillionnaire et aide aussi bien la NASA à élaborer un missile capable de détruire un astéroïde qui menacera la Terre dans douze ans qu'à affronter les meilleurs champions d'échecs en même temps ou à relever des défis divers.


Ainsi, quand sa secrétaire, Candice, lui parle de bizarreries fantastiques en Australie, Edison s'y rend et devine vite en accédant aux indices recueillis par l'armée qu'une invasion depuis un monde parallèle est en cours.


Sa prochaine symphonie attendra, plus rien d'autre ne compte alors que l'examen des cadavres des pilotes d'une navette spatiale et d'animaux piégés pour des attentats.


Sa théorie est vite confirmée lorsqu'il reçoit la visite d'une agent de la CIA, Rachel Straks, qui évoque un secret gardé par le Kremlin...

Mark Millar est passé maître dans l'art de "pitcher" chaque nouveau projet et Prodigy ne fait pas exception quand il l'annonce comme un mix de James Bond avec l'intelligence de Lex Luthor. La figure de l'aventurier génial, dont l'intelligence le rend ambigu, est cependant périleuse à traiter car l'auteur doit être capable de prouver la supériorité du personnage sans paraître lui-même dépassé par sa créature.

Pourtant, le vrai modèle d'Edison Crane est moins un explorateur comme Indiana Jones ou un détective comme Sherlock Holmes, mais le cascadeur Evel Knievel, auquel il rend un hommage appuyé dans une scène spectaculaire de saut à moto au-dessus du grand canyon - Knievel tentait des cascades pareilles et devait aussi sa popularité à son combat pour le port obligatoire du casque pour les pilotes de deux-roues.

Millar ne force pas son talent dans ce premier épisode qui se veut surtout accrocheur et exposant la situation et son héros. Le scénariste enchaîne plusieurs moments forts où Edison Crane multiplie les tours de force de manière assez arrogante. Le lecteur, client de la prose du turbulent écossais, sourira en voyant le protagoniste élaborer un missile pour une menace future ou fanfaronner devant plusieurs champions d'échecs, avant de satisfaire une classe d'école qui lui a lancé un défi.

Les autres, qui apprécient moins l'auteur, diront que ce frimeur de Crane ressemble à Millar, un type suffisant, agaçant et hâbleur. Mais à ceux-ci, on répondra que, s'ils n'ont pas aimé les productions du "Millarworld", le plus sage reste encore d'ignorer Prodigy, tout simplement.

Il est aussi question, sur la fin, d'une invasion, d'attentats, et d'un secret gardé au Kremlin. Edison Crane va collaborer avec une agent de la CIA séduisante et expéditive. Rien n'est réaliste, mais c'est divertissant : le programme est respecté.

Pour les dessins, c'est donc Rafael Albuquerque qui s'y colle. Il avait brillé sur Huck, et son trait vif convient parfaitement au script tout aussi alerte de Millar. L'artiste est ici chez lui et s'amuse visiblement avec cette histoire irréaliste mais qui met en valeur ses compétences.

Albuquerque non plus n'impressionnera guère, même ses aficionados. Mais il fait le job : son découpage est simple, aéré, et ses compositions sont d'un dynamisme vigoureux. Quand il met en scène Crane multiplié autour du missile ou sur le point de foncer dans le vide sur sa moto en feu, l'effet est saisissant. Parfois, il oublie un peu ses décors, laissant à Marcelo Maiolo le soin de remplir le cadre par des camaïeux adaptés aux ambiances.

Un début un peu timide donc, mais qui ne tardera pas à monter en régime, comme d'habitude avec Millar.
   
La variant cover de Frank Quitely. 

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