dimanche 29 juillet 2018

ACTION COMICS #1001, de Brian Michael Bendis et Patrick Gleason


Allez savoir pourquoi, je croyais que Brian Michael Bendis reprenait Action Comics le mois prochain. La numérotation de la série historique de Superman reste inchangée et c'est donc le mille et unième épisode qui vient de sortir. Autant dire que le scénariste doit composer avec un énorme héritage. Il est accompagné dans cette mission par Patrick Gleason et en profite pour exploiter Clark Kent d'une manière différente mais pas sans rapport avec le titre Superman...


Lors d'une conférence de rédaction au "Daily Planet", la nouvelle reporter Robinson Goode annonce au rédacteur en chef Perry White qu'elle a appris qu'un adolescent a dénoncé Superman comme l'auteur des incendies qui ravagent la ville. Clark Kent, présent, décide de prendre les devants.


Superman rend visite à Melody Moore, la nouvelle chef des pompiers, pour nier cette accusation et parler à Darryl Conners, son délateur. Celui-ci avoue rapidement qu'un homme, chauve, l'a payé trois cent dollars pour raconter cette histoire.


Mais cela ne prouve pas l'innocence de Superman qui, comme le note Melody Moore, impressionne le gamin. Mais c'est précisément pour cela que celui qui l'a payé l'a choisi. De retour au "Daily Planet", Clark passe en revue ses ennemis chauves lorsque Trish Q., la responsable des potins, le questionne sur l'absence de Lois Lane et la rumeur selon laquelle elle aurait une aventure avec Superman.


Ailleurs, un certain Mr. Strong a réuni dans un endroit protégé, où Superman ne peut ni les voir ni les entendre, ses acolytes pour savoir lequel est l'auteur des incendies. L'un d'eux n'apprécie pas d'être soupçonné mais il est alors la proie des flammes.


Mr. Strong présente à ses partenaires sa nouvelle associée, Red Cloud. Elle les congédie tous en leur recommandant d'être discrets... Au "Daily Planet", le même soir, Trish Q. entame la rédaction d'un article sur l'infidélité supposée de Lois Lane...

La variant cover de David Mack. 

La variant cover de Francis Manapul.

Lorsqu'on a la charge de deux séries avec le même héros se pose la question pour le scénariste qui les écrit (et le lecteur qui les lit) de savoir comment les distinguer, leur donner à chacune une identité propre mais complémentaire avec l'autre. On a pu voir que Brian Michael Bendis écrivait Superman comme un titre à grand spectacle et des menaces d'envergure (Metropolis aspirée dans la Zone Négative). Qu'en est-il d'Action Comics ?

Il y a quelques années, le cinéaste Quentin Tarantino, jamais avare de théories spéculatives (plus ou moins inspirées) sur la pop culture, expliquait que pour lui Clark Kent était le vrai héros des aventures de Superman. Mieux : Clark Kent était le personnage dans lequel se cachait Superman, comme Batman était l'alter ego de Bruce Wayne. Kent était le masque de Superman.

Cette idée divise les fans, dont certains sont attachés à la dichotomie classique selon laquelle l'habit fait le moine et donc la cape le héros.

Pourtant, l'hypothèse de Tarantino est loin d'être idiote ou déplacée puisque Superman ne s'appelle par Clark Kent, mais Kal-El. Kent est donc un nom d'emprunt, le nom de famille de ses parents adoptifs terriens. Et l'habit de Superman est une tenue d'apparat de Krypton (tout comme le "S" sur sa poitrine n'est pas celui de Superman, mais un glyphe de sa planète natale). Donc, on peut tout à fait considérer que Clark Kent est effectivement le déguisement de Kal-El/Superman et le vrai héros.

Il semble que cela soit aussi le parti pris par Bendis : donner à Clark la vedette. En sa qualité de journaliste, quoi de plus logique alors que de développer Action Comics comme une journalist story, une sorte de detective story avec une enquête, au niveau de la rue ? A l'heure où Batman ne résout plus guère de crimes (même dans Detective Comics), faire de Clark Kent un enquêteur est original.

Dans la mini-série Man of Steel, deux intrigues occupaient le héros : le guerrier Rogol Zaar et une série d'incendies. Dans Superman, on va bientôt retrouver le premier puisqu'il a été envoyé dans la Zone Négative où a été attirée Metropolis. Dans Action Comics, Clark Kent mène l'investigation sur les incendies dont on accuse Superman.

En soi, suivre Superman sur les traces d'un pyromane n'a rien de passionnant, et d'ailleurs Melody Moore trouve que c'est une affaire un peu dérisoire pour un tel héros. Mais il lui répond qu'il en en va de Metropolis, la ville dont il est le gardien, et accessoirement de sa réputation (puisqu'il a été dénoncé comme l'incendiaire). En parallèle, Clark doit aussi subir la curiosité de Trish Q., une commère du "Daily Planet" résolue à savoir où est passée Lois Lane depuis son départ du journal et à qui la rumeur prête une aventure avec... Superman. La série est donc une plongée dans l'intimité de Superman, Clark Kent, Metropolis.

Patrick Gleason n'est pas dépaysé en dessinant cet épisode (même s'il ne va pas s'éterniser sur le titre car Ryan Sook et Yanick Paquette vont y participer à la rentrée) puisqu'il dessinait la série Superman quand Peter J. Tomasi l'écrivait, avant Bendis. Désormais, l'artiste se passe de l'encrage de Mick Gray et assume donc seul ses planches.

Lorsqu'on compare son travail actuel avec celui de ses débuts sur Green Lantern Corps parfois à la limite du lisible, le progrès est impressionnant. Il bénéficie aussi de la colorisation d'Alejandro Sanchez dont les effets de lumière et de textures sont très expressifs. Gleason dessine un Superman massif qui en impose naturellement, le genre de colosse qui en entrant dans une pièce rend tout ce qui l'entoure plus petit, avec son accroche-coeur iconique : ce look rétro reste d'une élégance indépassable, et avec le retour de son fameux slip rouge, c'est l'Homme d'Acier tel que je le préfère que je retrouve.

Lorsqu'il anime Clark, Gleason le dote d'une espèce de maladresse, un côté balourd, pataud, tout à fait remarquables, particulièrement dans la scène où Trish le harcèle et l'oblige à filer. Bendis abat vite ses cartes en montrant aussi la méchante incendiaire, Red Cloud, à laquelle le dessinateur donne une apparence spectaculaire et simple, très évocatrice. Le jeu consistera à savoir qui elle est - et le scénariste suggère que c'est une proche de Kent (Robinson Goode ? Trish Q. ? Melody Moore ? Voire Lois Lane ?).

En tout cas, il est évident qu'on le lit pas la même chose dans Action Comics que dans Superman, mais les deux programmes sont également réjouissants.  

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