mardi 31 juillet 2018

THE LEFTOVERS (Saison 2) (HBO)


La première saison de The Leftovers fonctionnait comme une entité suffisante, avec son début, son milieu et sa fin. Pourquoi continuer, lui écrire une suite ? Et comment ? A la première question, Damon Lindelof et Tom Perrotta avaient, semble-t-il, encore des choses à dire. A la seconde, ils le font en bouleversant tout, en entraînant leur saga dans une nouvelle direction - même s'il faut avoir vu les dix premiers épisodes pour le comprendre. Mais au final, ce deuxième acte est aussi passionnant que le premier.

 Erika, John, Michael et Evie Murphy (Regina King, Kevin Carroll
Jovan Adepo et Jasmin Javoy Brown)

La Préhistoire : une femme des cavernes enceinte est la seule survivante d'un tremblement de terre. Elle accouche seule peu après. Cueillant des fruits sur un arbre, elle voit un serpent menacer son bébé et tue le reptile qui a le temps de la mordre. Elle succombe près d'un lac. Une autre femme récupère son enfant.
De nos jours : ce lac est celui de la ville de Jarden, Texas, dans le parc naturel de Miracle, un endroit épargné par les disparitions du 14 Octobre trois ans auparavant. La famille Murphy y habite : John le père est un pompier qui a fait de la prison pour tentative de meurtre contre son père pédophile, Erika sa femme est infirmière et sourde, leur fille Evie est sujette à des crises d'épilepsie et leur fils Michael assiste le pasteur local. Le soir venu, Evie va avec ses amies Violet et Taylor au lac tandis qu'arrivent leurs nouveaux voisins, Kevin, Nora, Jill et la petite Lily (la fille de Christine adoptée par le couple).

Nora Durst et Kevin Garvey (Carrie Coon et Justin Theroux)

Quelque temps auparavant, à Mapleton. Kevin reste hanté par le suicide de Patti dont il se sent responsable. Il déterre son corps dans les bois et se livre à la police mais, contre toute attente, après un bref interrogatoire, on le relâche. En cachette, Jill revoit son frère Tommy qui vit désormais avec leur mère, qui a quitté les Guilty Remnant (GR). Lors d'un dîner au restaurant en compagnie de sa fille et de Nora Durst, Kevin leur propose de déménager. Nora vend sa maison à un excellent prix à un groupe d'études scientifiques sur les disparus. Direction : Jarden où on n'entre que par cooptation et où ils s'installent donc grâce à Matt, le frère de Nora, qui remplace le pasteur. Ils font connaissance avec les Murphy à l'occasion de l'anniversaire de John. Le soir, un séisme a lieu et assèche complètement le lac voisin à côté duquel on trouve la voiture d'Evie et de ses deux amies. Mais les filles ont disparu...

Laurie et Tommy Garvey (Amy Brenneman et Chris Zylka)

Tommy et Laurie travaillent ensemble pour sauver des membres de l'influence des GR. Elle a repris son travail de thérapeute pour les rééduquer et rédige un livre sur cette secte. Le manuscrit intéresse un éditeur qui exige toutefois d'importantes modifications pour le publier, ce qui vexe violemment Laurie. Elle apprend ensuite qu'une de ses patientes s'est suicidée après avoir tenté de reprendre sa vie auprès de son mari. Tommy, lui, est piégé par Meg Abbott, à la tête d'une section des GR. Avec sa mère, il comprend qu'il faut offrir aux patients une compensation et il reprend le rôle que tenait "Wayne" pour soulager leur mal de vivre.

John Murphy et Kevin Garvey (Kevin Carroll et Justin Theroux)

La nuit du séisme, Nora se réveille et découvre que Kevin est absent. Lorsqu'il rentre, il lui explique avoir été victime d'une crise de somnambulisme qui l'a entraîné jusqu'au lac, mais quand ils apprennent la disparition de Evie et ses amies, elle lui déconseille d'évoquer sa présence là-bas pour ne pas être soupçonné. La nuit venue, John Murphy rentre en voiture avec Kevin mais il l'entraîne hors de Jarden pour s'en prendre à un voyant qui lui avait prédit un drame personnel et qu'il accuse d'avoir enlevé Evie. Blessé, John est conduit par Kevin à la clinique où Erika le soigne. Nora a appris que Mary, la femme de Matt, est sortie de son état végétatif lors de sa première nuit à Jarden avant de ressombrer. Kevin retrouve Nora chez eux et elle se menotte à lui pour éviter qu'il ne s'échappe à nouveau. 

Matt et Mary Jamison (Chris Eccleston et Janel Moloney)

Depuis leur arrivée à Jarden et la brève amélioration de son état de santé, Matt répète chaque jour ce qu'il fit cette date-là. Mais le miracle ne se reproduit pas. Frustré, il emmène Mary à Austin pour qu'elle passe une IRM et apprend qu'elle est enceinte. Sur la route du retour, en voulant dépanner un automobiliste, Matt est agressé et on lui vole le bracelet qui lui permet de rentrer à Jarden. Mary et lui y retournent à pied mais seule elle peut franchir l'entrée car John Murphy, sollicité par Kevin et Nora pour qu'ils passent, est dérangé par une question que lui pose Matt. Il s'installe parmi les campeurs qui attendent leur tour pour pénétrer dans la ville en espérant être à nouveau digne un jour d'y séjourner à nouveau.

Erika Murphy et Nora Durst (Regina King et Carrie Coon)

Visitée par deux membres du services des personnes disparues, Nora apprend qu'elle a peut-être causé la disparition de ses proches selon une nouvelle théorie. Mais quand elle apprend sur quelles bases repose cette idée, elle comprend qu'il s'agit d'une hérésie pseudo-scientifique. Elle se rend avec Kevin à une levée de fonds pour la poursuite des recherches des trois filles disparues lors de laquelle Erika s'emporte contre les espoirs irrationnels de l'assistance. Nora va parler à Erika chez elle et elles confrontent leurs sentiments sur le drame qu'elles partagent. Cet échange bouleverse Nora juste avant que Kevin lui fasse un aveu ahurissant...

Jill et Kevin Garvey (Margaret Qualley et Justin Theroux)

Après que Kevin lui ait expliquée être sujet à des hallucinations dans lesquelles il voit Patti, Nora le quitte en emmenant Lily et Mary. Jill ne comprend pas ce qui s'est passé mais en veut à son père. Ce dernier est abordé par Michael qui lui assure que son grand-père peut le libérer de ses démons, mais le traitement requis effraie Kevin. Appelé à l'entrée de Jarden par la police, il y trouve Laurie à la recherche de Tommy. Ils vont au motel où elle est descendue et il lui avoue ses problèmes en lui demandant de l'aide. Laurie suit Kevin chez lui, ce qui contrarie Jill, avant qu'il ne parte rejoindre Virgil, le grand-père de Michael, prêt à ce qu'il le guérisse.

Kevin et Patti (Justin Theroux et Ann Dowd)

Virgil cause une overdose à Kevin avant de se suicider. Kevin se réveille dans un au-delà qui a pour cadre un hôtel luxueux dans lequel il passe pour un assassin international devant supprimer Patti dans le rôle d'une politicienne en campagne. Il l'abat mais comprend qu'il s'agissait d'un sosie puis l'identifie en voyant une fillette dont le père lui conseille de la noyer dans un puits. Il s'y résout et, le crime commis, le puits s'effondre sur lui. Kevin revient d'entre les morts après avoir été enterré par Michael !

Meg Abbott et Tommy Garvey (Liv Tyler et Chris Zylka)

Le 13 Octobre, trois auparavant. Meg Abbott vient de perdre sa mère et se rend avec son fiancé à Jarden pour consulter le voyant qui sera agressé par John Murphy. Ce qu'il lui révèle sur les derniers mots que voulaient lui dire sa mère la déçoit. En marchant en ville, elle fait la connaissance de Evie... Plus tard, après la mort de Patti et les émeutes de Mapleton contre les GR, Meg dirige une section de la secte et détourne Tommy de Laurie. Ensemble, ils descendent à Jarden où elle prépare une opération secrète et décisive. Dans le ranch où elle et ses fidèles sont installés, Tommy découvre les trois filles disparues mais consentantes sans comprendre tout ce que cela implique.

(Au premier rang des GR :) Violet, Evie et Taylor
(Katy Harris, Jasmin Javoy Brown et Violett Beane)

Kevin rentre chez lui et trouve John avec deux policiers qui ont relevé ses empreintes sur la voiture des filles disparues. Interrogé par John dans un chenil, Kevin lui explique que Evie et ses amies ont mis en scène leur disparition. Refusant de le croire, John lui tire dessus et le laisse pour mort. De retour dans l'hôtel de l'au-delà, Kevin doit passer une nouvelle épreuve pour ressusciter. Entretemps, Meg et les trois filles forcent l'entrée de Jarden, suivies par des dizaines de GR dissimulés parmi les campeurs à l'extérieur de la ville. Kevin découvre le chaos qui s'est emparé de l'endroit et retrouve Joe à la clinique. Ils rentrent chez eux. Kevin est attendu fébrilement par Jill, Laurie, Tommy, Matt, Mary (qui est sortie de son état végétatif) et Nora. 

Nora et Kevin

Sertie d'un nouveau (et plus beau) générique accompagné d'une rengaine country entraînante, cette saison 2 s'ouvre par une incroyable séquence préhistorique dont le sens ne tarde pas à se révéler : le destin tragique de cette femme caverne et de son bébé résume la relation des parents et de leurs enfants au coeur de l'histoire développée dans les dix épisodes suivants.

En se délocalisant, The Leftovers se réinvente tout en continuant à creuser ses thèmes initiaux. Le "Jour du Grand Départ" hante aussi Miracle, ce parc naturel où a été bâtie la ville de Jarden, épargné par les disparitions du 14 Octobre trois auparavant. En apparence seulement, l'endroit est tranquille, préservé, mais derrière cette façade, on fait vite connaissance avec les Murphy, dont chacun des quatre membres souffrent de maux particuliers - un père rongé par une sourde colère (qui ne croit pas aux miracles), une mère sourde, une fille épileptique, un fils tiraillé entre la religion et les tours de son grand-père. Il y a quelque chose de pourri au royaume de Miracle, pour paraphraser Shakespeare...

Ce malaise est vite perçu par les Garvey, famille recomposée quand ils arrivent à Jarden. Eux-mêmes ont fui Mapleton, dans l'espoir de laisser derrière eux leurs fantômes et leurs démons, mais c'est une course en avant, une fausse solution dont ils prennent conscience progressivement. Kevin est sujet à des crises de somnambulisme, puis en proie à des hallucinations : épisode psychotique (comme le diagnostiquera Laurie) ? Ou possession mystique ? Nora, pour s'installer ici, a vendu sa maison de Mapleton à des scientifiques qui voulaient l'analyser comme théâtre de disparitions, et plus tard elle entend qu'on l'accuse d'être peut-être responsable de la perte de sa famille sur la base d'une théorie absurde.

Damon Lindelof et Tom Perrotta entretiennent le doute sur ce dernier point car, à peine les Garvey domiciliés à Jarden, des séismes ont lieu. Il y en a eu avant eux, mais le dernier coïncide avec la disparition de trois adolescentes : un nouveau "Grand Départ" aurait-il lieu ? On apprendra, lors d'un extraordinaire coup de théâtre dans l'avant-dernier épisode, que la vérité est littéralement ailleurs, et l'événement prend un tour sidérant que personne n'a vu venir - une prouesse scénaristique.

Les auteurs ont eu à coeur de surprendre, quitte à le perdre (comme en attestera l'audience en chute libre), le public en osant renouveler la narration d'ensemble. Dans la première saison, la série alternait épisodes "story's driven" et "Character's driven" (soit, en bon français, des épisodes où primaient tour à tour l'intrigue ou un personnage en particulier). Cette fois, chaque chapitre se focalise sur un protagoniste, osant des retours en arrière parfois conséquent, ou des déplacements dans des espaces inattendus (on visite même l'au-delà dans deux volets à l'humour noir déroutant à souhait). Cette construction est parfois frustrante car elle diffère des explications, mais aussi stimulante en donnant plusieurs points de vue à une même séquence (comme la première nuit à Jarden des Garvey et le séisme qui assèche le lac et correspond à la disparition des trois filles).

Revenons au générique : on s'étonne longtemps du crédit accordé à des acteurs comme Amy Brenneman, Chris Zylka et Liv Tyler alors qu'ils ne sont les vedettes que d'un épisode ou figurent dans quelques autres. Mais la qualité de leurs prestations et l'importance de leur rôle dans la machination au centre de l'affaire de la disparition ou dans la recomposition de la famille Garvey se justifient finalement, procédant de la structure du récit (où tout se met en place lentement mais sûrement).

Le reste du casting est dominé par, d'un côté, le couple Justin Theroux (plus fébrile que jamais)-Carrie Coon (superbe de détermination, lumineuse dans le tumulte) et, de l'autre, Kevin Carroll (bouillonnant)-Regina King (altière). On retrouve Ann Dowd dans une partition fantomatique irrésistible et Christopher Eccleston (littéralement illuminé). Plus en retrait, Chris Zylka et Margaret Qualley souffrent davantage de l'expansion de la distribution.

Malgré le désordre dans lequel se trouve Jarden (résumé éloquent d'un Paradis envahi par des aspirants au miracle ou au chaos) et des rebondissements excentriques (preuve de la liberté totale des narrateurs, détachés de la contrainte de plaire au public), c'est encore sur une note d'espoir que se ferme cette saison 2. The Leftovers aura droit à une saison supplémentaire pour conclure définitivement, mais en seulement huit épisodes - ce qui ne saurait être un handicap pour une série qui puise sa force dans sa capacité à exploser les limites. Pour "ceux qui restent", en effet, le déluge est moins important que l'arche, ce qu'il reste à raconter est moins difficile que le temps imparti pour le faire.   

lundi 30 juillet 2018

STARMAN, VOLUME 9 : GRAND GUIGNOL, de James Robinson, Peter Snejbjerg et Paul Smith


Grand Guignol est le neuvième recueil des aventures de Starman, écrit par James Robinson et dessiné par Peter Snejbjerg avec le concours de Paul Smith (pour l'épisode 69). Il comprend les épisodes 61 à 73 de la série, publiés en 2000-2001. L'histoire débute avec le retour de Jack Knight à Opal City, après son périple spatial narré dans les volumes sept et huit.


A peine arrivé chez lui, Jack est abordé par Ralph Dibny/Elongated Man qui lui explique que The Shade, accusé de plusieurs meurtres et disparitions - parmi lesquels Matt et Hope O'Dare et Dee Tyler/Phantom Lady - est activement recherché par d'autres héros - comme Black Condor. Sadie Falk, la fiancée de Jack, est aussi introuvable mais personne ne sait qu'elle aide Jon Valor/the Black Pirate à se disculper du meurtre de son fils. Jack retrouve son père juste avant qu'une série d'explosions ne ravage Opal City.


Ralph Dibny et Black Condor, d'un côté, et Matt et Hope O'Dare, de l'autre, tentent d'endiguer la vague de criminalité en ville. Adam Strange est aussi de la partie, coincé sur Terre en attendant d'être ramené sur Rann par le rayon Zeta. Ted Knight s'interroge sur la santé mentale de The Shade en se souvenant du nombre de fois où il a agi alternativement pour le Bien et le Mal. Sadie et Jon Valor sont enlevés par The Shade.
  

Barry O'Dare trahit sa famille en livrant Matt et Hope à The Shade. Jack porte secours aux civils touchés par les explosions puis rentre chez lui tenter de se reposer. Mais il en est empêché par The Mist qui tente de l'abattre. Ralph Dibny  retrouve sa femme, Sue, indemne. The Shade tient également Mikaal Tomas, revenu sur Terre depuis peu, après avoir accompagné Jack dans l'espace. Puis il créé un dôme noir qui isole Opal City avant que Jack n'ait eu le temps d'appeler Alan Scott/Sentinel et la JSA à la rescousse.


Quelques jours auparavant, Mikaal Tomas revenait sur Terre avant Jack et avait une discussion avec le fantôme de David Knight qui tentait de le préparer au chaos engendré par The Shade. Mais, averti trop tard malgré tout, il était capturé par les complices de ce dernier.


Les forces de police sont massacrés par les acolytes de The Shade - The Mist, Salomon Grundy, Ragdoll, The Spider, les Bodine, Crusher et Dr. Phosphorus. Ce dernier affronte Ted Knight qui réussit à le semer. Exhibant ses prisonniers sur la grande place d'Opal City, The Shade menace de tuer Sadie si Jack ne se montre pas et Starman apparaît... Pour voir son adversaire défaillir et Simon Culp surgir de ses entrailles !
  

Londres, 1838. Simon Culp rencontre Dickie Swift/The Shade et découvre qu'ils partagent le même pouvoir. Ils vivent plusieurs aventures ensemble, en Inde en 1850, en Autriche en 1866, et à Opal City en 1882. Traqués par les Ludlow, leurs chemins se séparent. Quand ils se recroisent en 1941 à Londres, devenus rivaux, Culp est aspiré dans les ténèbres de The Shade à la suite de l'explosion d'une bombe.

 

Adam Strange et Black Condor interviennent pour permettre à Jack, Sadie, Phantom Lady, Clarence, Matt et Hope O'Dare d'échapper à Culp. Pendant ce temps, les Dibny reprennent les recherches de Sadie sur le passé de Jon Valor/The Black Pirate afin de comprendre pourquoi The Shade l'a enlevé et consultent Hamilton Drew, qui a également enquêté sur le sujet il y a longtemps. Ted Knight comprend que le Dr. Phosphorus l'a irradié mortellement. Et "Bobo" Bennetti se délivre de la croix à laquelle on l'a attaché sur la grande place.


Autrefois. Désormais prisonnier du corps de The Shade, Culp s'emploie à contrôler son esprit, ce qui explique le comportement ambivalent de Dickie Swift au fil des ans. Accédant grâce aux ténèbres au néant, il recrute ses alliés : Ragdoll, Grundy, The Spider, les Bodine, The Mist, Dr. Phosphorus. Durant la même période,Hamilton Drew enquête sur le cas de Jon Valor/The Black Pirate, accusé d'avoir tué son propre fils, et découvre qu'il est devenu une puissante force occulte capable de canaliser ou développer les ténèbres en mourant.
   

Jack se retranche dans l'observatoire en ruines de Ted et ils élaborent un plan pour contre-attaquer Culp et sa bande. Ted, se sachant condamné, trouve dans le souvenir d'une étrange aventure passée avec la JSA, où les compagnes des héros prirent leur place pour les sauver sous la direction de Wonder Woman, l'inspiration pour livrer sa dernière bataille. Culp initie le rite qui va lui permettre, grâce à la condition spéciale de Jon Valor/The Black Pirate, d'anéantir ce qu'aime le plus son ennemi The Shade : Opal City !
  

Clarence O'Dare gagne avec Phantom Lady, Matt et Hope, la station de radio locale et lance le rappel des troupes de police pour donner un dernier assaut contre les forces de Culp. Ted affronte une nouvelle fois Dr. Phosphorus et le tue. Adam Strange travaille à un moyen d'activer le rayon Zeta pour téléporter à Opal City l'armée de Rann. Mikaal combat Grundy. The Shade est sauvé de The Spider par Matt et Hope O'Dare. Hamilton Drew accompagnent les Dibny à la recherche de l'endroit où Culp retient Jon Valor/The Black Pirate.


Ragaillardi, The Shade affronte Culp que Jack n'arrive pas à neutraliser et que The Mist, en renfort, a blessé. Grâce à un elfe noir, Dickie Swift récupère ses pouvoirs en les arrachant à Culp. Mikaal neutralise Grundy. Adam Strange se débarrasse des Bodine en même temps que les renforts provenant de Rann débarquent. Le dôme enveloppant Opal City disparaît. Culp joue son va-tout en menaçant de tuer The Mist lorsque le père de celle-ci surgit et exécute le nabot !
  

Clarence, Matt et Hope règlent leurs comptes avec Barry O'Dare. The Mist exécute sa fille après avoir appris qu'elle a eu son enfant de Jack puis révèle qu'il a piégé le bâtiment de manière à détruire la ville. Ted neutralise The Mist et fait ses adieux à Jack avant d'entraîner tout l'immeuble dans l'espace où il explose.

Matt O'Dare meurt des suites de la fusillade contre son frère Barry. Les Dibny et Black Condor décident de s'installer à Opal City. Sadie disparaît avec son frère Will. Jack reste seul avec le fils que lui a laissé la fille de The Mist et clôt les funérailles de son père auxquelles sont venus assister tous les héros, avec des discours d'Alan Scott/Sentinel, Jay Garrick/Flash et Ted Grant/Wildcat.

Ce pénultième tome de Starman est une vraie saga puisque sa publication originelle a duré plus d'un an, avec treize épisodes ! C'est une sorte d'apothéose avant l'heure, même si James Robinson livrera encore six épisode pour conclure son run.

Après le long périple spatial de Jack Knight, ce dernier revient donc à Opal City et ne tarde pas à découvrir que The Shade semble avoir perdu la tête en y faisant régner la terreur. Une incongruité pour celui qui a toujours affirmé aimé autant cette ville que les Starmen. 

Sur ce mystère, Robinson ne se contente pas de broder une intrigue pleine d'action et de rebondissements, mais s'emploie à résoudre des subplots parfois anciens, comme celui concernant le Black Pirate Jon Valor ou les origines de The Shade. Il dispose également d'un casting très fourni auquel il trouve une utilité précise dans ce vaste canevas.

Il faut toute cette matière, très dense, qui exige du lecteur une disponibilité absolue, pour alimenter cette fresque dont la lecture est captivante. Rien que la révélation sur le passé de Simon Culp, le véritable vilain de l'histoire, occupe deux chapitres ! Pourtant, jamais on n'est perdu dans ce flot d'événements, même au coeur du dôme de ténèbres qui enveloppe Opal City.

Robinson a le goût du symbole simple mais percutant et c'est cela qui rend son récit fluide malgré tout : il est question de lumière et de nuit, de mort et de renaissance, d'amour et de sacrifice. C'est à s'attachant à cela qu'on comprend que ce spectacle crépusculaire et mouvementé vaut surtout pour l'émotion qu'il produit à la fin, lorsque l'un des personnages principaux rencontre son destin.

L'héritage, notion fondamentale de la série, est aussi présent : qu'il s'agisse de transmettre le relais du rôle de protecteur de la cité, de la paternité, de la connaissance, du mal incarné, tout  ici traduit cela. Ted passe la main définitivement à Jack, Jack récupère son fils, les Mist connaissent une fin tragique à la mesure de leurs méfaits, les Dibny s'instruisent au contact du grand détective Hamilton Drew, The Shade se délivre de son démon Simon Culp. Et n'oublions pas le règlement de comptes entre les O'Dare. Il y a une évidente volonté pour Robinson de solder plusieurs dossiers avant de terminer sa série.

Il est une fois encore bien soutenu par la prestation impressionnante de Peter Snejbjerg au dessin qui enquille sans problème, sans faiblir, les treize épisodes de l'arc narratif. L'artiste livre des planches mémorables sans compter ni ménager ses efforts, assumant aussi l'encrage : une vraie performance. Mais son style s'épanouit dans ces scènes entre chien et loup, très expressionnistes.

On a du mal à comprendre pourquoi, aujourd'hui, Snejbjerg ne dessine plus aucune série en vue chez un des "Big Two" (Marvel ou DC) quand on note sa régularité sans failles et son talent énorme. Ce type devrait être une star.

Pour le soixante neuvième épisode, le lecteur a aussi la joie de savourer une poignée de planches composées par Paul Smith à l'occasion d'un flash-back de Ted Knight avec une JSA en jupons : c'est magnifique et c'est un rappel de la glorieuse équipe que forma Robinson avec le ce grand artiste sur JSA : The Golden Age et Leave it to Chance.

L'épilogue de cette histoire est aussi sobre qu'élégante et annonce la fin de la série avec des adieux poignants mais dignes encadrant une réflexion peu commune sur la retraite volontaire d'un héros.

dimanche 29 juillet 2018

JUSTICE LEAGUE DARK #1, de James Tynion IV et Alvaro Martinez


Après la déception que fut la relance de Justice League par Scott Snyder (même si je n'exclue pas d'y revenir au prochain arc, qui sera illustré par Francis Manapul), j'attendais avec excitation et appréhension la reprise d'une série dont j'avais adoré la version "New 52" : Justice League Dark. James Tynion IV en parle comme du projet dont il rêvait tout en sachant que c'est une déclinaison directe de la mini-série Justice League : No Justice. Il est bien accompagné par son partenaire de Detective Comics, le dessinateur Alvaro Martinez. Mais le titre sort juste après The Magic Order (Millar/Coipel). Verdict ?


Lors d'une représentation publique dans le théâtre de feu son père, Giovanni Zatara, Zatanna est dépassée par une soudaine apparition magique qui lui renvoie ses sorts. Wonder Woman surgit et l'aide à juguler cette menace. Puis elle lui propose de se joindre à la Justice League Dark qu'elle tente de monter mais Zatanna refuse.


La magicienne souhaite en effet ne pas ébruiter l'affaire et se rend au manoir Wintersgate où la fine fleur des sorciers est invitée par Jason Blood/Etrigan le démon pour trouver une solution au désordre qui règne dans leur monde. Avant d'assister à la réunion, Zatanna s'entretient avec John Constantine qui ne croit pas à l'efficacité de cette congrégation. Puis elle découvre, à l'intérieur, que Swamp Thing les espionne.


Wonder Woman, elle, se lamente au bar Oblivion dans une dimension parallèle, tenu désormais, depuis la mort de Nightmaster, par le détective Chimp. Gardien de la magie, le singe doué de parole offre son expertise à l'amazone dans l'affaire qui la préoccupe et pour laquelle elle essaie en vain de bâtir une équipe. 


Dans une aile du Hall de Justice, Wonder Woman et Chimp trouvent Kirk Langstrom/Man-Bat qui a examiné les cadavres de magiciens trouvés par Diana. Possédés par une force inconnue, les corps reprennent vie et s'en prennent au trio.


Pendant ce temps, à Salem, devant l'Arbre des Merveilles, Zatanna retrouve Swamp Thing qui tente de communiquer avec ce gigantesque végétal venu de la planète Colu. Et, surprise, celui-ci veut parler à la magicienne : son père, Zatara, lui apparaît pour la mettre en garde contre le retour imminent des maîtres de la magie et la destruction consécutive de l'humanité. Zatanna et Swamp Thing rejoignent Wonder Woman, Chimp et man-Bat au Hall de Justice pour les prévenir tout en précisant que l'un d'entre eux sera la cause de la perte de la Terre !
  
La variant cover de Greg Capullo.

Lorsque, dans la précédente ère de DC Comics, Peter Milligan puis Jeff Lemire (avec Ray Fawkes ensuite - on passera sur les épisodes de J.M. DeMatteis, franchement épouvantables) lancèrent Justice League Dark, ce groupe de héros était conçu pour intervenir sur des menaces occultes contre lesquelles la Justice League était impuissante. La formation connut des compositions changeantes et des aventures épiques - un projet de film (apparemment enterré) fut même en développement (par Guillermo del Toro).

Durant la mini-série Justice League : No Justice, Scott Snyder, Joshua Williamson et James Tynion IV assemblèrent une équipe en relation avec la magie où figuraient déjà Wonder Woman et Zatanna aux côtés d'Etrigan le démon, Raven et Dr. Fate. A la fin de l'histoire, l'Arbre des Merveilles de la planète Colu resurgissait sur Terre, à Salem, annonçant de futurs bouleversements dans le monde des arts occultes.

Cette nouvelle version de la JLD découle directement de ces événements et conserve Wonder Woman à sa tête. Tynion IV la met en scène essayant de former une équipe capable d'enquêter sur des meurtres de magiciens qu'elle croit en rapport avec l'Arbre des Merveilles. Mais l'amazone fait chou blanc à cause de la communauté des sorciers qui préfère résoudre cette affaire discrètement (malgré des tensions dans leurs rangs - John Constantine ne croit pas à ce collège, et ceux qui ont répondu à l'appel de Jason Blood ont des intérêts et des méthodes divergents).

Zatanna est au coeur du dispositif narratif de la série (comment écrire une série pareille sans sa plus séduisante héroïne ?), sollicitée par Wonder Woman, mise en garde par Constantine, curieuse du congrès de ses pairs. James Tynion IV, qui avait déjà utilisé la magicienne le temps d'un arc de Detective Comics (s'appuyant sur le rapport de séduction ambigu entre elle et Batman), s'inspire aussi de Mystik U dans laquelle elle était également au centre d'une intrigue où elle et d'autres étaient susceptibles de détruire le monde.

On est donc dans un autre registre que The Magic Order de Millar et Coipel, mais aussi de la précédente JLD des "New 52". Le groupe construit, à l'arrache, porte en lui son improbabilité puisque le détective Chimp, Swamp Thing et Man-Bat sont des seconds, voire troisièmes couteaux, et à l'instar deWonder Woman, on ne penserait pas spontanément à eux pour affronter pareil péril. Le fait qu'ils ne soit que cinq souligne aussi leur marginalité et leur manque de puissance (même si certains sont tout de même redoutables). On ne sait en tout pas si la réussite les couronnera, ni si Tynion IV procédera comme dans Detective Comics à des corrections progressives dans la composition de la bande (le prochain épisode aura comme guest le Dr. Fate).

Si ce n°1 est aussi réussi, il le doit beaucoup au dessin d'Alvaro Martinez qui va pouvoir travailler mensuellement et s'imposer certainement comme une star. Son travail est somptueux, magnifié par l'encrage de son compatriote Raul Fernandez et les couleurs superbes de Brad Anderson

L'espagnol est visiblement heureux de représenter ses héroïnes, splendides sans être hyper-sexualisées (avec un nouveau design pour Zatanna, très élégant et pratique), et ses freaks, dont Swamp Thing auquel il a donné un visage évoquant celui de... Alan Moore ! (J'ignore si le scénariste appréciera, mais c'est plus un hommage qu'une pique.) Les décors sont étonnamment fournis et le découpage repose sur des compositions d'ensemble englobant toute la planche, vraiment impressionnantes, avec des effets de fondus enchaînés.

On tient donc là une série parmi les plus belles actuellement sur le marché des comics et qui démarre sur les chapeaux de roues. Le "dream project" de James Tynion IV pourrait bien devenir celui des fans de DC et de ses héros magiques.

ACTION COMICS #1001, de Brian Michael Bendis et Patrick Gleason


Allez savoir pourquoi, je croyais que Brian Michael Bendis reprenait Action Comics le mois prochain. La numérotation de la série historique de Superman reste inchangée et c'est donc le mille et unième épisode qui vient de sortir. Autant dire que le scénariste doit composer avec un énorme héritage. Il est accompagné dans cette mission par Patrick Gleason et en profite pour exploiter Clark Kent d'une manière différente mais pas sans rapport avec le titre Superman...


Lors d'une conférence de rédaction au "Daily Planet", la nouvelle reporter Robinson Goode annonce au rédacteur en chef Perry White qu'elle a appris qu'un adolescent a dénoncé Superman comme l'auteur des incendies qui ravagent la ville. Clark Kent, présent, décide de prendre les devants.


Superman rend visite à Melody Moore, la nouvelle chef des pompiers, pour nier cette accusation et parler à Darryl Conners, son délateur. Celui-ci avoue rapidement qu'un homme, chauve, l'a payé trois cent dollars pour raconter cette histoire.


Mais cela ne prouve pas l'innocence de Superman qui, comme le note Melody Moore, impressionne le gamin. Mais c'est précisément pour cela que celui qui l'a payé l'a choisi. De retour au "Daily Planet", Clark passe en revue ses ennemis chauves lorsque Trish Q., la responsable des potins, le questionne sur l'absence de Lois Lane et la rumeur selon laquelle elle aurait une aventure avec Superman.


Ailleurs, un certain Mr. Strong a réuni dans un endroit protégé, où Superman ne peut ni les voir ni les entendre, ses acolytes pour savoir lequel est l'auteur des incendies. L'un d'eux n'apprécie pas d'être soupçonné mais il est alors la proie des flammes.


Mr. Strong présente à ses partenaires sa nouvelle associée, Red Cloud. Elle les congédie tous en leur recommandant d'être discrets... Au "Daily Planet", le même soir, Trish Q. entame la rédaction d'un article sur l'infidélité supposée de Lois Lane...

La variant cover de David Mack. 

La variant cover de Francis Manapul.

Lorsqu'on a la charge de deux séries avec le même héros se pose la question pour le scénariste qui les écrit (et le lecteur qui les lit) de savoir comment les distinguer, leur donner à chacune une identité propre mais complémentaire avec l'autre. On a pu voir que Brian Michael Bendis écrivait Superman comme un titre à grand spectacle et des menaces d'envergure (Metropolis aspirée dans la Zone Négative). Qu'en est-il d'Action Comics ?

Il y a quelques années, le cinéaste Quentin Tarantino, jamais avare de théories spéculatives (plus ou moins inspirées) sur la pop culture, expliquait que pour lui Clark Kent était le vrai héros des aventures de Superman. Mieux : Clark Kent était le personnage dans lequel se cachait Superman, comme Batman était l'alter ego de Bruce Wayne. Kent était le masque de Superman.

Cette idée divise les fans, dont certains sont attachés à la dichotomie classique selon laquelle l'habit fait le moine et donc la cape le héros.

Pourtant, l'hypothèse de Tarantino est loin d'être idiote ou déplacée puisque Superman ne s'appelle par Clark Kent, mais Kal-El. Kent est donc un nom d'emprunt, le nom de famille de ses parents adoptifs terriens. Et l'habit de Superman est une tenue d'apparat de Krypton (tout comme le "S" sur sa poitrine n'est pas celui de Superman, mais un glyphe de sa planète natale). Donc, on peut tout à fait considérer que Clark Kent est effectivement le déguisement de Kal-El/Superman et le vrai héros.

Il semble que cela soit aussi le parti pris par Bendis : donner à Clark la vedette. En sa qualité de journaliste, quoi de plus logique alors que de développer Action Comics comme une journalist story, une sorte de detective story avec une enquête, au niveau de la rue ? A l'heure où Batman ne résout plus guère de crimes (même dans Detective Comics), faire de Clark Kent un enquêteur est original.

Dans la mini-série Man of Steel, deux intrigues occupaient le héros : le guerrier Rogol Zaar et une série d'incendies. Dans Superman, on va bientôt retrouver le premier puisqu'il a été envoyé dans la Zone Négative où a été attirée Metropolis. Dans Action Comics, Clark Kent mène l'investigation sur les incendies dont on accuse Superman.

En soi, suivre Superman sur les traces d'un pyromane n'a rien de passionnant, et d'ailleurs Melody Moore trouve que c'est une affaire un peu dérisoire pour un tel héros. Mais il lui répond qu'il en en va de Metropolis, la ville dont il est le gardien, et accessoirement de sa réputation (puisqu'il a été dénoncé comme l'incendiaire). En parallèle, Clark doit aussi subir la curiosité de Trish Q., une commère du "Daily Planet" résolue à savoir où est passée Lois Lane depuis son départ du journal et à qui la rumeur prête une aventure avec... Superman. La série est donc une plongée dans l'intimité de Superman, Clark Kent, Metropolis.

Patrick Gleason n'est pas dépaysé en dessinant cet épisode (même s'il ne va pas s'éterniser sur le titre car Ryan Sook et Yanick Paquette vont y participer à la rentrée) puisqu'il dessinait la série Superman quand Peter J. Tomasi l'écrivait, avant Bendis. Désormais, l'artiste se passe de l'encrage de Mick Gray et assume donc seul ses planches.

Lorsqu'on compare son travail actuel avec celui de ses débuts sur Green Lantern Corps parfois à la limite du lisible, le progrès est impressionnant. Il bénéficie aussi de la colorisation d'Alejandro Sanchez dont les effets de lumière et de textures sont très expressifs. Gleason dessine un Superman massif qui en impose naturellement, le genre de colosse qui en entrant dans une pièce rend tout ce qui l'entoure plus petit, avec son accroche-coeur iconique : ce look rétro reste d'une élégance indépassable, et avec le retour de son fameux slip rouge, c'est l'Homme d'Acier tel que je le préfère que je retrouve.

Lorsqu'il anime Clark, Gleason le dote d'une espèce de maladresse, un côté balourd, pataud, tout à fait remarquables, particulièrement dans la scène où Trish le harcèle et l'oblige à filer. Bendis abat vite ses cartes en montrant aussi la méchante incendiaire, Red Cloud, à laquelle le dessinateur donne une apparence spectaculaire et simple, très évocatrice. Le jeu consistera à savoir qui elle est - et le scénariste suggère que c'est une proche de Kent (Robinson Goode ? Trish Q. ? Melody Moore ? Voire Lois Lane ?).

En tout cas, il est évident qu'on le lit pas la même chose dans Action Comics que dans Superman, mais les deux programmes sont également réjouissants.  

vendredi 27 juillet 2018

THE TERRIFICS #6, de Jeff Lemire et Joe Bennett


Suite et fin de l'arc narratif entamé le mois dernier, le sixième épisode des Terrifics subit un nouveau changement d'artiste (le quatrième déjà !) et il faut donc tout le talent de Jeff Lemire pour faire passer la pilule. Néanmoins, c'est moins pire, visuellement, que je ne le craignais et la conclusion de ce récit est efficace, avec la porte ouverte à la prochaine rencontre entre les héros et Tom Strong.


En ayant voulu porter secours à leur ami Metamorpho attaqué par Algon, les trois autres membres des Terrifics aboutissent chacun dans une région différente du Royaume des Eléments où les attendent des épreuves appropriées à leur personnalité et leur pouvoir.


Mr Terrific est confronté au fantôme de Paula, sa femme morte. Plastic Man affronte des géants de pierre. Phantom Girl se bat contre des soldats de fumée capables de la blesser. Metamorpho comprend que Algon veut utiliser l'Orbe de Ra, qui leur a donnés les mêmes pouvoirs, pour quitter cette dimension et recouvrer apparence humaine.


Plastic Man réussit à rejoindre Mr Terrific et Phantom Girl à aider Metamorpho. L'équipe réunie a raison de leur ennemi à qui ils reprennent l'Orbe et ils s'échappent par le portail dimensionnel encore ouvert.


Algon ne veut pas en rester là et s'accroche à Plastic Man mais Metamorpho indique à Mr Terrific de diriger l'Orbe en direction du soleil (puisque Ra est le dieu du soleil) afin de repousser leur adversaire mais aussi de rendre leur aspect normal aux victimes civiles.


La manoeuvre réussit si bien que Rex Mason redevient un homme normal. Mais l'heure n'est pas encore aux réjouissances car le véritable instigateur des mésaventures des Terrifics se dévoile : le Dr. Dread les a téléportés sur la Terre de Tom Strong qu'il compte tuer avant qu'il ne réponde à leurs questions !

Puisque The Terrifics a été écrit depuis le début par Jeff Lemire comme sa version des Fantastic Four (à la manière des réinterprétations qu'il compose dans Black Hammer), on pouvait s'étonner qu'il n'ait pas encore introduit l'équivalent du Dr. Doom pour ses héros. C'est désormais chose faîte !

Avant cela, on assiste au combat du quatuor contre le Royaume des Eléments dans lequel les a entraînés Algon et le scénariste en profite pour adapter les dangers de cette dimension aux pouvoirs de ses héros. L'action bat son plein sur un rythme toujours aussi soutenu, renforcé par un découpage si précis et semblable au précédent épisode qu'on ne peut que l'attribuer à la précision du script de Lemire - et non à une idée du dessinateur.

En effet, le découpage, ingénieux et simple, voit les pages se succéder avec quatre cases, puis deux, puis une seule (donc une pleine page) - lorsque les Terrifics se retrouvent au complet. Cet effet donne l'impression d'un crescendo en même temps qu'il correspond à la réunion de l'équipe. C'est si élémentaire et judicieux qu'on s'en rend à peine compte tout en ayant le sentiment que quelque chose s'est produit au fur et à mesure. Comme quoi, rien ne sert de compliquer la mise en page pour combler le lecteur : un bon dispositif est toujours évident quand il est bien employé.

Puis, une fois le danger circonscrit, la bande évolue dans un découpage privilégiant les plans horizontaux, juste à temps pour l'arrivée théâtrale du Dr. Dread qui ressemble à s'y méprendre à Fatalis dans son armure mais aussi par son expression grandiloquente. Lemire nous a conduit exactement là où il l'avait promis dès le premier épisode : sur la Terre de Tom Strong, qui avait, souvenez-vous, annoncé aux Terrifics qu'ils seraient les seuls à sauver le Multivers s'il mourrait. Or, Dread veut justement l'assassiner ! La boucle est (presque) bouclée. Magistral !

Quel dommage quand même que Evan Shaner n'ait pu dessiner la fin de cet arc... C'est donc au mercenaire Joe Bennett de le remplacer (alors qu'il illustre en parallèle The Immortal Hulk pour Marvel). Il n'a pas l'élégance de son prédécesseur, mais, comme je le disais en ouverture, je m'attendais à pire. Tout compte fait, il ne s'en sort pas si mal.

Ce qui gâche cet effort méritoire, c'est l'encrage de Sandra Hope : si son style valorise des graphistes assez lisses comme Tony Daniel en leur donnant un côté plus rugueux, ici elle ajoute quantité de petits traits inutiles sur le crayonné de Bennett avec l'objectif manifeste de souligner les volumes. Mais l'effet est assez laid, chargeant le dessin inutilement là où la couleur aurait largement suffi à produire des textures équivalentes.

Heureusement, à partir du mois prochain, Dale Eaglesham prendra la relève en plus de signer, comme pour ce numéro, les couvertures. Ce ne sera que provisoire (l'artiste va en effet réaliser la future série Shazam ! de Geoff Johns) mais c'est déjà ça.

Le vrai match sera ailleurs de toute façon puisqu'en Août revient Fantastic Four chez Marvel (par Dan Slott et Sara Pichelli) : on verra alors qui de l'original ou de sa "copie" séduira le plus.... 

jeudi 26 juillet 2018

THE LEFTOVERS (Saison 1) (HBO)


Diffusée de 2014 à 2017, The Leftovers a d'abord été un phénomène de la télé américaine avant de finir sa carrière, au bout de trois saisons et vingt-huit épisodes, dans l'indifférence quasi-générale. C'est pourtant une production envoûtante, adaptée du best-seller de Tom Perrotta par Damon Lindelof (un des scénaristes-créateurs de Lost), mais qui exige de son public une disponibilité totale. En effet, ce mélodrame aux accents religieux et fantastiques est aussi une série parfois austère mais passionnante pour qui s'y abandonne.  

 La Maire Lucy Warbuton et le chef de la police de Mapleton Kevin Garvey Jr. 
(Amanda Warren et Justin Theroux)

Kevin Garvey Jr. est le chef de la police de Mapleton, dans l'Etat de New York, où il tente de maintenir l'ordre depuis trois ans, lorsque, inexplicablement et subitement, 2% de la population mondiale s'est volatilisé. Sa femme, Laurie, psychologue, a rejoint une secte, les Guilty Remnant (GR), qui a fait voeu de silence, s'habillant de blanc et harcèle la population pour l'empêcher d'oublier les disparus. Son fils adoptif, Tommy, travaille pour "Wayne", un pseudo-messie, recherché par le F.B.I.. Sa fille, Jill, vit encore avec lui mais supporte mal la dislocation de sa famille. Kevin est en conflit ouvert avec la Maire, Lucy Warbuton, qui a organisé une parade en l'honneur des disparus alors qu'il craint que les GR ne la perturbe. C'est ce qui se produit après un discours de Nora Durst, qui a perdu son mari et ses deux enfants, lorsque les habitants s'en prennent violemment aux membres de la secte.

Christine, "Wayne" et Tommy Garvey (Annie Q, Paterson Joseph et Chris Zylka)

L'A.T.F. (la brigade de répression contre les alcools, le tabac, les armes, les explosifs et les sectes) fait une descente dans le ranch où se cachent "Wayne" et ses adeptes. Il réussit à leur échapper et confie à Tommy la protection de Christine qui porte son enfant, désigné comme le sauveur de l'humanité. Meg Abbott, une jeune femme sur le point de se marier, cède aux pressions des GR et intègre leurs rangs, sous la garde de Laurie. Après une nuit d'ivresse où il a tué des chiens sauvages, pullulant dans la région, avec Dean, un chasseur, Kevin doit rendre des comptes à Lucy puis rend visite à son père, Kevin Sr., à l'asile. Jill et sa meilleure amie, Aimee, suivent Nora Durst après avoir découvert qu'elle a un revolver dans son sac à main.

Le Révérend Matt Jamison (Christopher Eccleston)

Le Révérend Matt Jamison, frère de Nora, doit trouver d'urgence une grosse somme d'argent pour conserver son église dont le bail s'achève et qui est sur le point d'être repris par les GR. Il gagne une fortune au casino mais un accident en voiture le force à être hospitalisé. Lorsqu'il est remis, trois jours ont passé et son banquier lui annonce que la vente a été conclue.

Gladys, Patti et Meg Abbott (Marceline Hugot, Ann Dowd et Liv Tyler)

Noël approche et on a volé l'enfant Jésus dans la crèche de Mapleton. Si beaucoup suspecte les GR, Kevin pense que Jill a commis ce larcin. Deux de ses camarades à elle finissent par déposer le poupon sur le perron des Garvey de peur d'être arrêtés. Tommy emmène Christine consulter un médecin pour surveiller la progression de sa grossesse. La nuit de Noël, les GR s'introduisent sans bruit dans les maisons et y dérobent toutes les photos de famille des habitants où figurent les disparus.

Laurie Garvey et Patti (Amy Brenneman et Ann Dowd)

Gladys, une des GR, est lapidée à mort dans un bois. Kevin obtient des membres de la secte qu'ils restent dans leurs résidences, tandis que Patti, leur chef, emmène Laurie, qui a découvert le corps, hors de Mapleton pour éprouver sa loyauté alors que l'ATF menace la secte d'interdiction. Kevin refuse pourtant une offre du FBI de se débarrasser du groupuscule, craignant pour Laurie, tandis que Matt veut leur apporter son soutien dans leur deuil mais se fait repousser par Meg.

Matt et sa soeur Nora Durst (Christopher Eccleston et Carrie Coon)

Nora apprend par Matt que son mari la trompait et décide de divorcer. Elle croise au tribunal Kevin qui vient lui aussi officialiser sa rupture avec Laurie. Puis Nora part pour New York assister et intervenir à une conférence sur les disparus en sa qualité de représentante du fonds d'indemnisation pour les familles. Mais sur place, quelqu'un a usurpé son identité et s'emploie à lui nuire. Confondue, la coupable est renvoyée avant que Nora ne soit abordée par un homme qui la présente à "Wayne". Il la soulage, contre de l'argent, de son mal-être comme s'il connaissait son drame.

Nora et Kevin (Carrie Coon et Justin Theroux)

Kevin iet Nora entament une liaison alors que les GR la harcèlent. Cependant, le père de Kevin s'échappe de l'asile. Tommy découvre que "Wayne" a engrossé une autre fille et comprend qu'il est un escroc. Le père de Kevin se rend grâce à Matt et remet à son fils un vieil exemplaire du "National Geographic" en insistant pour qu'il le lise et prenne ses responsabilités. Christine accouche, seule, et donne naissance à une fille qu'elle présente à Tommy avant qu'il ait le temps de lui révéler ce qu'il a appris sur "Wayne".

Aimee et Jill Garvey (Emily Meade et Margaret Qualley)

Patti organise une manifestation pour le Memorial Day (le 27 Juin, jour de célébration des Anciens Combattants). Kevin invite Nora à dîner chez lui mais la soirée est tendue à cause des provocations de Jill, contrariée à l'idée que son père refasse sa vie. Le lendemain matin, sans qu'il se souvienne comment il a fait ça, Kevin est avec Dean dans la cabane où il chassait avec son père dans son enfance après avoir kidnappé Patti. Il tente d'appeler Nora tandis que Dean essaie d'étouffer Patti. Kevin la sauve et, bravant ses menaces de le dénoncer ou sa requête de la tuer pour qu'il ne l'oublie jamais comme les GR se rappellent des disparus, la libère. Elle se tranche alors la gorge. Jill se brouille avec Aimee et rejoint sa mère chez les GR.

Kevin Sr. et son fils Kevin Jr. (Scott Glenn et Justin Theroux)

Trois ans auparavant, le 14 Octobre, le jour du "Grand Départ". Elu "homme de l'année", le père de Kevin se prépare à la fête organisée par son fils. Patti consulte Laurie à son cabinet en lui annonçant la fin imminente du monde. Tommy affronte son père biologique installé à Mapleton. Jill prépare un concours de sciences. Nora postule pour une place dans l'équipe de campagne de Lucy Warbuton. Kevin achève un cerf qui sème la pagaille en ville après qu'une conductrice l'ait percuté en voiture. Cette dernière et Kevin couchent ensemble dans une chambre de motel lorsqu'elle se volatilise. Nora, au même moment, perd son mari et ses deux enfants. Laurie, chez sa gynécologue, voit le bébé qu'elle porte disparaître. La voiture de Matt entre en collision avec une autre et sa femme est gravement blessée.

Nora

Aujourd'hui. Kevin reçoit l'aide de Matt pour enterrer le corps de Patti dans les bois. Les GR sont violemment pris à parti par la population après avoir installé chez elle des mannequins à l'effigie des disparus. Leur église est incendiée. Christine s'enfuit en laissant sa fille à Tommy. "Wayne" meurt dans les WC d'un dinner où Matt et Kevin se sont arrêtés pour manger, après avoir promis à ce dernier que tout irait mieux. De retour à Mapleton, Kevin sauve Jill des flammes. Nora s'apprête à quitter la ville et dépose une lettre pour Kevin sur son perron où elle trouve la fille de Christine. Tommy retrouve Laurie, errant seule près de la rivière locale. 

 Kevin

Tout le "problème" de The Leftovers durant sa première saison de dix épisodes est de savoir quoi en penser, déterminer de quoi ça parle. Il est a priori question de deuil après une catastrophe inexpliquée (inexplicable) et de la manière dont un groupe de personnages composent avec les conséquences de cet événement. Mais, telle un mille-feuilles, la série interpelle le téléspectateur à d'autres niveaux à mesure qu'elle se déroule.

En adaptant le roman de Tom Perrotta avec l'auteur, Damon Lindelof, le showrunner, s'est tout de même approprié le texte et ses motifs pour y injecter ses propres thèmes, dont certains qu'il avait déjà abordés dans Lost. Il le fait d'une façon à la fois plus frontale, directe, et allusive. Et c'est cette approche qui intrigue, déroute, captive (ou égare, pour ceux qui n'entreront pas dans l'histoire).

De religion, de foi, de croyance, il est abondamment question, mais, malgré son générique sur fond de peinture représentant une ascension vers l'au-delà sous le regard de proches éplorés, le show n'est pas bondieusard et évite toute explication toute faite à base d'interprétations de textes sacrés. Si la question des cultes est posée, elle l'est sous bien des aspects, depuis la figure du Révérend Matt Jamison, qui se sert de son église pour dénoncer les turpitudes de certains citoyens, jusqu'aux Guilty Remnant, cette secte étrange dont les membres grillent cigarette sur cigarette sans dire un mot, se déplaçant tels des fantômes habillés en blanc ou stationnant devant les maisons de Mapleton pour éprouver leur attractivité auprès de gens en détresse, en passant par le personnage de "Wayne", pseudo-messie abusant de jeunes asiatiques tout en étant capable de soulager autrui de sa souffrance.

Petit à petit, sur un rythme lent et avec une narration volontiers elliptique (comme lors des "absences" de Kevin), les énigmes de l'intrigue se résolvent de telle sorte que les auteurs laissent le téléspectateur opérer lui-même des déductions. Les masques tombent, les failles apparaissent, les connections entre les personnages s'établissent : tel un puzzle qui s'assemblerait par la seule force de l'évidence, le sens de la série se révèle.

Ainsi faut-il en revenir à son titre même : "the leftovers", soit "ceux qui restent". Car, dans ce récit sur les disparus, il s'agit surtout de sonder ceux qui ne se sont pas volatilisés le 14 Octobre il y a trois ans comme 2% de la population mondiale. Tous les protagonistes n'ont pas perdu quelqu'un le "Jour du Grand Départ", mais tous ont été touchés par cet événement surnaturel, qui les a ébranlés sur le sens de la vie. Kevin a vu sa famille se décomposer, Nora travaille depuis pour indemniser les familles des disparus, Matt tente de conserver ses ouailles, les GR veulent à tout prix que les gens n'oublient pas ceux qui sont partis.

Mais, comme nous l'apprend le neuvième épisode, en forme de grand flash-back sur le "Jour-J", tout n'était pas parfait à Mapleton avant le "Grand Départ" : les Garvey traversaient une crise conjugale, le mari de Nora la trompait avec l'institutrice de leurs enfants, Patti souffrait de dépression après avoir été chassé de chez elle, Tommy ne comprenait pas que son père biologique le rejette, Kevin souffrait de l'aura de son père qui, lui-même, entretenait une liaison encore secrète avec Lucy Warbuton... De là à interpréter les disparitions comme une sorte de punition divine, il n'y a qu'un pas, même pour ceux qui ne croient pas ou plus ou entre autre chose.

Le casting porte cette histoire complexe et singulière, très suggestive et violente en même temps, avec brio. Justin Theroux, découvert dans Mulholland Drive (David Lynch, 2001) et fiancé éphémère de Jennifer Aniston, est la grande révélation du show, par son jeu fébrile et habité. Ceux qui (comme moi) ont adoré la saison 3 de Fargo retrouveront avec plaisir la formidable Carrie Coon dans le rôle de Nora. Christopher Eccleston a troqué le costume du Dr. Who pour celui du Révérend Matt, fiévreux à souhait. Ann Dowd (vue depuis dans Good Behavior) est glaçante dans le rôle de Patti tandis qu'Amy Brenneman ne pipe pratiquement pas un mot de toute la saison tout en faisant passer tout le trouble de son personnage. Enfin, mention spéciale pour la jeune Margaret Qualley (The Nice Guys, Shane Back, 2016), parfaite en ado paumée (la fille d'Andie McDowell est l'autre révélation de la série).

Variation subtile et fascinante sur le trauma américain post-11-Septembre (sans les maladresses des 4400 avec ses emprunts à X-Files), The Leftovers conclut sa première saison sur une note lumineuse après bien des tumultes. Avant de se réinventer pour sa saison 2...