mardi 19 juin 2018

MOZART IN THE JUNGLE (Saison 4) (Amazon)


Même si, autant le dire tout de suite, cette saison 4 déçoit un peu en n'étant pas à la hauteur de ses devancières, on quitte ses personnages avec une pointe de regret au terme du dixième épisode qui est aussi le dernier de Mozart in the Jungle. Car le show a été annulé par Amazon et n'a pas été sauvé par un autre producteur-diffuseur. Il faut donc dire ce qui a fonctionné ou pas et tirer le bilan plus global de cette série souvent jubilatoire. 

 Hailey Rutledge et Rodrigo da Souza (Lola Kirke et Gael Garcia Bernal)

Rodrigo vit désormais chez Hailey et ses deux co-locataires, musiciens comme elle au sein du New York Symphonic. Le Maestro excentrique est désormais désigné par Hailey comme son "petit ami" officiel, ce qui le rassure sur la solidité de leur relation. Cependant, Gloria Windsor, l'administratrice de l'orchestre, apprend à Thomas Pembridge, son amant et ex-chef de l'ensemble, que le Pape, lors d'une visite à New York veut assister à une représentation dans sa salle de concert.  

Le Maestro à la baguette 

La nouvelle met tout le personnel en ébullition et il faut répéter une oeuvre commandé par le Saint-Père... Sauf qu Rodrigo est parti accompagner Hailey chez ses parents ! La rencontre est tendue car il découvre que le père a toujours forcé sa fille à devenir une musicienne alors qu'elle n'en avait pas spécialement envie. Et maintenant qu'elle songe à la direction d'orchestre, il considère cela comme un échec alors qu'il lui prédisait une grande carrière de hautboïste.  

Thomas Pembridge à la tête du Queens Symphonic (Malcolm McDowell)

Le concert organisé pour le Pape tourne à la catastrophe car le plafond de la salle s'effondre sur les musiciens, heureusement sans faire de blessés graves. En cause : la prolifération de rats dans le bâtiment. Les réparations vont coûter une fortune et préoccupent donc Gloria. Moins Pembridge qui accepte, sans le lui dire, la direction d'un orchestre dans le Queens.  

Thomas Pembridge et Gloria Windsor (Malcolm McDowell et Bernadette Peters)

Gloria, tout en recherchant un riche mécène qui financera les travaux du Symphonic, est courtisée pour devenir l'administratrice du Musée Guggenheim. La proposition est alléchante jusqu'à ce manifeste Fukumoto, un industriel japonais prêt à renflouer les caisses en échange d'un concert en Asie dirigé par Rodrigo.

Hailey à la baguette

Hailey est aussi dans la tourmente : elle souhaite diriger des oeuvres de compositrices par conviction féministes, mais elle vise une partition contemporaine et courtise la dernière création d'une musicienne en vue mais qui ne lui accorde pas de crédit car elle n'a aucune expérience. A force de persévérance, Hailey la convainc (en jouant en bas de chez elle). Sa victoire contraste avec le marché conclu entre Gloria et Fukumoto quand celui-ci impose à Rodrigo de diriger le "Requiem" de Mozart - provoquant l'ire du génie défunt qui a interdit au Maestro de toucher à cette pièce inachevée.   

Rodrigo et Gloria spectateurs du concours de chef d'orchestre au Japon

Malgré tout, pour sauver le Symphonic, Rodrigo accepte de partir pour le Japon où, par ailleurs, Hailey est inscrite à un concours de chef d'orchestre. Pembridge, qui la coachait, ne peut plus le faire car il remplace un membre du jury : elle s'en remet à Rodrigo qui doit pourtant avaler une sacrée couleuvre. En effet, Fukumoto a fait achever le "Requiem" par un robot ! Et pire encore, le Maestro découvre que l'esprit de Mozart qui l'inspirait a été remplacé par le fantôme de l'extravagant pianiste Liberace ! 

Le Maestro va diriger le "Requiem" de Mozart

Inexplicablement, alors qu'elle atteint la finale du concours dont elle est la favorite, Hailey rate complètement sa prestation, n'y mettant aucun coeur, comme rattrapée par l'ombre de Rodrigo et ses conseils. Le Maestro, lui, détruit le robot et décide de diriger le "Requiem" de Mozart sans en changer ou y ajouter une note, afin de se réconcilier avec le génie, ce qui provoque évidemment la déception et la colère de Fukumoto et Gloria mais les rires de Pembridge.

Les rêveries de la cérémonie du thé

Après ça, Rodrigo estime qu'ils ont besoin, lui et Hailey, de partager un moment spécial : la cérémonie sacrée du thé. Durant ce rituel très balisé, ils entrent, l'un après l'autre, en transe, au cours de laquelle ils font le point sur leurs sentiments, leurs aspirations. Mais ils en tirent un enseignement différent : lui veut avoir un bébé avec elle, mais elle préfère rompre avec lui !

Cynthia à la tête de l'orchestre des enfants du New York Symphonic (Saffron Burrows)

De retour à New York, Rodrigo décide de se séparer de tous ses biens matériels en les offrant à ses amis et musiciens. Il s'interroge sur son avenir de chef d'orchestre en s'adonnant à la danse avec un ami chorégraphe qui veut monter un ballet sans public ! Hailey l'évite mais accepte de remplacer le hautboïste du Symphonic, que la direction de Rodrigo rend fou. Le comportement de ce dernier oblige Cynthia, la violoncelliste dont le poignet douloureux la contraint à abandonner la pratique de son instrument à reprendre en main l'orchestre des enfants.

"Et maintenant, Maître, qu'est-ce que je dois faire ?"

La restauration du Symphonic s'achève après que Gloria ait réussi à obtenir le pardon de Fukumoto. Mais il lui faut, lors de sa visite pour la réouverture de la salle, une oeuvre originale et elle convoite celle de Hesby, un ami commun à elle et Pembridge qui souhaite également diriger pour l'orchestre du Queens sa dernière partition. Parce qu'elle la lui avait commandée la première, Gloria emporte la pièce, en ouverture de laquelle les enfants joueront sous la direction de Cynthia. Rodrigo ne se présente pas au pupitre, ayant remis un message lu par le flûtiste de l'orchestre dans lequel il transmet sa baguette de chef à Hailey. Elle relève le défi et obtient un triomphe, partagé par Hesby, Gloria, Pembridge, Fukumoto et le public. Rodrigo assiste au sacre de la jeune femme avant de s'éclipser et de retrouver Mozart qui le somme de se remettre au travail maintenant... Mais sans lui dire quoi faire !

Ce qui m'a toujours enchanté dans Mozart in the Jungle, c'est son approche rafraîchissante et fantaisiste de la musique classique, ainsi que la découverte du hautbois. Moi qui n'ai jamais jamais attiré par la "grande musique", la série me l'a fait aimer davantage que tous les professeurs et mélomanes par la grâce de cet instrument et sa manière de raconter la vie d'un orchestre sous l'angle de la comédie sentimentale.

Le fait que le show ait été adapté par Roman Coppola, Jason Schwartzman - deux compères de Wes Anderson, un de mes cinéastes contemporains favoris - et Paul Weitz avec Alex Timbers a compté pour beaucoup aussi. A eux quatre, ils ont su trouver un sujet original en le traitant sans grande pompe, de quoi démythifier les salles de concert, les oeuvres, les musiciens. En somme de quoi transformer le classique en pop.

Après deux premières saisons éclatantes, la série a atteint un pic avec la troisième, notamment dans sa première partie où elle abordait l'opéra (pourtant ce que j'aime le moins dans le classique) avec l'arc narratif mettant en scène La Fiamma, génialement incarnée par Monica Bellucci. Une succession d'épisodes tellement mémorable qu'on pouvait légitimement douter que le reste soit aussi savoureux, même si le second acte relançait les protagonistes dans des situations prometteuses.

Et nous voilà donc arrivés à cette saison 4 dont on a appris très tôt qu'elle serait la dernière - la décision d'Amazon de cesser l'aventure a surpris les fans, alors que la série fonctionnait bien et semblait pouvoir continuer encore quelque temps. Mais en même temps on devine que, par les moyens qu'elle exige, elle coûtait cher (quoique l'argent n'est pas vraiment un souci pour le géant de la vente en ligne...). Peut-être tout simplement que les acteurs voulaient arrêter pour s'engager dans d'autres projets, partir en pleine gloire...

Il est pourtant évident que, même sans réfléchir à ces théories, cette nouvelle cuvée n'allait pas être à la hauteur. On s'en rend vite compte : comme beaucoup d'autres shows, Mozart in the Jungle est victime du syndrome Clair de Lune, série qui révéla dans les années 80 Bruce Willis aux côtés de Cybill Sheperd et dont les deux héros finissent par devenir amants (comme le furent un temps leurs interprètes avant de se haïr copieusement, Sheperd jalousant la popularité grandissante de Willis qui devint star de cinéma ensuite). Une espèce de malédiction touche les séries où, après avoir joué au chat et à la souris, les vedettes deviennent un couple installé, comme si les spectateurs s'en désintéressaient alors et que les intrigues ne s'en remettaient pas.

Ici, c'est pourtant assez bien assimilé même si la visite de Hailey avec Rodrigo chez ses parents révèle un malaise trop pesant pour une série qui se veut aussi légère. Ainsi, la jeune et charmante hautboïste aspirante chef d'orchestre serait une fille poussée à devenir prodige par son père qui voit désormais son changement de carrière comme un échec. C'est trop pour ne pas briser le charme alors qu'en abordant cette séquence sans drame familial, l'effet aurait été amoindri.

Le souci, c'est que cela (ce malaise) persiste durant une bonne partie de la saison où tout semble se casser la gueule misérablement, annoncer la fin du New York Symphonic comme celui de la série. La déprime gagne le téléspectateur et la fantaisie déployée pour atténuer cet état paraît alors forcée et surtout impuissante. Le scénario cherche à réorienter l'ensemble mais l'effort est laborieux.

Parce qu'il faut bien tenter quelque chose, la série se délocalise, comme dans la saison 3 : direction le Japon pour un concours de chef d'orchestre mais aussi, en parallèle, la direction du "Requiem" (un autre signe bien appuyé) de Mozart pour charmer un mécène. Comme prévu, la manoeuvre échoue mais les auteurs l'assument : ils racontent un autre échec puis un autre encore... Rien ne va plus, ça sent de plus en plus la fin, au point qu'au terme du huitième épisode, Hailey et Rodrigo se séparent.

Comment se remettre de la rupture des deux amants emblématiques du show alors que leur union officielle avait déjà entamé le début de saison ? Et cela en seulement deux épisodes ? En orchestrant (c'est le cas de le dire) une transmission en lieu et place d'une réconciliation, en imposant une happy end sans que cela se voit trop. Et sur ce coup, la mission est plutôt bien remplie, avec un final foufou, mélancolique et drôle à la fois, qui se paie le luxe de conclure sur une question à laquelle le héros ne sait pas quoi répondre (que faire quand Mozart vous somme de vous remettre au travail alors qu'on a passé le relais ?). 

Pour ce dernier tour de piste, heureusement, les acteurs donnent tout, sans réserve, en parvenant à nous faire (presque) oublier que c'est le terminus : Malcolm McDowell est vraiment extraordinaire, retrouvant un côté punk tel qu'il l'a incarné au début de sa prestigieuse carrière (les scènes avec le Queens Symphonic et ses concerts improbables sont hilarants) ; Saffron Burrows a moins de choses à jouer mais elle le fait avec une sensualité triste vraiment jolie à voir ; et en guest-star Bruce Davison campe un compositeur totalement à la ramasse réjouissant.

Puis bien sûr, il y a Lola Kirke, qui semble avoir grandi avec le rôle qu'elle porte désormais avec une détermination jusque dans l'échec qui ne manque pas de panache. Les showrunners lui font un beau cadeau en la gratifiant d'une fin de parcours radieuse. Quant à Gael Garcia Bernal, toujours survolté, il montre qu'il n'a jamais négligé la subtilité dans un rôle excentrique à souhait, comme le montre la cérémonie du thé où ses aspirations se fracassent sur la réalité qu'il a toujours évité mais qui le rattrape. On n'oubliera pas de sitôt ce Maestro unique, qui joue avec le sang !

Une morale se dégage de cette ultime saison, qui rejoint le film Amadeus du regretté Milos Forman (disparu ce Printemps, durant la diffusion de cette série qui prolonge singulièrement son chef d'oeuvre) : il est difficile - impossible ? - de vivre avec un génie car on demeure toujours dans son ombre. Il faut qu'il cède sa place pour laisser exister les autres. En se retirant (bon gré mal gré), Mozart int the Jungle comme Rodrigo nous laisse avec des regrets, dont le plus précieux est celui que son show va nous manquer quand tant d'autres finissent par nous lasser.

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