jeudi 21 juin 2018

CAPTAIN AMERICA #704, de Mark Waid et Leonardo Romero (FINALE)


On y est : c'est la fin du troisième run de Mark Waid sur Captain America, sans doute son dernier aussi puisqu'il avait accepté d'écrire ces épisodes à la demande de Chris Samnee. Le 4 Juillet prochain (la date n'est évidemment pas innocemment choisie) sortira le n°1 d'un nouveau volume avec une nouvelle équipe créative (Ta-Nehisi Coates et Leinil Yu). Pour ce #704, Leonardo Romero opère seul au dessin, sans invité de marque, mais avec un discours éminemment symbolique de la part de son scénariste...


Pendant que Crâne Rouge affronte l'armada Kree, Jack Rogers interroge, de façon musclée, le général Pursur, un des leurs. Il a découvert que le sérum du super-soldat ne pouvait être assimilée par les extraterrestres et les tuait même : il lui faut maintenant savoir où ses agents dormants gardent les réserves de la précieuse potion, capable de détruire l'envahisseur et surtout de sauver Steve Rogers Jr..


En sondant le cerveau de Pursur, Jack envoie l'armée américaine avec des armes chargées spécialement dans les bases Kree sur Terre. Puis il s'emploie à convaincre les autres Etats fédéraux du pays de l'aider à neutraliser, le moment venu, Crâne Rouge au prix d'une stratégie risquée.


Crâne Rouge, une fois sorti victorieux de son combat contre l'armée Kree, tue Pursur et accule Jack dont il refuse, bien sûr, contrairement à ce qu'il avait promis, de guérir le fils au prétexte qu'il est le descendant de Captain America. Jack le supplie une dernière fois, prêt à lui prêter allégeance en lui baisant la main.


Crâne Rouge, appréciant d'humilier Jack, le laisse faire... Et tombe dans son piège : Rogers sape, par la force de sa volonté et de celle de ses compatriotes à travers le pays, l'énergie du cube cosmique assimilée par le nazi.


Crâne Rouge littéralement vaporisé, Jack découvre que Steve Jr. est rétabli totalement. Ensemble ils sortent aider les civils, le drapeau américain en main. Trois ans plus tard, Jack continue de guider l'Amérique en s'inspirant de l'esprit de son ancêtre, Captain America.

En terminant la lecture de cet ultime épisode, on comprend le lien particulier qui unit Mark Waid à Captain America, peut-être plus qu'aucun autre héros qu'il a écrit dans son abondante bibliographie. En récapitulant d'ailleurs les titres de ses petits arcs narratifs durant son dernier run, on obtient un résumé éloquent à la fois de la manière dont il voit le héros mais aussi de la manière dont le héros lui sert de porte-voix philosophiquement, politiquement.

Home of the Brave, Man out of time, The Promised Land : on croirait presque du Springsteen avec lequel Waid doit sûrement partager une vision sinon gauchiste, en tout cas humaniste de l'Amérique et de Captain America. Il ne s'agit pas de glorification, mais d'idéalisme, d'honneur, d'éternité, de mémoire, d'espoir. 

En somme, voilà autant de symboles anti-Trump sibyllins car, lorsque le POTUS sépare des enfants d'immigrés de leurs parents à la frontière mexicaine, absout les suprémacistes blancs dans une manifestation qui dégénère à Charlottesville, explique qu'il y aurait eu moins de victimes le 13 Septembre 2015 à Paris si les citoyens français avaient porté des armes, se désengage des accords sur le climat ou rejette le multi-littéralisme commercial, Mark Waid lui répond, en douceur, mais avec foi, que l'Amérique n'est pas cela. C'est une démocratie qui, consciente de l'être, ne doit jamais oublier ses principes et valeurs, à l'image de Jack Rogers qui se rappelle de Captain America comme d'un compas moral.

Avec son expérience, Waid a atteint, dans son écriture, lorsqu'il est particulièrement inspiré par son sujet, une forme d'épure classique : certains trouveront cela trop scolaire, pas assez moderne, et on pourra répliquer que c'est surtout intemporel, que ça sonne surtout juste, sans prétention mais avec honnêteté et franchise.

Ce sentiment se prolonge visuellement avec Leonardo Romero, qui aura donc réussi, non pas à éclipser Samnee, mais prolonger l'excellence de la prestation de son confrère subitement parti (sans qu'il ait trouvé de nouveau port d'attache !).

Certes, l'italien n'a pas encore la virtuosité narrative de son prédécesseur : ses pages ont encore une simplicité, une sagesse, qui limitent un peu le souffle que veut leur donner Waid. Romero n'est pas, par exemple, franchement à l'aise dans le grand spectacle comme en témoignent les scènes où Crâne Rouge terrasse l'armada Kree (d'ailleurs, le dessinateur échoue à reproduire la laideur du visage si particulier du nazi). Mais en même temps, ce graphisme low-fi a le mérite de ne pas vouloir faire de l'ombre à ce qui est raconté : il sert le propos, le plus fidèlement possible, avec ses moyens, parfois limites, mais aussi une vraie élégance. Le meilleur exemple se trouve dans cette image, pleine page, où le père et le fils Rogers brandissent le drapeau américain (voir ci-dessus) : une iconographie qui pourrait facilement être insupportable ou ridicule mais qui devient noble, belle, par sa naïveté même, sa représentation sobre souligné par ces mots "nous [les Rogers] avons une réputation à honorer".

Pour ma part, je ne lirai pas le prochain volume : la preview qui en a été diffusée ne m'a pas motivé, je suis aussi prudent avec Ta-Nehisi Coates (même si j'ai apprécié le n°1 de la relance de Black Panther) et avec Leinil Yu (très inégal, et peu inspiré depuis un moment). Je préfère rester sur cette belle impression - et attendre d'être à nouveau attiré par de futurs auteurs.   

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