lundi 14 août 2017

IRRESPONSABLE (Saison 1) (0CS)


Après la découverte positivement surprenante de Missions, voici une autre pépite produite par OCS (Orange Ciné Série) : Irresponsable est une création d'un ancien élève de l'école de cinéma, la Fémis (plutôt habituée pourtant à former de futurs cinéastes de films d'auteur), Frédéric Rosset, qui en a écrit les dix épisodes (avec parfois le concours de Camille Rosset ou Maxime Berthémy) de 25 minutes, tous réalisés par Stephen Cafiero.

Et la question qui se pose à la fin de cette première saison (la deuxième vient de se tourner, sa diffusion est prévue pour fin 2017-début 2018), c'est : et si on tenait là la meilleure comédie de l'année ? Et même la meilleure comédie de la télé française ?
 Julien (Sébastien Chassagne)

Julien, la trentaine, retourne vivre chez sa mère, Sylvie, divorcée, en lui faisant croire que de l'amiante a été trouvée dans son appartement à Paris. En vérité, il a perdu son boulot et a dû trouver une solution de repli après avoir squatté chez sa meilleure amie, Léa, une lesbienne dont le couple traverse une crise. 
Julien et sa mère, Sylvie (Sébastien Chassagne et Nathalie Cerda)

Sylvie est à la fois enchantée de prendre soin de son grand garçon et soucieuse de son avenir, aussi tente-t-elle de lui décrocher un boulot au collège de la ville. L'entretien avec le directeur est un échec car Julien était un cancre et sa situation actuelle ne plaide pas en sa faveur. C'est en sortant du bahut qu'il croise Marie, son amour de jeunesse... Désormais prof dans cet établissement ! 
Jacques et Julien (Théo Fernandez et Sébastien Chassagne)

Julien obtient qu'ils se revoient et il l'invite à dîner au resto. Elle lui apprend qu'elle a un fils et il pense alors qu'elle est en couple. Mais quand elle lui apprend que sa progéniture a quinze ans, Julien devine, avant qu'elle le lui confirme, qu'il en est le père. Tout s'explique alors : l'adolescente avait quitté la ville à l'époque car ses parents, désireux de dissimuler sa grossesse, avaient déménagé. 
Marie et Julien (Marie Kauffmann et Sébastien Chassagne)

Ce que Marie ignore, c'est que Julien et son fils, Jacques (mais qui préfère être prénommé "Jack"), ont déjà fait connaissance au collège, le jour de son entretien d'embauche, en tirant sur un joint en cachette. Depuis, ils font les 400 coups... Et provoquent les catastrophes : arrestation par Adrien, ami d'enfance de Julien devenu flic et qui courtise Marie, 16ème anniversaire de Théo qui tourne au règlement de comptes avec les parents de Marie et en présence de Sylvie qui apprend, à cette occasion, qu'elle est grand-mère, tentative de Julien pour éloigner Adrien...
Marie craque, Jacques veut fuir. Julien réussira-t-il enfin à assumer ses responsabilités sans dévaster l'existence de ses proches ? Surtout après que Marie lui ait annoncé une nouvelle sidérante...

Je me suis intéressé à cette série après avoir lu un article sur le tournage de la saison 2 dans le dernier n° en date du magazine "Première" : cela m'a permis d'en apprendre beaucoup à son sujet. d'abord que ces dix premiers épisodes avaient rencontré un joli succès critique et public, récompensé par plusieurs prix (dont un pour l'interprétation de l'hilarant Sébastien Chassagne dans le rôle-titre). Mais aussi qu'Irresponsable était tourné pour trois fois rien, grâce à l'implication totale de son équipe de comédiens et de techniciens : OCS investit dans la création originale mais à peu de frais, à cause de sa structure encore réduite et d'une politique d'économie.

Mais ces contraintes budgétaires avaient particulièrement inspiré les créateurs de Missions, et Frédéric Rosset y a aussi puisé une formidable énergie. Le résultat est extrêmement drôle, son anti-héros est irrésistible de culot, et cela suffit déjà au bonheur du spectateur.

Mais l'entreprise ne se limite pas à cela, même si c'est déjà très louable. A mi-chemin, les auteurs ont su anticiper à la fois le risque de lassitude du public et la minceur de l'argument, qui menaçait de faire basculer Julien de personnage amusant à celui de loser pathétique devant lesquels les autres ne peuvent que réagir (avec plus ou moins de philosophie). Subtilement, le scénario explore alors les conséquences des actes de son héros et les sentiments de son entourage vis-à-vis de ce qu'il provoque. Il devient évident que Julien est toujours amoureux de Marie, que sa paternité bouscule sa nature de glandeur-profiteur, mais aussi que les parents de Marie ont une lourde part de responsabilité dans la situation (en éloignant leur fille encore adolescente pour préserver leur réputation, ils ont privé Julien de son fils, Théo de son père, Marie du choix de sa vie, Sylvie de son petit-fils). C'est l'effet-papillon (détaillé dans une tirade à mourir de rire par Julien). En tout cas, l'émotion s'installe, les rapports entre les protagonistes se redessinent (Marie choisit d'enfin lâcher prise, ce qui ne sera pas sans effet)... jusqu'au dénouement, réellement stupéfiant. La dernière scène nous laisse dans l'expectative : quelle décision a prise Marie, pour laquelle Julien l'accompagne ?

Modestement conçue, la série bénéficie pourtant d'une réalisation soignée, précise (les effets comiques puis plus sérieux sont très bien dosés), tout à fait épatante. Et le casting est formidable : Chassagne bien sûr est phénoménal, mais Théo Fernandez (Jacques), Marie Kauffmann (Marie) et Nathalie Cerda (Sylvie) sont également sensationnels, très justes, attachants, quelquefois aussi drôles ils contribuent à affiner ce qui n'aurait pu être qu'une sitcom efficace mais standard.

Entre les boulettes tordantes de cet irresponsable à qui on pardonne beaucoup (mais pas tout) et des moments bluffants de sensibilité, la création de Frédéric Rosset est un joyau. Vivement la suite !

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