dimanche 7 août 2016

Critique 972 : VACANCES ROMAINES, de William Wyler


VACANCES ROMAINES (en v.o. : Roman Holiday) est un film réalisé par William Wyler, sorti en salles en 1953.
Le scénario est écrit par John Dighton, Ian McLellan Hunter et Dalton Trumbo, d'après une histoire de ce dernier. La photographie est signée Henri Alekan avec Frank F. Planer. La musique est composée par Georges Auric.
Dans les rôles principaux, on trouve : Gregory Peck (Joe Bradley), Audrey Hepburn (la Princesse Anya), Eddie Albert (Irving Radovich).
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 La Princesse Anya
(Audrey Hepburn)

En déplacement officiel à Rome, la Princesse Anya est excédée par les rigueurs du protocole et ses obligations de représentation. Elle aimerait pouvoir évoluer dans le monde réel et, pour cela, elle fugue une nuit du palais de l'ambassade pour faire tout ce qui lui passe par la tête, peut-être pour la première et dernière fois de sa vie.
 Joe Bradley et Ann
(Gregory Peck et Audrey Hepburn)

Elle rencontre ainsi Joe Bradley qui, en la reconnaissant, médusé, se garde bien de lui révéler qu'il est un correspondant de la presse américaine. Journaliste dilettante, il sait qu'il tient là le sujet d'un article sensationnel dont le paiement lui permettrait de rentrer aux Etats-Unis.
 Ann et Joe

Ann visite ainsi Rome incognito avec son guide improvisé sans se douter qu'il fait un reportage sur elle, que les autorités prétendent malade pour expliquer qu'elle ne peut pas remplir ses obligations publiques.
 Joe Bradley, Ann et Irving Radovich
(Gregory Peck, Audrey Hepburn et Eddie Albert)

Bradley peut compter sur la complicité de son collègue Irving Radovich, photographe séducteur, facétieux et volage. Mais le journaliste est de plus en plus troublé et charmé par la princesse, une jeune femme en vérité intelligente, raffinée, mais aussi malheureuse, écrasée par le poids de sa fonction et ses devoirs. 
Joe et Ann

Ils tombent amoureux mais doivent se quitter au terme de cette escapade de 24 heures. Joe Bradley choisira de sacrifier son article pour ne pas la trahir tandis qu'elle se sera émancipée suffisamment pour imposer à sa cour son agenda...

Vacances romaines, avant de devenir le classique que l'on sait (et si vous ne le savez pas, dépêchez-vous de corriger ça en visionnant cette merveille), eût une genèse particulièrement compliquée. Quelques exemples pour prouver que le film aurait pu être tout autre :

- c'est Frank Capra qui devait initialement le réaliser mais il se désista car il craignait de subir des représailles de la part de la commission contre les activités anti-américaines dont l'auteur de l'histoire originale, Dalton Trumbo, était victime pour ses sympathies communistes (il sera "blacklisté" à cause de cela et son nom ne figurera au générique que sous un pseudonyme avant d'être réhabilité plus de vingt ans après) ;

- quand William Wyler hérita du script, il songea d'abord à Elizabeth Taylor puis Jean Simmons pour le rôle principal avant qu'on lui parle d'une jeune première qui répétait la pièce de théâtre Gigi écrite par Colette et produite à Broadway, une inconnue de 24 ans, Audrey Hepburn. Un choix judicieux puisqu'elle gagnera pour son premier rôle l'Oscar de la meilleure actrice en 1954 !

- Enfin, Cary Grant refusa d'incarner Joe Bradley car il savait que toute l'attention du public serait monopolisée par le personnage de la princesse Anya - qui, selon les échotiers de l'époque, aurait été inspiré par la princesse Margaret et sa liaison avec le pilote de l'UAF Peter Townsend, un roturier...

Malgré toutes ces péripéties, Roman Holiday est un film qui a (conservé) une grâce incomparable, absolue, qui doit énormément à Audrey Hepburn, au sujet de laquelle Cary Grant quand il tourna plus tard Charade avec elle déclara : "le cadeau que je souhaite pour Noël, c'est de refaire un film avec elle." Sa beauté et sa fraîcheur révolutionnèrent les canons féminins du cinéma, représentant une alternative à elle seule aux brunes pulpeuses et aux blondes atomiques en vogue. Ballerine de formation, ayant grandi dans la Hollande occupée par les nazis dans des conditions misérables (qui explique sa minceur mais aussi son engagement humanitaire à la fin de sa vie), elle n'avait alors aucune expérience au cinéma et, durant ses essais pour la Paramount qui produisait le film, Wyler demanda à son assistant de continuer à la filmer à son insu après la fin de la scène pour vérifier son naturel. Bien entendu, il tomba sous le charme, comme tous les spectateurs ensuite.

Tournée pour un budget modeste, d'une manière préfigurant les méthodes des cinéastes de "la Nouvelle Vague" avec des prises de vue en extérieur, le film profite du fait que Wyler sut saisir les ambiances de Rome et aborder avec tact et spontanéité ce récit initiatique aux airs de conte de fées. On devine rapidement que cette romance se terminera sur un adieu définitif car la relation de Joe Bradley et la princesse Anya est impossible mais sa brièveté lui confère son intensité.

Par ailleurs beaucoup trop de mensonges surviennent dans cette histoire, culminant avec la célèbre scène de "la Bouche de la Vérité" - où Gregory Peck convint avec Wyler de la jouer sans prévenir Audrey Hepburn qu'il allait lui faire croire que sa main serait arrachée afin d'immortaliser sa surprise. Joe Bradely et Ann sont aussi embarrassés l'un que l'autre car ils craignent d'être démasqués, mais après avoir échappé à la punition divine, le regard qu'ils échangent trahit leur attirance mutuelle et aussi la mélancolie relative au fait qu'ils ne pourront rester ensemble et vivre leur amour. Et quand ils se quitteront, le baiser qu'ils se donnent est celui d'une consolation poignante après cette parenthèse enchantée.

Pourtant Wyler filme la véritable grande scène romantique lors de la conférence de presse finale où les deux personnages ne peuvent plus communiquer que visuellement et par sous-entendus : il lui assure qu'il ne trahira pas sa confiance (il ne publiera pas d'article sur sa fugue), elle serre ensuite la main de tous les journalistes juste pour pouvoir toucher une dernière fois celle de Joe Bradley. Un moment bouleversant, mené avec une subtilité exemplaire.

Gregory Peck est magistral dans ce rôle qui le voit passer du type désinvolte et opportuniste à l'homme transfiguré par cette Cendrillon moderne à laquelle Audrey Hepburn prête une pureté et une noblesse renversantes. Ensemble, ils forment un couple éphémère et inoubliable, un des plus jolis qu'on puisse voir. Et le talent de William Wyler est d'avoir su saisir l'alchimie de ces deux comédiens tout en rompant avec ses propres habitudes (peu de prises, hors des studios) mais soutenu par une équipe technique exceptionnelle (Henri Alekan et Georges Auric qui avaient éclairé et mis en musique La Belle et la Bête de Jean Cocteau notamment, Edith Head pour des costumes qui lui vaudront son cinquième Oscar).

Magique tout simplement.   

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