mercredi 25 mai 2016

Critique 898 : HANNA, de Joe Wright


HANNA est un film réalisé par Joe Wright, sorti en salles en 2011.
Le scénario est écrit par Seth Lochhead et David Farr. La photographie est signée Alwin Küchler. La musique est composé par The Chemical Brothers.
Dans les rôles principaux, on trouve : Saoirse Ronan (Hanna Heller), Eric Bana (Erik Heller), Cate Blanchett (Marissa Wiegler).
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Hanna est une adolescente de 16 ans qui vit seule avec son père, Erik Heller, un ancien agent de la CIA, dans une région enneigée à l'écart de tout. Elle appris de nombreuses techniques de survie et de combats ainsi que la maniement d'armes blanches et à feu.
Pour seules lectures, elle a droit à une encyclopédie et un recueil de contes de fée. Mais cela ne lui suffit plus et sa curiosité pour le monde extérieur la pousse à allumer une balise que son père lui a remise. Son geste conduit Erik à partir en lui donnant les coordonnées d'un lieu où ils pourront se retrouver.
Hanna Heller
(Saoirse Ronan)

La nuit même, un commando débarque et emmène la jeune fille dans une base secrète où elle est interrogée. Dans l'ombre, Marissa Wiegler, une ancienne partenaire d'Erik, observe Hanna et assiste, médusée, à son évasion au cours de laquelle elle réussit à tenir tête à plusieurs agents aguerris.
Marissa lance aux trousses de la fugitive des hommes de main tandis qu'elle-même part à la recherche d'Erik. Hanna trouve refuge auprès d'une famille de touristes en devenant l'amie de leur fille, et qui s'apprête à rentrer à Berlin - où son père doit l'attendre.
Marissa Wiegler
(Cate Blanchett)

Erik s'en prend à Marissa pour protéger Hanna qu'il rejoint juste à temps pour lui révéler le secret de ses origines : elle apprend ainsi qu'elle a été conçue dans le cadre d'un programme gouvernemental visant à créer des individus physiquement et mentalement améliorés. Mais ces opérations ont été interrompues, et en prenant la fuite, la mère de la jeune fille a été tuée. Son père a sauvé Hanna et l'a élevé seul et a terminé sa formation de guerrière.
Erik Heller
(Eric Bana)

Hanna est désormais seule face à Marissa : laquelle des deux sortira indemne de leur ultime affrontement ?

Voilà un curieux mais très efficace long métrage, une sorte de conte aux allures de film d'action : un cocktail réalisé par Joe Wright, qu'on n'attendait pas dans ce registre puisque le cinéaste s'était fait connaître par ses adaptations littéraires -  Orgueil et Préjugés d'après Jane Austen, et Reviens moi, tiré du roman Expiation de Ian McEwan. 

L'histoire débute dans des étendues blanches, une contrée non identifiée et sauvage, où l'héroïne a gradi loi de toute civilisation : ce prologue intrigue immédiatement, d'autant que cette jeune fille est une machine à tuer, élevée "à la dure" par son père. Mais très vite, la situation bascule et le film accélère : le rythme ne faiblira jamais, tout comme la progression violente de Hanna. 

Si cette dernière figure une néo-princesse découvrant le monde, son adversaire, la rousse glaciale Marisa Wiegler, est alors la méchante sorcière vouée à sa perte, qui s'interpose entre Hanna et son père et détient le secret de ses origines.  Que leur dernier face à face se déroule dans le cadre d'un parc d'attractions déserté confirme la référence, ce décor possède la fantaisie incongrue et inquiétante qui sied à cette course poursuite initiatique et son dénouement.

La réalisation de Joe Wright est au diapason du scénario qu'elle sert : simple, directe, redoutablement nerveuse, accompagnée par une bande originale aux sonorités électroniques par le duo Chemical Brothers. Le cinéaste alterne des scènes au montage très vif et des plans séquences, ce qui donne à l'histoire une fluidité et une puissance étonnantes, aussi bien appropriés pour les moments d'émotions que pour  les épisodes plus mouvementés. 

Le film abonde en combats, dont la chorégraphie a été réglée par Jeff Imada, et qui sont à la fois suffisamment réalistes pour que le spectateur y croit mais aussi très percutantes pour que le spectacle soit impressionnant. Dès lors, le choix de confier à  Saoirse Ronan le rôle principal confère tout son originalité au projet : avec son physique fluet, son teint de poupée de porcelaine, son regard intense, et son jeu à la retenue vibrante, elle en impose.

Des moments forts émaillent le récit, réinventant souvent la scène d'évasion et nous entraînant dans des paysages exotiques, aux ambiances contrastées - les espaces neigeux du début, le désert africain ensuite, l'urbanité sordide de Berlin enfin - on y assiste à un authentique "morceau de bravoure" dans les docks la nuit.

Si Eric Bana est épatant dans le rôle du père, le film est tout entier dédié à sa jeune partenaire irlandaise : Saoirse Ronan aimante la caméra et le regard du spectateur comme peu de si jeunes actrices y arrivent. Elle parvient même, la prouesse mérite d'être relevée, à éclipser Cate Blanchett, dont la présence et le jeu borderline sont pourtant toujours aussi remarquables. 

Mais il serait réducteur de ne voir dans Hanna qu'une succession de combats âpres et de rebondissements sur fond d'expériences génétiques, de programme militaire secret et de vengeance. L'argument est plus profond et peut se localiser dès la scène introductive quand la jeune héroïne chasse un renne et le tue. En se penchant sur la dépouille de l'animal, elle regrette de ne pas l'avoir touché en plein coeur. C'est par cette même formule que se conclura le film quand Hanna et Marissa se retrouveront. Dans cette réplique répétée, c'est la question de l'humanité des personnages qui est posée : celle d'une fillette qui a été transformée en arme vivante et celle de la femme qui a été responsable de sa condition. 

A l'humanité correspond le questionnement de la civilisation : ainsi Hanna ne cessera d'être non seulement éprouvée par Marissa et ses sbires mais aussi par le monde qu'elle découvre au cours de son épopée. Les bruits agressifs des villes, le déferlement d'images et de sons de la télévision et de la musique, tout cela apparaît comme des manifestations monstrueuses pour cette adolescente. Quand elle se lie d'amitié avec Sophie, la fille d'un couple de touristes européens en voyage en Afrique, Hanna est tout aussi submergée par le bavardage de celle-ci. Elle connaît la signification des mots mas n'a aucune expérience des sensations qu'ils expriment : c'est un animal fébrile et assailli qui doit improviser sans cesse pour ne pas être submergée par ces environnements successifs et rattrapée par les assassins qui la traquent.

Variation surprenante sur le thème de l'enfant sauvage, Hanna est une production qui supporte bien d'être revue : son actrice principale mérite à elle seule tous les éloges, mais la qualité et l'originalité de son écriture et de sa mise en scène ajoutent au plaisir troublant qu'exige ce mix détonant.

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