jeudi 17 mars 2016

Critique 840 : BLOOD TIES, de Guillaume Canet


BLOOD TIES est un film réalisé et produit par Guillaume Canet, sorti en salles en 2013. Il s'agit d'un remake du film Les Liens du Sang réalisé par Jacques Maillot.
Le scénario est écrit par Guillaume Canet et James Gray, adapté de l'histoire écrite par Jacques Maillot et Frank Urbaniok. La photo est signée Christophe Offenstein. La musique est composée et compilée par Yodelice.
Dans les rôles principaux, on trouve : Clive Owen (Chris Pierzynski), Billy Crudup (Frank Pierzynski), James Caan (Leon Pierzynski), Lili Taylor (Marie Pierzynski), Marion Cotillard (Monica), Zoe Saldana (Vanessa), Mila Kunis (Natalie),  Noah Emmerich (Colon), Matthias Schoenaerts (Anthony Scarfo), Griffin Dunne (McNally)...
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À New York, en 1974, Chris Pierzynski sort de prison au bénéfice d'une remise de peine pour bonne conduite, après plusieurs années derrière les barreaux à la suite d'un règlement de comptes.
Chris
(Clive Owen)

Dehors, son frère cadet, Frank, l'attend. Leur relation a toujours été houleuse et pour cause puisque ce dernier est officier de police, promis à une brillante carrière dans la brigade criminelle. On comprend par ailleurs que Frank est venu à contrecoeur.
Frank
(Billy Crudup)

La rivalité entre les deux frères a une autre raison : leur père, Leon, les a élevés seul, car leur mère était alcoolique, toxicomane et s'adonnait à la prostitution pour assouvir ses addictions. Le patriarche a malgré tout toujours affiché une préférence pour Chris, quand bien même celui-ci endurait les corrections sévères du père pour protéger son cadet et leur soeur, Marie, aujourd'hui aux côtés du chef de famille vieillissant.
Leon
(James Caan)

Dans une volonté de pacification entre eux, Frank trouve un travail à Chris, dans un garage, et essaie de le réconcilier avec son ex-femme, Monica, toxicomane, en charge de leurs deux enfants qu'il n'a pas vu grandir.
Monica
(Marion Cotillard)

Néanmoins, très vite, ses démons rattrapent Chris, qui est humilié par le fils de son patron, et ne supporte pas non plus que la secrétaire du garage, la jeune et jolie Natalie, ne soit pas mieux considérée. Lorsqu'un de ses amis, délinquant, vient lui proposer un job facile et illégal, il quitte son emploi et replonge dans le banditisme.
Natalie
(Mila Kunis)

Frank assiste impuissant à ces événements mais son existence est également agitée : il cherche à regagner les faveurs de Vanessa, dont le mari, Anthony Scarfo, est actuellement détenu, et avec laquelle il a déjà eu une liaison difficile.
Vanessa
(Zoe Saldana)

La chance de Chris tourne à son avantage : professionnellement, il accepte de participer à un audacieux braquage contre un fourgon blindé de convoyeurs de fonds, qui se solde par un bain de sang mais au terme duquel il empoche le butin avec son meilleur ami ; et sentimentalement, il 
charme Natalie qui accepte de l'épouser.
Scarfo
(Matthias Schoenhaerts)

Lors du hold-up, Frank a reconnu Chris mais refuse de le dénoncer à ses supérieurs et démissionne de la police. Il est menacé par Scarfo, sorti entretemps de prison, mais Chris intervient aussi discrètement que brutalement pour empêcher le mari jaloux d'ennuyer son frère.

Tandis que Frank et Vanessa organisent une sortie pour se changer les idées, Monica, désormais à la tête d'un réseau de prostitution financé par Chris, est piégée par la police et trahit son ex-époux contre sa liberté. Au même moment, Scarfo échappe aux hommes de main de Chris, résolu à tuer Frank et Vanessa.

Chris apprend que la police est sur le point de l'arrêter et que son frère est de nouveau sous la menace de Scarfo. Il confie la protection de Natalie à son meilleur ami et se lance à la poursuite de Scarfo pour le neutraliser avant qu'il s'en prenne à Frank et Vanessa...  

Je dois, pour commencer cette critique, avouer que je ne partage pas avec beaucoup de journalistes et de spectateurs l'enthousiasme que suscite Guillaume Canet : il est, à mes yeux, un acteur fade et un metteur en scène surcoté. Donc j'ai découvert, récemment (Dimanche dernier), son Blood ties sans en attendre grand-chose. Je n'avais même pas vu le film dont il est le remake et dans lequel il jouait déjà, Les liens du sang.

Ce qui m'a motivé, c'est d'abord et surtout son étincelant casting puis son co-scénariste, le talentueux cinéaste James Gray. Le long métrage a vu le jour suite au succès de Ne le dis à personne aux États-Unis (après déjà un gros score en France) : plusieurs producteurs américains ont alors logiquement offert à Canet de financer son projet suivant. Mais il a été méfiant, sans doute parce qu'il s'est rappelé des mésaventures vécues par d'autres français attirés par les sirènes hollywoodiennes (Matthieu Kassovitz, Christophe Gans...) : exigeant de garder le contrôle artistique de ses films, il se doutait, légitimement, que les grands studios ne le lui accorderaient pas si le résultat ne leur convenait pas.

Mais la tentation d'oeuvrer Outre-Atlantique est quand même alléchante et il cherche quand même une idée : c'est ainsi qu'il entreprend de réaliser une nouvelle version d'un film dans lequel il a tourné, Les liens du sang, mis en scène par Jacques Maillot, qu'il aurait déjà aimé mettre en images en France. Cependant, Canet doit aller vite car Ridley Scott veut également acquérir les droits du remake et il convainc les américains de le suivre, lui, plutôt que le vétéran anglais, pourtant plus connu et auteur de gros succès au box-office depuis plus de trente ans.

Canet cherche ensuite un co-scénariste pour l'aider à rédiger son premier script en anglais et rencontre James Gray qui, contre toute attente, lui propose ses services. Il faut maintenant une star pour porter le projet et Mark Wahlberg s'y attache... Avant de renoncer, estimant que le sujet rappelle trop La Nuit nous appartient, justement réalisé par Gray !

Un casting tout aussi prestigieux, même s'il ne comporte pas un acteur aussi bankable en tête d'affiche, sera quand même réuni par le français et de ce point de vue, Blood ties tient ses promesses.

Clive Owen est un de mes comédiens préférés, j'avais espéré qu'il serait choisi pour incarner James Bond (avant que Daniel Craig soit élu) : son charisme naturel, sa classe innée, font merveille pour jouer Chris, ce grand frère-grand bandit, dont chaque apparition donne au film une dimension à part.
Billy Crudup est un acteur à la carrière inégale, qui a en outre souffert d'un scandale personnel (il a quitté sa femme enceinte pour partager la vie d'une comédienne), mais son interprétation, très sobre, rend parfaitement justice à ce rôle de cadet tiraillé entre sa famille et son métier de flic.

La galerie de seconds rôles est bluffante, tous sont servis par des comédiens exceptionnels, dont la réunion dans le premier film américain d'un français donne presque le tournis : à côté du monstre sacré James Caan (sans doute convaincu par Gray, qui le dirigea dans son somptueux et crépusculaire The Yards), on a droit aux magnifiques Zoe Saldana (émouvante en femme de truand), Mila Kunis (parfaite en jeune femme fascinée par Owen), et Marion Cotillard (qui cabotine un peu en pute-maquerelle toxico - ça fait beaucoup pour un seul personnage !). Et c'est encore sans compter Matthias Schoenhaerts (glaçant en brute jalouse), Noah Emmerich (impeccable en lieutenant de police intègre), Griffin Dunne (qui ne fait que passer, le temps d'une scène survoltée), ou Lili Taylor (dans le rôle ingrat de la soeur) ! 

Le film lui-même développe une intrigue classique : la figure de l'ex-taulard rattrapé par son passé, sa rivalité avec un frère respectable, le favoritisme du père pour le "mauvais fils", tout ça n'est pas très neuf, mais le scénario exploite ces éléments avec une simplicité honnête, qui ne prétend pas révolutionner le genre. 

Avoir situé le récit dans les années 70 semble aussi une coquetterie pour évoquer le cinéma du "New Hollywood" et ses grands auteurs, dont s'inspirent Canet et qu'apprécie Gray - les Scorsese, Coppola, Friedkin... - : cet aspect "historique" n'est pas vraiment justifié, mais la reconstitution est impeccable, la direction artistique (costumes, décors, véhicules, etc) prouve la supériorité des productions américaines dans cette configuration (là où le cinéma français se contente souvent du minimum, sauf quand il s'agit de plonger dans des histoires beaucoup plus datées - avec des films de cape et d'épée par exemple).

La réalisation elle-même est soutenue par une très belle photographie, et le film, malgré un rythme plutôt pépère, se déroule sans ennui. On peut d'ailleurs s'étonner que Canet, qui avait mis en scène des séquences spectaculaires réussies dans Ne le le dis à personne, et disposant d'un budget confortable, n'ait pas été aussi inspiré avec des moments forts comme le braquage du convoi de fonds ou la poursuite finale. Mais peut-être, justement, a-t-il voulu déjouer les attentes, ou plus pragmatiquement n'a-t-il pas eu toute latitude pour faire plus...

Blood ties, porté par une bande son efficace (qui a aussi dû coûter de l'argent, en obtenant l'utilisation de classiques du rock et de la soul - on entend Cream, Sam Cooke, Little Richard, The Isley Brothers, Louis Prima, The Velvet Underground... Là encore, c'est très "scorsesien" ! - à côté de compositions originales de Yodelice), tire plus sa force de personnages archétypaux mais bien campés, formant un ensemble solidement agencé, que de l'originalité de son propos ou de sa forme.

En l'état, il s'agit donc presque davantage d'un exercice de style que d'une oeuvre personnelle : peut-être cela explique-t-il son échec critique et commercial, qu'on peut interpréter comme la rançon de la gloire pour un des enfants gâtés du cinéma français s'étant lui aussi brûlé les ailes en traversant l'océan... 

1 commentaire:

  1. Merci pour cette chronique, qui réveille en moi l'idée de voir le film.

    J'avais trouvé très réussi le film de Jacques Maillot et La Nuit nous appartient m'avait littéralement époustouflé (!) mais je suis passé à côté de ce remake, ayant dans l'idée que la répétition apporte rarement à un matériau de base, et ne prêtant pas même l'oeil au casting étonnant.

    Une question toutefois sur la musique : vous annoncez une partition de R. Hamburger (le fils de M. Berger), pour conclure sur une belle playlist "scorsesienne" que compléteraient des morceaux de Yodelice. Pourriez-vous rectifier ?

    Merci !
    un lecteur assidu et gourmand - bien que discret - de vos chroniques "bullistes", et pas mécontent de cette récente variété

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