mardi 9 février 2016

Critique 813 : ASTRID BROMURE, TOME 2 - COMMENT ATOMISER LES FANTÔMES, de Fabrice Parme


ASTRID BROMURE : COMMENT ATOMISER LES FANTÔMES est le deuxième tome de la série, écrit et dessiné par Fabrice Parme, publié en 2016 par les éditions Rue de Sèvres.
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L'institutrice à domicile d'Astrid Bromure démissionne et la mère de la fillette refuse de l'inscrire à l'école publique, indigne de son rang.
Mais Astrid a déjà pensé à une alternative et obtient, malgré des frais exorbitants, d'intégrer au pensionnat de Canterville.
La directrice, Mme Butterscotch, fait entrer Astrid dans la classe tenue par Mlle Poppyscoop qui, pour impressionner ses élèves, leur raconte que les fantômes des O'Flahertie et de leurs protégés hantent l'endroit. Astrid est impressionnée et négocie sa protection auprès des jumelles Gladys et Rebecca, deux fortes têtes qui ne pensent qu'à fuguer.
Astrid se distingue vite comme la première de sa classe, ce qui lui vaut successivement l'admiration et le mépris de ses camarades. Il faudra qu'elle commette une maladresse contre la directrice pour regagner leurs faveurs. Mais Mme Butterscotch décide de sévir collectivement, ce qui provoque une vraie mutinerie.
Les jours d'Astrid au pensionnat sont comptés. Mais en partira-t-elle seule ? Ou en compagnie des esprits de l'établissement ?

Après un premier tome enchanteur, Comment dézinguer la petite souris, Astrid Bromure revient pour une nouvelle aventure aussi excellente, peut-être même supérieure. Fabrice Parme a conservé le format court d'un récit de trente pages, qui est accessible aux lecteurs qui n'ont pas déjà été présentés à son héroïne, et ce mélange d'humour et de sophistication qui séduira petits et grands.

L'idée de départ est très prometteuse puisqu'il s'agit de déplacer Astrid : lorsqu'on connaît déjà la fillette, on devine tout le potentiel humoristique que cela suggère, après la trépidante chasse à la souris dans le huis-clos du luxueux appartement des Bromure. La voilà qui entre donc dans un trés chic pensionnat pour jeunes filles, mais l'endroit serait hanté, selon l'institutrice.

Parme joue et nous amuse avec l'ambiguïté de la situation car on ne sait pas si Astrid croit à la légende de Canterville à cause de son imagination ou si le lieu dit est effectivement peuplé de spectres - ne sont-ils pas troublants ces tableaux représentant des portraits des fondateurs du pensionnant qui semblent vous suivre du regard, voire même déborder de leurs cadres...

La figuration est fournie et l'auteur l'anime en soulignant bien la singularité d'Astrid par rapport aux autres fillettes dans une succession de scènes savoureuses où, le temps d'une page, elle est admirée puis jalousée avant de se ridiculiser (lors du cours de gym, en essayant de grimper à une corde). Par un mouvement de balancier tout aussi réjouissant, elle retourne la situation à son avantage, sans le chercher, en s'attirant les foudres de la directrice.

Reste que la petite héroïne n'est pas rassurée par ces histoires de spectres : elle se "paie" des gardes du corps avec les jumelles Gladys et Rebecca, qui se présentent comme des expertes "politiques". Voilà deux seconds rôles jubilatoires, qui confirment l'influence de Goscinny dans la mécanique scénaristique de Parme - Astrid Bromure est une cousine piquante en provenance des années folles du Petit Nicolas.

Ce qui épate toujours autant, c'est la précision d'orfèvre de l'auteur et qui se traduit par l'extrême rigueur de ses découpages : ses pages alternent des images aux décors fouillés et d'autres plus dépouillées, mais tout l'art de Parme réside dans la fluidité des enchaînements, ces compositions de miniatures, cette manière d'exploiter la mise en page (voir, en particulier, la merveilleuse page 25). On trouve ainsi de dix à vingt plans par pages !

Il s'offre même une référence irrésistible à cette "une" fameuse de "Charlie Hebdo" signée Cabu (le Prophète accablé déclarant : "c'est dur d'être aimé par des cons !") quand Astrid déplore, elle, que "c'est dur d'être aimée par des écervelées !"... Délectable.

Les personnages sont toujours campés avec une simplicité suprêmement élégante, un trait minimaliste mais incroyablement expressifs, avec d'impayables mimiques et une gestuelle très étudiée.

Tout cela confère à ce récit une dimension à la fois immédiatement efficace et étonnamment complexe, où il est question de croyance (selon laquelle croire aux êtres légendaires, c'est leur permettre d'exister), d'autorité (avec les parents d'Astrid - sa mère craintive, son père débonnaire - , la directrice rigide, l'institutrice rusée mais dépassée), de vie en communauté (avec la famille, les pensionnaires, les fantômes, et même les animaux puisqu'on retrouve un peu le chat, le chien et la souris d'Astrid).

Quelle merveille ! Souhaitons juste que cette pépite, taillée par un des talents les plus fins, trouve son public dans un marché surpeuplé : Astrid Bromure est une bande dessinée qui mérite d'être distinguée et préservée.

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