mercredi 6 janvier 2016

Critique 786 : RG, TOME 1 - RIYAD-SUR-SEINE, de Pierre Dragon et Frederik Peeters


RG : RIYAD-SUR-SEINE est le premier tome de la série, co-écrit par Pierre Dragon et Frederik Peeters et dessiné par Frederik Peeters, publié en 2007 par Gallimard.
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Pierre Dragon, membre des Renseignements Généraux, est chargé d'une mission a priori anodine mais qui peut, comme le suggère son supérieur hiérarchique, aboutir sur une affaire d'envergure. Il s'agit de surveiller un magasin de vêtements qui sert de couverture pour un obscur trafic dirigé par un certain Walid Abdo entre les Etats-Unis et la France à destination du Proche-Orient. 
Assisté par Cyril et Bernard, il met sur écoute Sinbad, le patron de la boutique, dont il finira par découvrir la liaison avec une flic des stupéfiants. L'endroit est bientôt contrôlée par la répression des fraudes car Pierre soupçonne des activités de contrefaçons vestimentaires. 
Mais la piste d'Abdo l'entraîne plus loin et il avertit le FBI via l'ambassade des Etats-Unis pour confronter leurs enquêtes à son sujet. L'emploi de limousines conduites par des libanais, possédant des titres de séjour provisoire en France, au service de riches saoudiens indique un dossier terroriste...

Edité dans la collection "Bayou" chez Gallimard, dirigée par Joann Sfar (qui signe une préface superflue, mais où il ne manque évidemment pas de préciser qu'il est à l'origine de ce projet... Le jour où Sfar arrêtera de la ramener, il fera encore plus chaud que l'été 2003 de cette histoire !), ce récit complet est le fruit de la rencontre entre un authentique agent des RG, Pierre Dragon, et le scénariste-dessinateur suisse Frederik Peeters. Un deuxième tome suivra (puis une Intégrale de cette mini-série).

Pierre Dragon est un sacré personnage comme l'indique sa biographie à la fin de l'album : né en 1965, il sert dans les commandos français au Tchad, puis entre dans la Police où il officie en uniforme à Paris. Puis il intègre successivement une brigade de jour et de nuit avant de rejoindre les Renseignements Généraux.

Cette bande dessinée nous fait donc partager son expérience professionnelle et le héros porte son nom et a son visage : cet aspect du projet rend l'objet troublant, avec une dimension documentaire qui déjoue d'emblée tous les clichés. Dans un flash-back, on découvre qu'il a eu la vocation grâce à un ami de son père qui lui avait expliqué, alors qu'il était encore gamin, qu'être flic "ce n'est pas juste jouer avec un gros pistolet" et à qui il avait répondu qu'il voulait "arrêter les méchants".

Le procédé narratif offre donc une immersion totale au lecteur qui a l'impression d'être constamment à côté de Pierre Dragon et d'assister à l'exercice de sa fonction d'agent du renseignement : un métier aux horaires impossibles (qui ont fait voler en éclats son couple, sa vie de famille, puisqu'il est divorcé), et très loin effectivement du côté spectaculaire qu'on pourrait imaginer (avec de longues heures en planque, de la paperasserie, des décisions politiques influant sur l'action du service). Ce qui peut risquer d'être rapidement ennuyeux est en fait passionnant, parfois drôle, souvent tendu, avec le croisement entre des manoeuvres très ordinaires sur le terrain et des recoupements aux conséquences d'envergure.

En même temps, la captation de ce quotidien est justement ce qui intéressa Frederik Peeters. Né en 1974 en Suisse, il a été révélé en 2001 avec le récit complet Pilules bleues, sacré meilleur album au festival d'Angoulême, puis a confirmé avec, notamment, la série Lupus (primée en 2007). Il dessine aussi pour la presse écrite en France et en Suisse (et prépare actuellement un western, L'Odeur des garçons affamés, écrit par Loo Hui Phang).

Peeters a, à l'évidence, été impressionné par Dragon qu'il représente comme un agent efficace, pugnace, au bagout incroyable : on pourra estimer que ce portrait est trop flatteur, les épisodes concernant son côté obscur (comme son passé de commando au Tchad - où il tue pour la première et unique fois un homme, à mains nues - , sa relation houleuse avec son ex-femme, le nouveau compagnon de celle-ci, sa paternité, ou sa liaison avec la laborantine allemande dans l'immeuble de laquelle il est en planque) sont peu fouillés. Mais le charisme du bonhomme est indéniable et le dossier dont il a la charge instruit le lecteur sur la complexité du financement des cellules terroristes au Proche-Orient. 

Visuellement, le style de Peeters est réaliste et documenté : les personnages sont dotés de physionomies crédibles, inspirés de leurs modèles, et les déplacements des agents dans Paris témoignent de recherches poussées sur les lieux. 

Le découpage est très classique, sans fantaisie, ce qui correspond à la volonté de cette BD-reportage. Mais parfois Peeters s'autorise quelques jolies trouvailles comme lorsque Dragon est montré enfant, intimidé (malgré son tempérament affirmé) devant les agents du FBI. 

La colorisation souligne de manière sobre les ambiances très diverses qui parcourent l'intrigue, avec une prime aux tonalités chaudes et des séquences nocturnes soignées. On s'y croirait là aussi, grâce à cela : la chaleur étouffante de l'été souligne le labeur ingrat de ces héros discrets.

Bien entendu, la bibliothèque municipale à laquelle j'ai emprunté ce livre n'a jamais jugé bon de se procurer le second tome de cette série. Il faut donc se contenter de cette aventure qui raconte heureusement une histoire complète.

1 commentaire:

  1. Dommage que tu n'aies pas pu lire le tome 2. Il est bien aussi même si l'ambiance est un poil différente (car se passant en hiver).
    J'ai chroniqué les 2 tomes pour le site Bruce Lit : lien vers l'article

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