mardi 22 décembre 2015

Critique 777 : OPERATION COMICS, de Alain Grand


OPERATION COMICS est un récit complet écrit et dessiné par Alain Grand, publié en 1991 par les Editions Milan.
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Norman S. Fields est un critique d'art redouté employé par le "London Observer", mais en ce mois de Septembre 1940, la capitale britannique est victime des bombardements de l'aviation de Hitler et se préoccupe peu des grands peintres classiques ou modernes, comme le lui rappelle Henry Fillmore, son rédacteur en chef.
Pourtant, Norman est conduit au siège du MI-5, le service de contre espionnage anglais, qui souhaite lui confier une mission importante. Un réseau de traîtres à la Couronne serait à l'oeuvre pour préparer une opération d'envergure et, pour communiquer entre eux, ses membres se serviraient de "Sweet Dolly", un comic-strip publié dans le "London Observer".
Davantage motivé par son dégoût pour la bande dessinée que par le patriotisme, Norman accepte le job. Il s'assure que le dessinateur du strip, Busby Bloudinguts, n'est pas un ennemi mais celui-ci se fait tuer et tout désigne Fields comme l'assassin.
Il prend la fuite tandis que, au même moment, le colonel Sanders est évincé et accusé de trahison par Sir Graham Rawley à la tête du MI-5.
Avec l'aide de la soeur d'un ami d'enfance, la belle rousse Susan Peddingface, Norman part à la fois à la recherche du frère de celle-ci, porté disparu avec son avion de la RAF en Ecosse, et sur la piste du réseau pour contrecarrer son action...

Voilà un de ces albums improbables, comme surgi de nulle part, comme on peut parfois en trouver dans les bacs d'une bibliothèque municipale. Il est évident que plus personne ne l'a lu depuis un moment (comme le confirme la fiche où est tamponné la date du retour de prêt), et pourtant c'est une lecture enthousiasmante.

Je ne sais pas ce qu'est devenu son auteur, même si je crois qu'il est encore actif et que j'ai appris qu'il était dentiste (!) avant de se consacrer à la bande dessinée au cours des années 80. Alain Grand prouve pourtant avec ce récit complet de 56 pages qu'il était bien inspiré pour cet hommage élégamment et gentiment parodique aux films d'espionnage et de guerre, se référençant aux longs métrages de la période anglaise de Alfred Hitchcock.

Le récit séduit par son rythme très soutenu et sa qualité narrative : la situation de départ est farfelu (un critique d'art jouant les espions...) et joliment assumé (...avec désinvolture mais zèle), les rebondissements sont parfois téléphonés mais divertissants. 

On est si bien baladé qu'il faut être attentif pour remarquer une étourderie étonnante du scénario quand, page 36, Susan révèle, via un courrier de l'armée, que son frère est porté disparu depuis Juin 1941 alors que, page 1, l'action a été située en Septembre 1940...

Ce ballet d'espions, d'échanges de coups de feu, de courses-poursuites, qui entraîne les héros et le lecteur de Londres jusqu'en Ecosse, s'amuse des clichés avec un héros qui traverse l'adversité avec un flegme amusant. Tout ça n'est pas sérieux, plein de dérision, mais réussit à nous faire vibrer, avec un vrai suspense. In fine, la réflexion ironique sur l'abêtissement des masses par les comics est savoureuse (même si un peu trop vite expédiée) au terme d'une BD qui est réalisé par un authentique amoureux de la discipline.

Le divertissement pourrait n'être qu'habile mais il est rehaussé par un dessin d'une maîtrise exemplaire : Alain Grand a des influences évidentes, son trait rond et souple, l'expressivité de ses personnages, leur classe rétro, les décors soignés, font penser l'école de la ligne claire avec le dynamisme des émules de celle de Marcinelle.

On songe souvent à Yves Chaland (Freddy Lombard) mais aussi à Serge Clerc, à Jijé aussi (dans sa forme non réaliste, façon Spirou ou Blondin et Cirage). C'est cependant suffisamment bien digéré pour ne pas être réduit à un exercice de style menacé par un aspect figé (comme ce que Floc'h ou Ted Benoît ont parfois produit, préférant l'illustration à l'art séquentiel).

Dans le (vaste) champ des bandes dessinées à (re)découvrir, cette Opération Comics figure en bonne place. Si d'aventure, comme moi, vous tombez dessus par hasard, laissez-vous tenter : ce divertissement à belle allure.  

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