vendredi 16 octobre 2015

Critique 728 : L'HOMME QUI N'AIMAIT PAS LES ARMES A FEU, TOME 2 - SUR LA PISTE DE MADISON, de Wilfrid Lupano et Paul Salomone


L'HOMME QUI N'AIMAIT PAS LES ARMES A FEU : SUR LA PISTE DE MADISON est le deuxième tome de la série, écrit par Wilfrid Lupano et dessiné par Paul Salomone, publié en 2013 par Delcourt. 
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Après avoir échappé à la mort, mais vu leur magot dérobé par le vieil indien, Byron Peck veille au chevet de Knut Hoggaard, dont le médecin reconnaît sur une poterie du navajo le Spider-Rock - l'endroit où il est certainement parti se cacher.
Six mois auparavant, Peck a gagné un procès pour la Pacific Electric Railway en obtenant l'expropriation de Wilson Cole dont la ferme se trouvait sur le tracé d'une future voie ferroviaire. Mis les enfants de ce dernier le tiennent pour responsable du suicide de leur père et jure d'avoir sa peau.
Lorsque Hoggaard vient frapper à sa porte, l'avocat le reçoit à contrecoeur, effrayé et seul depuis que son épouse Margot est partie en vacances chez la riche famille Warwick. Le danois veut que Peck examine des documents qu'il pense sans valeur, en particulier une correspondance d'un des aïeuls.
Mais Peck reconnaît l'auteur de ces lettres : ce n'est pas moins que James Madison, rédacteur de la Constitution américaine, qui y exprime ses réserves sur le droit pour tout citoyen à porter une arme à feu. L'avocat est convaincu qu'il peut alors faire annuler ce droit devant la Cour Suprême.
Margot, de retour chez son mari, y voit plutôt le moyen de s'enrichir facilement en monnayant ces documents auprès des marchands d'armes. Elle va alors s'employer à éliminer Byron puis Knut... Mais, comme on le sait depuis, ça n'a pas suffi.

Dédiant ce nouvel épisode à la National Riffle (le puissant lobby des armes aux Etats-Unis) qui soutint la candidature du républicain Mitt Romney (vaincu par le démocrate Barack Obama en 2012), Wilfrid Lupano agace toujours un peu avec cette volonté de faire un western à message - message lourdingue ("tuer, c'est mal" : on croirait entendre une Miss France). Le contraste est d'autant plus saisissant que L'homme qui n'aimait pas les armes à feu évolue dans un registre plus léger que le manifeste qu'aimerait en faire son auteur.

Passons.

Ce deuxième tome présente une construction différente du premier car il est développé autour d'un très long flash-back : Lupano, qui a joué sur le procédé du "Mac Guffin" en laissant planer le mystère sur la nature des documents volés par Margot de Garine, a décidé de révéler de quoi il s'agissait.

L'idée que le rédacteur de la Constitution américaine ait fait part de ses doutes sur le droit de chacun à posséder une arme à feu est savoureuse et donne une profondeur, même si elle est fictive, étonnante au récit : le cours de l'Histoire rattrape les péripéties du trio de protagonistes de la série. Le scénariste s'en sert aussi pour préciser la caractérisation de ses héros, où l'on découvre que Peck a d'abord été un avocat au service d'une puissante compagnie ferroviaire avant d'aspirer à défendre une plus noble cause (même s'il le fait moins par conviction que parce que les conséquences du procès qu'il a gagné lui ont inspiré son aversion pour les armes à feu - aversion toute relative puisqu'il les reprendra, ces armes, pour se venger). Hoggaard est aussi montré avant qu'il ne soit devenu une brute au langage limité également désireux de prendre sa revanche. En revanche, ce retour dans le passé confirme la vénalité de Margot, qui est, plus que jamais, la vedette de la série, une figure aux reliefs moraux aussi fascinants que ceux de sa plastique.

Malgré son aspect très explicatif, le scénario se déploie avec beaucoup de rythme et de fluidité, comme un crescendo, et au terme de ce tome 2, nous ramène au tandem Byron-Knut en route pour retrouver Margot, le viel indien (Tim Bishop semble abandonné à un sort moins favorable, mais je ne jurerai pas que Lupano en ait fini avec lui). La suite se déroulera à nouveau dans un territoire hostile au potentiel de dangerosité élevé, chez les navajos...

Paul Salomone nous apprend dans le cahier graphique en supplément avec la première édition de l'album sa méthode de travail et c'est instructif. On notera que l'artiste est un authentique perfectionniste, qui a besoin de préparer très minutieusement ses planches, en accumulant les recherches sur les personnages, les études pour les décors, les designs des costumes. C'est aussi lui qui détermine les couleurs, désormais appliquées par Simon Champelovier.

Salomone reçoit donc un script visiblement très détaillé à partir duquel il commence par tirer sur des post-it le schéma des pages en établissant le nombre de plans. Puis il effectue un pré-découpage sur ordinateur, qu'il affine en un storyboard. Viennent ensuite des crayonnés plus prononcés et l'encrage toujours numériques. Sur ce dernier point, ce tome 2 possède un trait parfois plus gras, mais le résultat n'est finalement pas plus abouti que le tracé fin du premier épisode : on sent bien que ce graphisme n'est pas purement manuel et manque donc de nuances.

Malgré de menues réserves encore une fois, ce titre confirme des qualités indéniables et fournit une lecture agréable. De quoi aborder le tome 3 avec confiance.
(Et toujours pour le plaisir des yeux, je poste le quatrième de couverture représentant la divinement perfide Margot dans un habit très élégant :) 

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