mercredi 6 mai 2015

Critique 609 : THOR 2, LE MONDE DES TENEBRES, de Alan Taylor

Avant une critique sur AVENGERS 2 : L'ÂGE D'ULTRON, j'ai revu le précédent "épisode" consacré à Thor pour réviser un peu.



THOR, LE MONDE DES TENEBRES est le deuxième fil adapté du comic-book Thor, publié par Marvel. 
Le film est réalisé par Alan Taylor, d'après un scénario écrit par Don Payne, Robert Rodat, Christopher Markus et Stephen McFeely
Le casting comprend Chris Hemsworth (Thor), Natalie Portman (Jane Foster), Tom Hiddleston (Loki), Anthony Hopkins (Odin), Christopher Eccleston (Malekith), Idris Elba (Heimdall), Ray Livingstone (Volstagg), Zachary Levi (Fandral), Tanadobu Asano (Hogun), Rene Russo (Frigga), Stellan Skarsgard (Erik Selving) et Kat Dennings (Darcy).
Le film est sorti en salles le 30 Octobre 2013 en France.
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Après les évènements survenus dans Avengers (la tentative d'invasion de la Terre par Loki et les extra-terrestres Chitauri), Thor pacifie les royaumes voisins d'Asgard (son monde d'origine) et Midgard (notre planète). 
Sur Terre, justement, depuis deux ans, la scientifique Jane Foster, éprise du dieu du tonnerre, l'attend tout en poursuivant ses recherches sur les liens existant entre les dimensions : elle découvre ainsi, accidentellement, la cache d'une très ancienne et puissante force, l'Ether, et déclenche sans le vouloir le réveil de l'elfe noir qui la déchaîna jadis, Malekith. 
Celui-ci entreprend alors de se venger des Asgardiens, responsables de son exil, et menace aussi les terriens...

Le premier film consacré à Thor, réalisé en 2011 par Kenneth Branagh, avait laissé sur leur faim nombre de fans de comics : en le revoyant récemment, j'ai pu confirmer cette impression tout en constatant deux points : 

- le premier est que le film n'était pas mal construit, il introduisait le héros, son univers, correctement, avec quelques révisions admissibles (surtout destinées à le relier aux autres productions cinéma Marvel et des éléments récurrents comme le SHIELD ou en redéfinissant certains personnages pour les moderniser - et contenter leurs interprétes -, comme Jane Foster promue astrophysicienne). 

- Le second est que le traitement manquait étrangement de ce pour quoi le studio avait fait appel à Kenneth Branagh : du souffle, une dimension épique, "Shakespearienne", avec en prime quelques bizarreries dans le casting (non pas dûes au talent des acteurs mais à leur apparence, comme Idris Elba, athlétique africain, ou Tanadobu Asana, fluet asiatique, pour incarner des dieux nordiques).

On attendait donc que cette suite corrige ces erreurs/faiblesses, tout en s'inscrivant dans ce qui est bien maintenant établie comme une continuité cinématographique, au carrefour de laquelle on trouve Avengers (où sont réunis les héros). Il ne s'agit aussi plus seulement de suites aux aventures solo des personnages, mais aussi aux Avengers, avec ce que cela induit d'ambition en termes de spectacle, de qualité narrative.

Pour résumer, on pourrait dire que Thor : Le monde des ténèbres (The dark world en v.o.) est un mélange assez curieux entre les univers du Seigneur des Anneaux (décor moyen-âgeux, références divines) et Star Wars (insertion d'éléments technologiques futuristes, ambiance sombre). C'est aussi une manière évidente pour Marvel Studios de coller au succès d'une série télé comme Games of throne, dont Alan Taylor est un des réalisateurs. Bref, il y a un opportunisme flagrant dans tout ça, mais en même temps les comics de super-héros sont eux-même des produits qui recyclent, transforment, récupèrent allègrement ce qui s'est fait avant eux ou en même temps qu'eux.


Un des axes majeurs du film repose sur les relations compliquées entre des binômes (une façon habile de découper la narration en faisant mine de s'occuper équitablement de beaucoup de personnages) : Thor et Loki (les Abel et Caïn de Marvel), Thor et Jane Foster (le couple improbable d'un dieu et d'une mortel, du fantastique et de la science), Loki et Frigga (le fils maudit et la mère compassionnelle), Thor et Odin (le fils élu et le père autoritaire), parmi d'autres. 

Un vaste réseau de loyautés, de menaces anciennes, de rivalités, de rédemptions, est à l'oeuvre : c'est beaucoup, avec beaucoup d'intervenants - c'est sans doute trop, comme si Marvel Studios voulait désormais répéter la formule gagnante d'Avengers en se concentrant moins sur un héros que sur une famille (réelle ou artificielle), un ensemble de personnages (dont certains sont inévitablement moins bien développés que d'autres). 

Cependant, la menace est bien mieux définie : avec les elfes noirs à la tête desquels se trouve le sinistre Malekith, joué par Chris Eccleston, qui fait ce qu'il peut avec un personnage au lourd maquillage blême mais qui paraît surtout engoncé dans son costume... Dommage car avec son physique, l'acteur aurait pu gagner quelques scènes), on a un méchant clairement et rapidement identifié. 
En revanche, ses motivations et ses actions manquent de relief, d'originalité (il veut se venger en plongeant l'univers dans le ténèbres, classique vu et revu), parle avec une grosse voix, au début dans un sabir sous-titré puis subitement compréhensible par tous dès qu'il a pénétré Asgard (!). A côté du fourbe et malin Loki, ce Malekith manque cruellement de charme, d'aspérités : il fait à peine peur, on sait dès le départ qu'il va échouer (mais ça, c'est le problème propre aux films de super-héros, où la défaite du champion est inconcevable. Toutefois un adversaire peut faire raisonnablement douter le public : là, à part quelques grenades, fusils et gros vaisseaux, rien de tel). Quant à son arme secrète, l'Ether, c'est une sorte de gadget passe-partout, passablement fumeux, que les scénaristes nous expliquent à deux reprises sans réussir à le rendre plus effrayant que le réalisateur et les responsables des effets spéciaux (une espèce de gelée ou de nuage, selon les cas, rouge). 
Mais, in fine, dans les désormais traditionnelles scènes post-génériques, on comprend quand même que cette essence a une place particulière et pourrait resservir prochainement, de manière plus efficace.

Le film est découpé en quatre parties assez distinctes pour qu'on remarque les coutures du scénario :

- dans un premier temps, très classique, on assiste à l'exposition (Thor pacifiant les royaumes, Jane Foster découvrant accidentellement la cache de l'Ether, le réveil de Malekith). Le rythme est soutenu mais les pions sont disposés clairement. On découvre mieux Asgard, la mélancolie sentimentale de Thor est finement traduite. 
En revanche, les scènes sur Terre tombent à plat et cassent le déroulement du récit, comme si elles étaient d'abord motivées par le besoin de donner une vraie place à Jane Foster (jouée par Natalie Portman, jolie comme un coeur mais dont le rôle de "demoiselle en détresse" est tout juste réhaussée par quelques gifles assénées aux dieux qui l'ont malmenée autrefois : le souci est que ses découvertes scientifiques se produisent d'une manière grossièrement providentielles, et pire encore, le scénario tente de susciter les rires avec Selvig (réduit à l'état d'excentrique, une conséquence d'Avengers) mais ces effets soi-disant humoristiques tombent misérablement à plat (et ce sera toujours le cas quand le film s'aventurera à répéter ces tentatives avec ce personnage ou d'autres). 
De même, on pressent que les trop nombreux seconds rôles vont alourdir la marche de l'histoire (Kat Dennings/Darcy et son assistant sont insupportables). Certains ont droit à leur "moment" (comme Rene Russo/Frigga, Zachary Levi/Fandral, Idris Elba/Heimdall) mais d'autres encombrent visiblement les auteurs, qui les dégagent comme ils peuvent du paysage (Jaimie Alexander/Sif, Ray Livingstone/Volstagg, ou Tanadobu Asano/Hogun).

- Dans un deuxième temps, une fois que le méchant a frappé, le film reprend des couleurs. Thor est obligé de demander l'aide de Loki, et cette idée donne un coup de fouet fabuleux à l'entreprise, d'abord grâce à la prestation de Tom Hiddleston, dont le charme, l'aisance, la jubilation, profitent à plein au personnage et l'histoire. Chris Hemsworth, comédien plus modeste dans ses effets et qui a l'intelligence de ne pas vouloir surjouer son rôle de héros-vedette, permet à son partenaire de briller et cela rejaillit sur l'intrigue toute entière. 
Un méchant sollicité pour vaincre le méchant à l'oeuvre, c'est une idée riche et maline, qui permet quelques coups de théâtre, mais aussi une certaine émotion quand Loki quitte la scène au terme d'une séquence spectaculaire.

- Dans un troisième temps, le film va en quelque sorte tomber dans un piège scénaristique qu'il se tendait à lui-même. Le récit tourne alors principalement autour du trio Thor-Jane Foster-Malekith, avec en ligne de mire l'affrontement attendu dans l'acte IV entre le héros et le vilain. 
Exit donc la (presque) totalité de la seconde ligne de personnages : ce n'est pas tellement gênant pour la grande majorité d'entre eux (qui, comme je l'ai dit plus haut, encombrait plus qu'autre chose), mais il en est un en particulier qu'on ne voit plus et qui aurait pourtant son mot à dire, je veux parler d'Odin. Le père de toutes choses est subitement bien discret alors que Malekith prépare son assaut final et que seul Thor va se dresser face à lui. Position injustifiée, inaction inexplicable, alors qu'Odin vient de subir des pertes importantes, y compris dans son entourage proche. Subséquemment, on s'interrogera aussi sur l'absence (totale celle-ci) du SHIELD dans le film alors qu'un elfe noir surpuissant fond sur Londres et que le nom de l'organisation a été maintes fois cité auparavant par des personnages secondaires : en lieu et place, on aura droit à deux dérisoires avions de chasse dans le ciel anglais (visiblement, les autorités britanniques ne s'inquiètent pas trop de voir débarquer un vaisseau géant et dévaster les rives de la Tamise).

- Enfin, dans un quatrième et dernier temps, on arrive au traditionnel duel entre le bon et le méchant. Si la bagarre proprement dite ne manque pas de puissance, avec deux adversaires qui se rendent coup pour coup, et dont le spectateur peut mesurer qu'ils ne sont pas un simple super-héros et un banal vilain mais bien des entités surhumaines, la mise en scène de leur combat est bizarrement court-circuitée par de nouvelles et incongrues scories pseudo-humoristiques (Jane Foster et Selvig utilisant un appareil qui téléporte les belligérants de royaume en royaume). Thor ayant envoyé à plusieurs reprises entretemps son marteau Mjolnir contre Malekith sans forcément avoir réussi à l'atteindre (car ils sont aspirés sur d'autres territoires), on s'y perd même entre les "fugues" des deux adversaires et les allées et venues du marteau (même s'il revient toujours dans la main de son propriétaire).

Comme souvent, on le voit en analysant le déroulement du scénario, le film pêche par un excès de petites choses insignifiantes, mais dont la somme occupe quand même trop de place : personnages inutiles dont personne ne sait quoi faire (mais qui sont utilisés parce qu'ils font partie du décor, ou maintenus et développés pour conserver un acteur), rebondissements accessoires (comme l'intrusion invasive de la science dans un récit où la magie suffit à tout justifier), mix d'éléments culturellement bizarres (l'armée de Malekith censée provenir d'un passé très lointain mais outillée avec un arsenal futuriste face à des Asgardiens au look de Vikings rutilants mais brandissant surtout des épées, des lances, des masses, des marteaux, plus rustiques même s'ils peuvent être enchantés)... De l'art de faire compliqué avec une matière pourtant simple à l'origine.

C'est quand il abandonne, même provisoirement, tout ce qui l'alourdit que Thor : le monde des ténèbres est au meilleur (l'évasion de Loki - avec ses apparitions de guests amusantes -, les face-à-face entre Thor et Malekith...), principalement en fait quand il se concentre sur l'action brute et les scènes d'émotion avec un casting réduit et ce qu'il faut de spectacle avant ou après. On voit bien alors qu'il n'est nul besoin de nous expliquer deux fois ce qu'est et d'où vient et ce que peut faire l'Ether, bref qu'il est inutile de souligner ce qui est évident et de différer ce pour quoi le film est conçu (une bonne baston mythologique enrobée d'un peu de romance et d'histoires de famille).

Où situer cet opus dans la collection désormais consistante des productions Marvel ? C'est un peu tôt pour le dire, même si l'énergie que le film dégage est agréable. Comme Iron Man 3, plus tôt cette année, c'est un bon cru en tout cas.
ET il faut bien rester jusqu'à la fin puisqu'il n'y a pas une mais deux scènes post-génériques : la première tease de façon sommaire (et sans doute cryptique pour les non-connaisseurs) le futur film Guardians of the Galaxy, la seconde est plus un clin d'oeil à la manière de ce qu'on a eu à la fin d'IM 3.

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