lundi 30 mars 2015

Critique 594 : NEXUS OMNIBUS, VOLUME 4, de Mike Baron, Steve Rude et Paul Smith


NEXUS OMNIBUS : VOLUME 4 rassemble les épisodes 40 à 52 et le premier de The Next Nexus de la série créée et écrite par Mike Baron, publiés initialement en 1988-1989 par First Comics puis réédités dans cet album par Dark Horse Comics en 2013. Les dessins sont signés par Steve Rude (#40-42, 45-48, 50, et The Next Nexus #1) et Paul Smith (#43-44, 49, 51-52).
Il faut, bien sûr, avoir lu les trois précédents volumes (disponibles dans la même collection Omnibus chez le même éditeur) pour comprendre les histoires de celui-ci.
*

Horatio Hellop alias Nexus continue à exécuter des criminels dans toute la galaxie ainsi que le lui commande le Merk, l'entité qui lui a donné ses pouvoirs, mais cette tâche ingrate, qui lui fait perdre le sommeil, rogne sur sa vie privée et sociale, lui pèse de plus en plus au point qu'il songe désormais à démissionner.
Néanmoins, avant cela, une mission importante requiert toute son attention : suite la défaillance du dispositif Gravity Well, mis au point par le Général Loomis (qui a été précédemment abattu par Nexus), et qui peut créer artificiellement des trous noirs, la voie lactée est menacée de disparition. La seule solution pour empêcher cette catastrophe: obtenir l'aide d'Ashram, un extra-terrestre suffisamment puissant pour contrecarrer la machine. Mais pour cela, il faut retourner sur le Bowl-Shaped World, désormais aux mains du mégalomane Sklar, qui a placé Ashram en détention.
Nexus s'y résout en étant accompagné de son fidèle ami, Judah Maccabee, et de l'incontrôlable Norbert Syles alias Badger, tous deux comme lui familiers de l'endroit. Dans ce contexte de fin du monde, Mezzrow et son groupe de rock entreprennent une tournée cosmique afin de rassurer les populations.
Cependant, les trois filles du général Loomis - Stacy, Lonnie et Michanna (la benjamine, qui a réussi à entrer en contact télépathique avec le Merk, afin qu'il les investisse de pouvoirs similaires à Nexus) - organisent leur vengeance contre le bourreau protecteur d'Ylum. Cette lune est traversée par des tensions à cause des élections présidentielles imminentes, qui oppose leur dirigeant Tyrone (qui a réussi à sécuriser l'endroit) à Vooper (l'homme de paille du conseiller Swerdlow)... Et à Sundra Peale (la fiancée de Horation Hellpop, soutenu par Dave, autre proche de Nexus et père de Judah Maccabee) !
Enfin, Ursula XX Imada, mère des deux filles de Nexus (Sheena et Scarlett, qui ont hérité de quelques-uns des pouvoirs de leur père), doit se préparer, elle aussi, à l'avenir, sur les plans parental et politique...

Bien que j'avais fait l'acquisition de ce 4ème Omnibus de Nexus depuis un bout de temps, je n'ai pris le temps que de le lire ces derniers jours : une autre conséquence de ma lassitude des récits super-héroïques depuis quelques mois. Je l'ai donc ouvert sans grande conviction, comme pour me débarrasser d'un devoir trop longtemps reporté... Avant d'être à nouveau happé par ce feuilleton !
Le plaisir était aussi certainement dû au fait que je ne pouvais trouver une bande dessinée plus différente que Les Tours de Bois-Maury, dans laquelle je suis actuellement plongé : quoi de mieux en effet que des aventures futuristes au fin fond de l'univers pour ponctuer avec une saga au Moyen-Âge ?  
  
Les premiers épisodes de ce tome sont classiques, dans la plus pure tradition de la série, avec des missions remplies par Nexus, mais l'efficacité avec laquelle Mike Baron les écrit prouve à quel point la qualité demeure au rendez-vous, surtout que le scénariste trouve encore des cas passionnants à régler pour son bourreau galactique (une possession, une collection de cibles qui veulent toutes s'éliminer) : à chaque fois, on a affaire à bien plus que des meurtriers de masse sanguinaires, et leur exécution soulève des interrogations troublantes aussi bien pour le héros que pour le lecteur - la première restant les critères, toujours mystérieux mais sommatoires, de Merk, le commanditaire de Nexus, pour désigner les coupables (ils le sont à chaque fois, mais parfois à leur corps défendant).

Après cette (re)mise en route, Mike Baron développe à nouveau tout ce qu'il a patiemment mis en place dans les volumes précédents, et comme les sous-intrigues sont innombrables, ce ne sont pas les dossiers en attente qui manquent. Tout gravite plus ou moins directement autour de Nexus, et si, quelquefois, on a pu, par le passé, ressentir un ralentissement certain du rythme avec lequel tout cela était traité, cette fois, tout prend de la vitesse pour culminer avec le double 50ème épisode.

La menace centrale concerne le trou noir et le dispositif du Gravity Well, que l'exécution de son concepteur, le général Loomis, n'a pas réglé. La solution entraîne Horatio Hellpop sur un monde délirant, déjà visité auparavant, avec les renforts de Judah Maccabee et du loufoque Badger (un pitre qui a une double utilité : celle de secourir ses deux partenaires à un moment compromis mais aussi celle d'injecter une dose d'humour dans une situation désespérée). C'est l'aboutissement d'une histoire ayant couru sur une vingtaine d'épisodes et la résolution est satisfaisante, avec une dimension spectaculaire exceptionnelle et des débouchés inattendus pour un comic-book super-héroïque (au terme de ce périple, Nexus fait le choix de quitter ses fonctions, ce qui signifie évidemment de futurs problèmes pour lui).

Durant la partie, importante aussi bien en termes de contenu que de volume, se déroulant sur le Bowl-Shaped World, Baron s'amuse à mixer des éléments empruntés à plusieurs autres genres avec sa saga spatiale : on y trouve des pirates, des monstres, un navire comme aurait pu en imaginer Jules Verne, de la comédie, de l'aventure, et beaucoup d'action, sans que, jamais, la caractérisation ne soit sacrifiée. Là encore, le tonus avec lequel le récit est conduit est vivifiant, sans jamais sombrer dans un prêchi-prêcha pseudo-philosophique, mais en assumant simplement son rôle de divertissement (scénaristes et editors de Marvel comme DC pourraient relire ces épisodes et s'en inspirer pour leurs events, autrement plus pompeux !).

Pour ponctuer tout cela, Baron rappelle au lecteur que la vie ne s'arrête pas même quand l'univers risque de disparaître dans un trou noir : des ponctuations légères (comme la tournée du groupe de rock de Mezzrow) ou plus graves (comme la progression de la vengeance des filles Loomis) alternent avec le voyage de Nexus, Judah et Badger, tandis que sur Ylum se préparent les élections, que le garde du corps quatro Kredd (et son comparse, ex-assassin gucci, Sinclair) continue d'être traqué pour le massacre commis sur Mars et finit par en assumer la responsabilité devant la justice, ou encore que Ursula (la mère des enfants de Nexus) manoeuvre pour son avenir politique tout en devant s'acquitter de ses devoirs de parent (avec deux filles aux facultés bien spéciales). Tout cela procure à la série une richesse dramatique incroyable et une densité narrative rare, qui la privent de tout temps mort. 

Visuellement, on peut affirmer sans hésitation que ce 4ème volume est le plus beau et le plus impressionnant de la collection.

Dans les deux premiers épisodes de l'album, Steve Rude change sensiblement son style pour l'épurer de manière somptueuse (inspiré par ses échanges, musclés, avec Alex Toth, qui n'hésita pas à le bousculer quand il lui soumit des planches de Jonny Quest - un test pour un artiste à l'ego affirmé comme le "Dude" mais aussi pour le fan qu'il reste des grands maîtres des comics de l'âge d'argent). Il est très probable en tout cas que des dessinateurs comme Chris Samnee, Ron Salas, Tonci Zonjic, David Aja, entre autres, aient lu ces chapitres tant on y trouve une matière similaire à ce qu'ils ont développer (en s'appuyant sur des références communes avec Rude, comme Noel Sickles, Milton Caniff, Hugo Pratt).

Ensuite, le trait retrouve son modelé si reconnaissable, avec des finitions élégantes et fournies, notamment dans la représentation des décors et véhicules mais aussi le design des vêtements. Rude compose une esthétique à la fois rétro et futuristes dans des images aux compositions souvent acrobatiques mais impeccablement maîtrisées, avec des personnages séduisants (quand ils sont d'apparence humaine), souriants, et des seconds rôles aux physionomies aussi délirantes que variées (dans ce domaine, l'artiste semble d'une imagination sans limites).

Le charme de la série doit énormément à la contribution de Rude, qui bonifie les scripts de Baron (même si les deux hommes, aux caractères bien trempés, se fâchent et se réconcilient régulièrement : conflits imparables pour des partenaires aussi exigeants l'un que l'autre ?). La narration est dopée par un sens de l'image à la fois suranné et aux références parfaitement digérées, avec une technique d'une propreté et d'une solidité peu communes (Rude démontrant aussi un talent de peintre évident comme en témoignent ses couvertures).   

Pour les plus attentifs, Rude glisse même, dans le 50ème épisode (qu'il encre aussi lui-même, comme The Next Nexus #1), des caméos comme Magnus the robot fighter (la création de Russ Manning, son idole), le capitaine Kirk et Mr Spock (de Star Trek), ou Jan, Jayce et Blip (issus de Space Ghost, d'Alex Toth) !

Evidemment, un résultat graphique aussi poussé oblige régulièrement Rude à recourir à un remplaçant et si, par le passé, ses suppléants ont été inégaux, cette fois, plus de souci puisque c'est le seul Paul Smith qui assure l'intérim sur les 5 épisodes restants (parfois encrés par John Nyberg, le collaborateur de Rude). Artiste trop rare, il effectue des prestations remarquables, respectant la charte graphique de la série tout en ne déguisant pas son style, plus rond, moins fouillé, mais d'un raffinement exquis.

Ce 4ème Omnibus est donc une réussite. Pourtant je vais en rester là car, même si j'aurai aimé, par exemple, connaître le dénouement de quelque subplot (celui impliquant les filles Loomis), les deux prochains volumes (qui terminent les rééditions de la série originale) voient Steve Rude s'absenter de plus en plus (seulement 6 épisodes dans le tome 5, et plus aucun dans le 6ème et dernier).
Néanmoins, je ne saurai, une fois de plus, que chaudement conseiller à tous la lecture de cette collection, disponible à prix très abordables (en neuf comme en occasion) compte tenu de la quantité d'épisodes pour chaque album et de la qualité de ceux-ci. Nexus est une série formidable, réalisé par un tandem artistique de haute volée, une découverte jubilatoire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire