mardi 20 janvier 2015

Critique 560 : WONDER WOMAN, VOLUME 4 - WAR, de Brian Azzarello, Cliff Chiang, Goran Sudzuka et Tony Akins


WONDER WOMAN : WAR rassemble les épisodes 19 à 23 de la série, écrits par Brian Azzarello et dessinés par Cliff Chiang (# 21-23) et Goran Sudzuka (# 19 avec Tony Akins et l'intégralité du # 20), publiés en 2013 par DC Comics.
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Sur une terrasse de building avec piscine (figurant le mont Olympe), Apollon parlemente avec Dionysos et Artémis sur son règne et les menaces qui le mettent en péril : en effet, il n'arrive pas à mesurer le danger réel que représente Wonder Woman et il est inquiet à propos d'une vieille prophétie annonçant que le dernier fils de Zeus (Zeke, enfanté par la mortelle Zola, amie de l'amazone) éliminera celui qui l'empêchera d'accéder au trône.
Cependant, à Londres, le groupe uni autour de Diana dresse un bilan de la situation (qui est complexe) : Orion, Héra, Lennox et Arés ont tous un point de vue différent au sujet du fils de Zola et Zeus mais aussi à propos de la conduite à tenir face à Apollon et ses alliés.
Enfin, le Premier Né affronte Poséidon qui détient son épée, sous le regard de Cassandre.

Ces nouveaux épisodes concluent la deuxième "saison" de la série telle qu'elle a été relancée par DC Comics et confiée aux bons soins de Brian Azzarello, qui en a tiré une version à la fois inattendue et percutante. C'est, comme pour son héroïne, l'heure de faire le point.

Pour les bons points, on peut dire que le scénariste et son dessinateur en chef, Cliff Chiang, ont réussi à redonner du lustre à un personnage qui n'avait pas eu droit à de tels égards depuis fort longtemps : Wonder Woman est redevenue une héroïne singulière, attractive, dans une production  divertissante et adulte, commercialement gagnante. Chiang, notamment, a su re-créer visuellement Diana en la relookant de manière sobre et efficace. Azzarello a modifié sensiblement des points concernant ses origines, ses pouvoirs, en l'intégrant à un vaste tableau où se mêlent les figures revisitées du panthéon grec mais aussi du Jack Kirby's Fourth World avec le retour des New Gods. A eux deux, ils ont tiré le meilleur de cette réinvention pour proposer une série qui en définitive se démarque nettement du lot commun des super-héros pour se diriger vers un fantastique baroque.

Dans le recueil précédent, Azzarello et Chiang sont parvenus au coeur de l'entreprise - la succession de Zeus sur le trône de l'Olympe sur fond de complots entre différentes factions de dieux convoitant la place du patron. Pourtant, la lecture des derniers chapitres aboutissait à un sentiment brouillon, parasité par un casting trop abondant, des lignes narratives confuses : la série allait s'en relever et savoir négocier la suite avec le même brio qu'au début de sa relance ?

Premier constat : ce recueil renoue avec un certain swing décapant comme aux premiers jours, c'est un "page-turner" très efficace.

Azzarello paraît résolu à faire le tri, ou du moins à être plus lisible, plus clair : la lutte de pouvoir est mise en avant et les belligérants sont facilement identifiables, avec des motivations qui sont plus nettes. C'est une bataille disputée mais passionnante, même si l'affrontement entre le Premier Né et Poséidon (qui perdu de sa superbe) puis celui où Apollon charge Artémis de régler son compte à Wonder Woman au lieu de le faire lui-même, après avoir assuré quelque temps auparavant qu'il n'en ferait qu'une bouchée, manque de conviction. On a alors l'appréhension qu'Azzarello ne se  contente que d'honorer le minimum syndical en matière d'action (alors que c'est un auteur réputé pour ses comics violents).

Mais il semble surtout que cela soit une manoeuvre, assez habile convenons-en, pour souligner le niveau de puissance du Premier Né et le degré de résistance de Wonder Woman. A priori le duel entre ces deux-là ne laisse guère de place au suspense tant le premier est supérieur mais cette idée que l'héroïne puisse être réellement, de façon crédible, vaincue offre une vision pour le moins dérangeante et donc accrocheuse.

A partir de là, il faut que le scénariste s'y entende pour convaincre le lecteur que Diana ne pourra venir à bout de cet adversaire redoutable qu'en usant de ruse et d'intelligence, avec le renfort de ses amis (même si, dans l'affaire, les actions d'Arès manquent quelque peu de panache)... Et il faut bien admettre que ce qu'Azzarello a retrouvé en rythme, il l'a perdu en intensité. D'où cette persistante faiblesse à passionner le lecteur car la psychologie des personnages n'a jamais été suffisamment développée pour contrebalancer l'action classique.

L'autre souci, c'est que la qualité graphique qui faisait merveille auparavant est en décalage avec l'évolution de l'intrigue. Les styles similaires dans l'élégance d'artistes comme Chiang et Goran Sudzuka (qui a en quelque sorte pris la place de doublure officielle tenue jusqu'alors par Tony Akins, même si celui-ci réalise encore quelques planches) ne convient guère à une bande dessinée qui misent sur des confrontations physiques. 

Demeurent des ambiances, des décors, des designs très originaux, mais il manque du punch et de variété dans l'exercice si spécifique des combats de comics super-héroïques, avec des ennemis qui se balancent des coups, atterrissent plusieurs mètres plus loin, se relèvent et repartent à l'assaut.

Malgré ces réserves, il y a quand même un mieux notable avec le précédent album, en particulier dans les scènes intermédiaires : Wonder Woman administre à Orion une réplique bien sentie sur son comportement machiste d'une manière surprenante, Cassandre révèle la raison de son conflit avec Lennox et cela est pertinent pour qui sera capable de resituer le personnage dans la mythologie. Une source de jubilation pour les fans de Kirby et de son Quatrième Monde correspond à l'usage du "boom tube" dans une séquence visuellement mémorable. Et la fin du 23ème épisode est très impressionnante tout en étant graphiquement dans la retenue, avec un découpage magnifique.

Il est clair que la série, qui avait démarré formidablement, connaît une stagnation, voire une régression ;  ses auteurs, engagés dans un récit très dynamique, préférant toujours l'intrigue à ses acteurs (parfois réduits à des sujets sans substance, à l'image de Zeke, un bébé qui traverse les batailles les plus acharnées sans que ses protecteurs semblent s'en préoccuper outre mesure). Visuellement aussi, les partis pris du début ne sont plus aussi convaincants, malgré une esthétique toujours séduisante mais avec une sérieuse carence dans le punch.

Tout cela finit par former un ensemble bancal, avec des personnages desquelles on se détache. Dommage, même si un sursaut n'est pas exclu car l'équipe artistique ne manque pas d'atouts. Reste à savoir si elle saura faire les bons choix pour redresser la barre...

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