lundi 15 décembre 2014

Critique 542 : WONDER WOMAN, VOLUME 1 - BLOOD, de Brian Azzarello, Cliff Chiang et Tony Akins


WONDER WOMAN : BLOOD rassemble les épisodes 1 à 6 de la série, écrits par Brian Azzarello et dessinés par Cliff Chiang (#1-4) et Tony Akins (#5-6), publiés en 2011 par DC Comics.
Cette nouvelle série s'inscrit dans le reboot des titres édités par DC Comics sous le nom de "New 52", conçu pour permettre aux lecteurs un nouvel accès aux séries.
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Dans la région de la Virginie, une femme avec un manteau de plumes de paon tue un cheval avec une faux : des entrailles de l'animal sont extraits deux centaures. Ces créatures attaquent la ferme voisine où un homme aux chevilles, le dieu Hermès, conseille à Zola, une jeune femme enceinte, de fuir. Grâce à la clef qu'il lui tend, elle est téléportée à Londres dans la chambre à coucher de Diana alias Wonder Woman. Elle se réveille et repart aider Hermès contre les centaure, une autre jeune femme. Cette dernière revêt son habit de Wonder Woman et repart grâce à la clef et avec Zola pour combattre les centaures. C'est le début d'un imbroglio dont l'enfant qu'attend Zola est l'enjeu : il est en effet l'héritier de Zeus, le père des dieux, dont le panthéon et sans nouvelles, ce qui va attiser les convoitises pour le remplacer...

Dans le cadre de l'opération dite "New 52", DC Comics a opéré une refonte en profondeur de la quasi-totalité de ses séries à la suite de la mini-série événementielle Flashpoint, écrite par Geoff Johns. 
C'est au scénariste Brian Azzarello qu'est revenu la mission de réécrire le personnage de Wonder Woman en repartant de zéro et le moins qu'on puisse dire est qu'il a proposé une version audacieuse de cette héroïne. 

D'abord, il faut souligner l'efficacité de l'histoire : elle se lit vite mais possède une réelle densité, ce qui procure au lecteur le sentiment d'avoir affaire à un projet bien élaboré, bâti sur des fondations solides, avec un vrai point de vue. 

Ensuite, Azzarello inclut dans sa narration des effets inattendus, en particulier horrifiques, ce qui donne un aspect proche des comics indépendants à cette production "mainstream". Pourtant, par la grâce des graphismes successifs de Cliff Chiang (# 1-4) et Tony Akins (# 5-6), cela ne sombre jamais dans une représentation complaisante de la violence et de ses détails sanguinolents : il en résulte même une étrange poésie. Ces deux artistes possèdent en effet un style plutôt réaliste mais avec une simplicité dans le trait qui ôte aux images toute vulgarité, ainsi dessinées ces compositions sont plus facilement visibles, tolérables, échappant aux simples clichés du "gore".

Enfin, Azzarello prend soin de distiller les révélations sur Diana d'épisode en épisode, de manière fluide, parfaitement assimilable. Tout est inscrit dans l'action, on ne s'arrête pas pour assister à l'exposition des psychologies et des origines des protagonistes, tout est intégré : le lecteur découvre donc progressivement qui est qui, d'où il vient, son rôle dans une intrigue construite pour le long terme. 
Le scénario reste cependant fidèle aux bases de son héroïne mais en les redéfinissant subtilement : on retrouve donc la communauté des amazones sur une île isolée mais liée au panthéon des dieux grecs. C'est l'apport essentiel d'Azzarello à la série.

Pour appuyer cette originalité, Cliff Chiang a aussi réalisé les designs de ces dieux en leur donnant des apparences très originales, ce qui éloigne là aussi le titre des standards esthétiques des récits super-héroïques. 

Tout cela apporte à la série une tonalité unique, qui la démarque de sa précédente version (initiée par George Pérez) et du tout-venant des comics publiés par DC ou Marvel

Comme relevé plus haut, la prestation de Cliff Chiang compte considérablement dans la singularité de cette nouvelle version, en faisant une des plus atypiques de tout le "reboot" de l'éditeur. 
Par exemple, il a opté pour une Wonder Woman au look très étudié, en conservant des aspects familiers (et certainement imposés par DC) comme le maillot de bain une-pièce ou les étoiles sur la culotte et l'aigle stylisé du bustier. Mais il lui a rajouté des bottes à talons hauts, légèrement augmenté la taille de ses bracelets, plus un collier et un bracelet au biceps gauche. 
Il dote Diana d'une morphologie  athlétique mais qui n'en fait pas une simili-top model trop sexy, aux formes trop suggestives. Tout cela aboutit à une héroïne plus crédible qu'à l'accoutumée, plus sérieuse, plus grave. 

Ses pages sont simplement découpées, avec parfois quelques audaces (comme la double-page ci-dessus). Tony Akins reste dans cette ligne, même si son trait n'a pas la même élégance que Chiang (mais la série est obligée de recourir à un "fill-in artist" car le titulaire du poste ne peut assurer une cadence mensuelle).

De l'autre côté, Azzarello a évité tout le prêchi-prêcha pacifiste associé à l'héroïne, préférant en donner une interprétation nettement plus offensive, à la fois dans la confrontation physique mais aussi dans le tempérament.

Brian Azzarello et Cliff Chiang ont procédé à un lifting courageux et tonique du personnage en n'en conservant que le strict nécessaire. Pour le reste, le fan de longue date comme le nouveau venu auront tout le loisir d'apprécier ce regard neuf sur une héroïne qui a rarement été traitée avec autant de vigueur.

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