lundi 10 novembre 2014

Critique 524 : UNCANNY AVENGERS, VOLUME 1 - THE RED SHADOW, de Rick Remender, John Cassaday et Olivier Coipel


UNCANNY AVENGERS : THE RED SHADOW rassemble les épisodes 1 à 5 de la série, écrits par Rick Remender et dessinés par John Cassaday (#1-4) et Olivier Coipel (#5), publiés en 2012-2013 par Marvel Comics.
Cette série découle directement de la saga Avengers vs X-Men, à l'issue de laquelle est mort le professeur Charles Xavier à cause de la possession par la force Phénix de Cyclope, qui a causée un affrontement puis une réconciliation entre super-héros et mutants. Il n'est pas nécessaire d'avoir lu cette histoire pour comprendre cette nouvelle série car la situation est suffisamment bien résumée au début pour apprécier la suite.
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(Extrait d'Uncanny Avengers #1.
Textes de Rick Remender, dessins de John Cassaday.)

- The Red Shadow (#1-4.  Dessins de John Cassaday.) Cependant, à l'école Charles Xavier, Wolverine prononce un discours en hommage au professeur qui a été son mentor et le défenseur de l'intégration mutante. De son côté, Havok (Alex Summers) rend visite à sont frère, Cyclope (Scott Summers), incarcéré pour le meurtre du Pr X. A l'extérieur l'attendent Captain America et Thor qui lui offrent la direction d'une unité pro-active des Avengers qui accueillerait des mutants en son sein afin d'envoyer un signal clair à la population humaine de la bonne entente entre tous les super-héros, quelle que soit leur nature.
Ce nouveau groupe, auquel se joignent Scarlet Witch (Wanda Maximoff) et Rogue (Anna-Marie), qui se détestent (la seconde reprochant encore à la première son rôle dans les évènements d'House of M, ayant abouti à une décimation presque totale des mutants), puis Wolverine, ne tarde pas à être sollicité lorsque le vilain Avalanche, un ancien de la Confrérie des mauvais mutants, cause en ville de gros dégâts comme sous l'emprise de la folie. 
Une faction, dite des S-Men (Goat-faced Gril, Dancing Water, Insect, Mzee, Honest John la propagande vivante, Living Wind, et Dangerous Djinn), entre en scène de son côté et enlèvent Scarlet Witch dont Crâne Rouge veut se servir pour réveiller les tensions entre mutants et humains. Le nazi dispose en outre désormais des pouvoirs mentaux de Charles Xavier dont il a volé le cadavre et sur lequel il a opéré une trépanation...
(Extrait de Uncanny Avengers # 5.
Textes de Rick Remender, dessins de Olivier Coipel.)

- Let the good times roll (# 5. Dessins d'Olivier Coipel.) - Après leur première bataille, au terme de laquelle ils n'ont pu empêcher la fuite de Crâne Rouge, les Uncanny Avengers annoncent publiquement la création de leur composition, avec les renforts de la Guêpe, Wonder Man et Sunfire. Le moissonneur (frère maléfique) de Wonder Man, s'invite à la conférence de presse et sème le trouble...

Après m'être éloigné quelque temps des comics super-héroïques, j'y goûte à nouveau, mais en quantité modérée et avec l'envie d'aller vers des séries différentes de celles que je lisais auparavant. Toutefois, en ce qui concerne les Uncanny Avengers, il serait plus juste de dire que j'y reviens après une première approche en demi-teinte. J'avais en effet lu ce premier arc et quelques épisodes du suivant puis lâché l'affaire pour me concentrer sur d'autres productions à l'époque (notamment les All-New X-Men de Brian Bendis) et parce que je n'avais pas adhéré au projet de Rick Remender et Marvel. Alors que j'avais mis en vente sur un site spécialisé mes revues "Uncanny Avengers", je m'y suis replongé et, cette fois, j'ai été accroché par l'histoire, au point d'en relire les premiers chapitres puis d'acquérir la suite.
Pourtant il y a - et il demeure - des éléments qui ne me convainquent pas complètement dans ce titre. D'abord, même si ce n'est pas un aspect auquel que je suis très sensible, la conception même de la série dont la visée est une des plus bassement mercantiles de son éditeur. On a beaucoup reproché en son temps à Bendis d'avoir associer des héros comme Spider-Man et Wolverine (puis d'autres, moins emblématiques, comme Luke Cage, Iron Fist, Dr Strange...) aux New Avengers. Mais on ne saurait être, en toute logique, plus indulgent avec cette nouvelle équipe dont le nom attache l'adjectif Uncanny, lié depuis toujours aux X-Men, à celui des Avengers, qui n'en sont plus à une incarnation près depuis le triomphe de leurs aventures au cinéma.

Ensuite, la lecture du premier épisode a provoqué chez moi un vrai malaise, comme j'en ai rarement éprouvé, avec une page finale d'un mauvais goût absolu (je ne spoilerai pas grand-monde en révélant qu'on y découvre Crâne Rouge brandissant le cerveau de Charles Xavier pour en acquérir les pouvoirs télépathiques). Je ne suis pas particulièrement sensible, comme tout lecteur de comics super-héroïques (et d'autres genres) j'ai vu beaucoup de scènes ultra-violentes, plus ou moins justifiées, bien ou mal écrites et dessinées, mais peut-être qu'avec l'âge ce type de mise en scène me fait davantage grimacer car je les trouve inutilement grossières, juste là pour choquer le chaland.

Malgré ça, Rick Remender avance, à l'évidence, avec une idée au long cours, un vrai feuilleton en tête, qui se montre suffisamment intrigant et accrocheur pour donner l'envie de rester lire la suite. On pourrait presque se contenter de commenter son style de narration pour mesurer son attractivité car Remender est une sorte de néo-classique, avec une connaissance aiguisée de l'univers Marvel et un goût prononcé pour les récits à rallonge riche en rebondissements, dont les conséquences marquent profondément (aussi bien physiquement que psychologiquement) ses héros. Sa méthode pour traiter de ces impacts n'est pas des plus subtiles, comme en témoigne la scène précité avec la trépanation de Xavier par Crâne Rouge ou les prises de bec entre Scarlet Witch et Rogue, mais disons que cela a l'avantage de bien camper les relations entre les personnages avant de passer au coeur du sujet.
Ce que le scénariste réussit bien mieux, c'est décrire des héros ravagés par les évènements récents qui les ont opposés : on y trouve par exemple un Logan atteint par les morts de proches (son fils, qu'il a dû lui-même tuer, Xavier), et Wolverine gagne en nuance. Mais plus généralement, Avengers vs X-Men a, semble-t-il, pour Remender, sérieusement interrogé les deux camps de héros tout en ne résolvant pas tout. 
Qu'il s'agisse du dialogue entre les frères Summers, chacun avec des positions légitimes, ou de la proposition louable de Captain America, sans occulter ensuite sa difficulté à céder le leadership de l'équipe à Havok,  il y a là quelque vrais bons moments, inspirés, subtilement écrits.  
Bon, après, comme dans le souvenir que j'en gardai, ce premier arc n'est pas très bon, d'un niveau dramaturgique étonnamment faible pour ouvrir une série qui était annoncée comme le titre-phare du grand relaunch Marvel (avec son jeu de chaises musicales où toutes les séries importantes ont eu de nouvelles équipes artistiques). On a à l'époque beaucoup causé, dans les forums et les sites d'infos spécialisés, sur les retards dans la livraison des quatre premiers épisodes, suggérant une mauvaise préparation, un script remanié en conséquence, etc. Mais la vérité est que l'intrigue ne fonctionne pas comme elle devrait : pour Remender, il s'agit clairement d'un prologue à quelque chose de plus vaste, plus ample, plus ambitieux, mais pour le lecteur, ce commencement manque de puissance, d'intensité, on voit trop ses grosses ficelles (narratives et commerciales).
Du coup, ce sont les rapports entre les personnages qui présentent le plus d'intérêt : la composition de l'équipe initiale est  déjà plus mutante/Uncanny donc qu'Avengers, puis évolue déjà au 5ème épisode en se rééquilibrant mais surtout en soulignant la préférence de longue date de Remender pour les personnages un peu à la marge (retour de Wonder Man et de la Guêpe, de Sunfire). En prime, le scénariste se fend d'une tirade, qui a provoqué un débat gratiné chez les geeks (quand Havok refuse d'être réduit à un mutant et même avoue détester ce terme au prétexte qu'il stigmatise une communauté)  - je n'ai pas d'avis tranché sur la question, peut-être parce qu'il faut arrêter de se prendre la tête avec ce qui n'est qu'un monologue de BD mais aussi parce que la question mutante est plus intéressante quand on la considère d'un point de vue métaphorique, celui des minorités opprimées, de façon suggestive.

Mais Remender, qui a défini un plan pour sa série sur le long terme et qui l'a nourri de références pointues (y compris en s'appuyant sur ses précédentes productions, comme Uncanny X-Force), a les défauts de ses qualités : il use d'ellipses qui peuvent perdre le lecteur non averti ou insuffisamment instruit (comme c'est mon cas). Alors même que Marvel Now ! avait pour objectif d'attirer (ou de reconquérir) des lecteurs, Uncanny Avengers (comme Avengers par Jonathan Hickman, un autre coutumier du fait mais dans un style beaucoup plus ampoulé et moins digeste) nous renvoie souvent à des évènements antérieurs, anciens ou récents, en contradiction avec l'intention éditoriale (qui souhaitait des comics plus accessibles).
Pour qui n'a ni les moyens (parce que tout ça n'est quand même pas donné) ni l'envie de réviser 50 ans de continuité, la lecture d’Uncanny Avengers peut rebuter. Kang, Crâne Rouge, Power Man, Janet Pym évoquent des faits que je ne connaissais pas ou peu, sans que Remender les résume (à l'image des jumeaux Apocalypse de son run sur Uncanny X-Force). Là encore, ceux qui souviennent des intrigues complexes de Chris Claremont peuvent regretter ses bons vieux rappels comme d'utiles béquilles pour embarquer dans l'aventure.

Enfin, Remender apprécie d'alpaguer son lecteur même par des moyens peu raffinés, mais se dispense ensuite d'explications élémentaires sur les effets : comment Crâne Rouge acquiert-il les pouvoirs de Xavier même après avoir prélevé son cerveau ? Mystère ! Le nazi y gagne un précieux et redoutable atout, mais sans qu'on comprenne tout. Même en accordant à l'auteur que plus c'est énorme, plus ça passe dans le contexte super-héroïque (ou maléfique en l'occurrence), la manoeuvre est expéditive. 

Visuellement, ces cinq premiers épisodes ont tout pour séduire. Marvel mise souvent désormais sur un (ou deux) artistes très connus pour lancer une série, comptant sur une base de fans importante et conquise d'avance (ou simplement curieuse) pour acheter, même si ensuite, à cause de deadlines trop serrés, on lui trouve un (ou plusieurs) remplaçant(s) provisoires ou définitifs mais moins renommés. 
Avoir ainsi réussi à convaincre John Cassaday, rien moins que celui qui illustra génialement les Astonishing X-Men de Joss Whedon et l'intégralité de Planetary de Warren Ellis mais qui ne signait plus depuis que quelques couvertures et avoua être ne plus être en mesure d'assurer sur un mensuel, promettait beaucoup.
Le résultat  fut très mitigé : le dessinateur connut très vite d'importants retards (sans doute aussi qu'il n'était pas très judicieux de revenir aux affaires courantes avec un team-book qui exige plus de travail, d'abord à cause du nombre de personnages) et ses planches étaient très inégales. 
John Cassaday ne s'est pourtant pas économisé au moins au début, ni sur les personnages (qu'il a élégamment relooké pour certains - Havok, Rogue, mais surtout Scarlet Witch avec une magnifique tenue) ni sur les décors. Son trait précis, réaliste, confère à la série une expressivité et des nuances, soulignées par la colorisation superbe de Laura Martin. Il a également créé les S-Men en leur donnant des aspects mémorables et déroutants (femme à tête de chèvre, dieu africain avec des écailles, créature liquide). Mais l'artiste manque hélas ! ensuite de souffle quand il lui faut rendre compte de combats titanesques (même s'il réussit bien les scènes avec Thor sous le contrôle de Crâne Rouge).
Le dernier épisode a été confié à Olivier Coipel, qui n'est lui aussi pas dans un bon jour (mais cela fait un moment, comme si le français avait abdiqué et se contentait de se reposer sur sa technique en négligeant les détails). Son découpage reste parfois confus (l'entrainement de Steve Rogers), ses décors bâclés (quand il y en a) : dommage car parfois on retrouve subrepticement quelques traits bien sentis (notamment quand il représente les personnages féminins dont il sait exalter la beauté sans tomber dans la vulgarité).
Ce lancement n'est donc pas très abouti, mais étrangement de cette déception nait l'espoir d'une suite qui ne pourra qu'être meilleure. Et ce sera effectivement le cas, avec la contribution d'un artiste déterminant et le véritable développement d'une saga autrement plus prenante et remuante, qui permet de mieux digérer certains raccourcis.

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