mardi 22 juillet 2014

Critique 483 : SPIROU ET FANTASIO, TOME 43 - VITO LA DEVEINE, de Tome et Janry


SPIROU ET FANTASIO : VITO LA DEVEINE est le 43ème tome de la série, écrit par Tome et dessiné par Janry, publié en 1991 par Dupuis.
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Alors qu'il affronte une terrible tempête dans l'océan Pacifique à bord de leur voilier, Spirou doit aussi remonter le moral de Fantasio, au 36ème dessous après une brève romance avec Noa Noa, rencontrée à Papeete et qui lui a préféré un marin aventurier.
Le lendemain, la mer s'est calmée et les deux amis approchent d'un atoll où, aux jumelles, Spirou repère un naufragé. Ils vont le secourir mais ils ignorent qu'il s'agit en fait de Vito Cortizone (le mafiosi rencontré dans le tome 39, Spirou à New York), échoué là après le crash d'un hydravion piloté par Von Schnabel, qui l'aidait à transporter un mystérieux chargement.
Profitant qu'ils ne le reconnaissent pas (car il a maigri et sa barbe a poussé), Vito la déveine va convaincre Spirou et Fantasion de récupérer sa cargaison au fond des eaux du lagon et tenter de s'enfuir ensuite avec leur voilier...

Avec cette critique, j'achève mon passage en revue du run de Tome et Janry sur la série, soit 14 albums, certainement les plus inspirés depuis ceux de Franquin. Et je ne suis pas mécontent de terminer par un si bon opus.

Tome orchestre de savoureuses retrouvailles entre les deux héros et un des méchants les plus jubilatoires qu'il a intégré au titre, Vito Cortizone (qui reviendra encore dans les deux albums suivants - et que s'apprête à réutiliser Fabien Velhmann dans Spirou et Fantasio 54).
Mais avant cela, le scénariste installe son intrigue d'une manière déjà intéressante puisqu'on y voit un Fantasio très déprimé après une déconvenue amoureuse : la situation sentimentale du compère de Spirou a rarement été évoquée, et par extension on a pu s'interroger sur celle de Spirou lui-même (comme souvent dans les tandems masculins, certains n'ont pas manqué de prêter aux personnages une liaison homosexuelle. Pour ma part, j'avoue que cela ne m'intéresse pas dans la mesure où cela n'impacte pas l'intérêt de la lecture ou la caractérisation des héros. Il faut savoir ne pas trop psychanalyser la bande dessinée, comme si celle-ci recelait toujours des messages cachés.). 
Il n'empêche, assister au spectacle d'un Fantasio accablé alors qu'il est connu pour son tempérament volcanique est original et souligne du coup le caractère dynamique de Spirou, toujours prompt à lui remonter les bretelles (pour lui faire la leçon ou l'encourager). Cela écarte aussi un peu une de mes hypothèses favorites qui est que Fantasio en pince pour Seccotine (qui en pincerait aussi pour lui ? Ou pour Spirou ?... Ou aucun des deux...) car j'ai souvent vu dans leurs disputes nourries par leur rivalité professionnelle de reporters l'expression d'une secrète attirance...
A la fin de l'histoire, Tome renverse cet déprime en faisant douter Spirou, ce qui est également très marrant.

Pour le reste, donc, les retrouvailles avec Vito Cortizone tiennent toutes leurs promesses : entre la malchance qui poursuit le gangster et sa bêtise irrésistible, l'incroyable veine de Spirou et Fantasio (qui survivent aux tempêtes, requins, pièges, etc), on assiste à un flux tendu de péripéties évoquant des aventures antérieures (comme la plongée angoissante que fait Spirou, rappelant Le repaire de la murène, tome 9 ; Les hommes-bulles, tome 17 ; ou Les hommes grenouilles, tome 1).
Ce huis-clos à ciel ouvert réussit l'équilibre parfait entre la comédie (fournie par l'opposition entre les personnages) et le suspense (dans un cadre sauvage), le tout sur un rythme endiablé, riche en gags visuels.

Et visuellement, Janry produit un de ses meilleurs travaux : il a un authentique génie quand il s'agit d'animer ses personnages dans des décors exotiques (voyez comment il dévoile l'aspect de l'atoll, en forme de tête de mort). Avec la colorisation magnifique de Stéphane De Becker (qui aura été un partenaire précieux tout au long du run des deux auteurs), on est vraiment saisi par la beauté de l'environnement tout en étant captivé par les ambiances qu'il procure.
En matière d'atmosphère, la séquence précitée de la plongée de Spirou qui inspecte l'hydravion de Von Schnabel, outre qu'elle montre le talent de Janry pour représenter l'appareil et les fonds marins, est traitée avec un découpage formidable, où la variété des dimensions des cases et la densité de leur nombre (pouvant aller jusqu'à une quinzaine par pages) injecte une tension haletante.

Cet album, comme la grande majorité de ceux réalisés par Tome et Janry, permet une nouvelle fois de mesurer la qualité de leurs efforts, payants car grâce à eux Spirou et Fantasio ont vécu une période exceptionnelle. Merci, et bravo, messieurs !  

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