vendredi 6 juin 2014

Critique 463 : SPIROU ET FANTASIO, TOME 39 - SPIROU A NEW YORK, de Tome et Janry


SPIROU ET FANTASIO A NEW YORK est le 39ème tome de la série, écrit par Tome et dessiné par Janry, publié en 1987 par Dupuis.
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Les temps sont durs pour tout le monde, les bons comme les méchants : à New York, le parrain de la mafia, Don Vito Cortizone doit faire face à la pègre chinoise, dont le chef, le mystérieux Mandarin, lui a jeté un sort qui lui donne une poisse terrible, tandis que de l'autre côté de l'Atlantique, Spirou et Fantasio doivent composer avec des fins de mois difficiles.
Mais quand Fantasio manque de s'étouffer avec une clé dans une portion d'une pizza de chez "Lucky Pizza", boîte justement dirigée par Cortizone, Spirou découvre dans l'emballage un message avec un numéro de téléphone. Il l'appelle et apprend qu'ils ont gagné le gros lot : un million de dollars !
Une fois à New York, pourtant, les deux héros découvrent la machination de Cortizone qui leur promet le magot si, grâce à leur chance incroyable, ils réussissent à le débarrasser du Mandarin, dont les hommes, après un attentat raté contre Spirou et Fantasio, ont enlevé Spip...

Attention ! Chef d'oeuvre ! Je me rappelle très bien avoir lu cet album à l'époque de sa parution et déjà il m'avait emballé. Je peux vous assurer qu'il est toujours aussi bon 27 ans après et même qu'il figure parmi les meilleurs du run de Tome et Janry mais aussi de toute la série.
Le récit est bâti sur un grand classique des aventures de Spirou et Fantasio où on les voit déplacés en territoire inconnu et hostile (même s'il ne s'agit pas de leur premier voyage aux Etats-Unis, rappelez-vous des Chapeaux Noirs de Franquin...). Il rencontre alors un personnage peu recommandable mais aussi pathétique que malfaisant, et c'est le coup de génie de Tome : la création de Don Vito Cortizone. Ce mafieux malchanceux, grotesque mais coriace et imaginatif sera le grand adversaire qu'attendaient les deux héros depuis des lustres, un individu nuisible capable d'égaler les meilleurs ennemis de Spirou et Fantasio, comme Zantafio ou Zorglub. Il s'impose d'emblée avec sa trogne irrésistible et reviendra dans deux autres histoires ultérieures (Vito la déveine, tome 43, et Luna fatale, tome 45).
L'histoire est infernale, menée sur un rythme endiablé, avec une cascades de gags hilarants, c'est assurément un des albums les plus savoureux de la série, mais aussi un des plus typés, avec sa guerre des gangs italo-chinoise, et un des plus spectaculaires, avec une succession de scènes palpitantes culminant avec les acrobaties nocturnes auxquelles doivent de prêter les héros pour accéder au repaire du Mandarin (Tome a-t-il voulu adresser un clin d'oeil à Iron Man en baptisant son autre méchant comme l'ennemi juré du héros de Marvel ?).
Tome, grand amateur de calembours et jeux de mots, s'en donne à coeur joie avec des renvois en bas de page ou de case ("La poisse - La poissa"), les lieutenants de Vito comme Don Gio E Dragone, Don San Convitione, les hommes de main du Mandarin comme Ding et Dong, Li Mah Song. Les dialogues sont vifs, plein de gouaille, et d'innombrables saynètes absurdes parsèment le récit (un colporteur chinois qui s'installe le matin devant Wall Street avec des porte-bonheur puis le soir avec des revolvers pour les spéculateurs ; un blanc qui fait fortune, perd tout, devient le valet de son ancien majordome noir qui est devenu riche puis ruiné à son tour). 

Janry allait-il être à la hauteur d'un scénario aussi enlevé ? Oui, et même plus car il enrichit le script avec des trouvailles visuelles extraordinaires : son New York, en particulier les quartiers de Little Italy et Chinatown, sont superbement représentés, avec dans le cas du second une double case montrant une avenue bordée d'une multitude de boutiques aux enseignes qui se répondent ("Aux mille bonheurs", "Porte-bonheur", "Au Dragon verni", "SOS veinard" à gauche, "Revolver", "Au Dragon flingueur"" à droite).
C'est aussi l'occasion pour le dessinateur de croquer une galerie de tronches d'affreux jojos incroyable, au sommet de laquelle on a Vito Cortizone, avec sa moustache fine, sa silhouette trapue, ses gros cigares, digne de Zabaglione (cf. Les Voleurs du Marsupilami, tome 5).
Et jusqu'à la fin, il anime Spirou et Fantasio magistralement, avec un dénouement en hommage à Vacances sans histoires (in Le Gorille a bonne mine, tome 11) et un match de "car-ball".

Peut-être a-t-on là le sommet du duo Tome et Janry. En tout cas, cette aventure new-yorkaise est un pur régal, drôle, haletante et excellemment réalisée. 

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