dimanche 4 mai 2014

Critique 437 : SPIROU ET FANTASIO, TOME 52 - LA FACE CACHEE DU Z, de Fabien Vehlmann et Yoann

LES AVENTURES DE SPIROU ET FANTASIO : LA FACE CACHEE DU Z est le 52ème tome de la série, écrit par Fabien Vehlmann et dessiné par Yoann (avec les designs de Fred Blanchard), publié par Dupuis en 2011.
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A la fin de leur précédente aventure (tome 51 : Alerte aux Zorkons), Spirou et Fantasio retapaient le château du Comte de Champignac (après que celui-ci et le village voisin de Champignac-en-Cambrousse aient failli être dévasté par un champignon particulièrement néfaste), tandis que Zorglub, à l'origine des évènements mais après avoir contribué à réparer le désordre causé, s'envolait pour la Lune, afin d'y achever un projet secret.
Ce projet, Spirou, son écureuil Spip, Fantasio et le Comte de Champignac le découvrent après que Zorglub les aient drogués pour les transporter sur la face cachée de la Lune où il a pu poursuivre ses recherches (et rêver à de futurs délires de conquête) en échange de ses services pour un parc de loisirs pour millionnaires.
Les choses se gâtent rapidement quand, après avoir tenté d'échapper à des radiations solaires, Spirou se met à régresser à l'état de bête féroce, aux trousses de laquelle la direction de la station lance ses agents de sécurité et que la base est victime d'un sabotage - mais qui en est responsable ?

Avant de me plonger dans ce tome, j'ai relu le précédent, conçu par la même équipe créative : j'avais gardé d'Alerte aux Zorkons un bon souvenir, l'album n'était pas sans défaut (un scénario un peu léger surtout) mais sympathique. Et son scénariste, Fabien Vehlmann, promettait que la suite serait plus copieuse, suggérant que la série deviendrait un vrai feuilleton, chaque nouveau volet comporterait des références à ceux d'avant.

Malgré ces bonnes dispositions, de la part des auteurs et de la mienne, c'est tout de même une déception. Le dispositif mis en place par Vehlmann - lier les épisodes - n'est ni nouvelle ni très bien mené, surtout qu'il s'appuie sur un récit qui souffre encore une fois d'un développement a minima.
Si on décortique en effet attentivement la construction de cette aventure, elle imite celle de Alerte aux Zorkons, c'est une sorte de huis-clos : Spirou et sa bande sont prisonniers d'un territoire hostile (hier, la jungle dévorante de Champignac-en-Cambrousse ; aujourd'hui, la station lunaire), une fois encore aux prises avec Zorglub, et le dernier quart du livre a la fâcheuse tendance à n'aligner qu'une collection de pages de gags (délirants mais plus ou moins drôles) avant une résolution express et la promesse d'une suite en prise directe avec ce qu'on a lu.
Vehlmann a pour lui une certaine habileté dans la conduite du récit, auquel il donne beaucoup de rythme, si bien que les défauts de son entreprise ne sont pas immédiatement visibles, le lecteur étant emporté par la succession de rebondissements. Mais sa science est à la limite de la roublardise, ce qui chagrine quand on connaît l'inventivité et l'imagination dont il sait faire preuve sur d'autres de ses projets.
On aura mauvaise grâce à prétendre qu'on ne lit pas cela avec plaisir, mais on espère mieux.

La caractérisation est tonique : si Spirou a bénéficié de l'écriture de Vehlmann en ayant plus de tempérament, il étire trop sa transformation en garou mutant (18 pages quand même sur 46 dans cet état). Cette idée a pour conséquence directe de réduire l'impact de Fantasio et du Comte. En revanche Spip hérite de bons passages.
Vehlmann apprécie Zorglub et l'utilise bien comme un méchant ici dépassé par les partenaires lui ayant permis de poursuivre ses nouvelles recherches. Sa rivalité avec le Comte est exploitée à fond et sa présence sur deux épisodes de suite rappelle de grandes aventures (Z comme Zorglug-L'ombre du Z mais aussi Le réveil du Z).
Les personnages féminins sont en revanche encore une fois ratées et dispensables : Vehlmann a la volonté de "sexualiser" la série mais n'a pas encore trouvé le bon moyen (peut-être en ramenant Seccotine, ou en imaginant une créature aussi valable que Luna Cortizone ?).

Mais finalement, là où l'auteur est le plus à l'aise, c'est quand il peut se lâcher sur des seconds ou troisièmes rôles lui autorisant toute lattitude pour son projet de critique : le chef de la sécurité, Bronco, se voit gratifié de nombreux renvois à des titres d'ouvrages imaginaires savoureux ("Bronco s'ennuie au Kosovo", "Mille cacahouètes sur le Koweit", "Ouvre la bouche et dis Aaah, Al-Qaïda", "Bronco joue et gagne à la montagne"...), ou encore le champion de basket canadien macho et jaloux (avec à la clé une séquence d'action très réussie).

Visuellement, Yoann rend aussi une copie en deçà du tome précédent. Fred Blanchard, qui a à nouveau signé les designs des décors et des vêtements, est également moins inspiré pour la station lunaire, tout comme la colorisation est assez terne. 
Un point m'a particulièrement frappé : lorsque Yoann représente Spirou et Fantasio, ou dans une moindre mesure le Comte ou Zorglub, il le fait à la manière de Franquin dernière période, avec un trait rond et nerveux, qui convient bien au récit très mouvementé (même si je préfère le trait plus propre des aventures des années 50), mais quand il dessine les seconds rôles, il les dote d'attributs semi-réalistes, de physionomies plus proches de caricatures. Cela parasite quelque peu la lecture et demanderait d'être repensé à l'avenir.
Hélas, aussi, comme Vehlmann, Yoann rate ses personnages féminins (on verra, dans le tome 53, le retour de Seccotine : ça aura valeur de test décisif).

La promesse d'un album plus abouti n'est donc pas tenu : La Face Cachée du Z est inférieur narrativement et esthétiquement à Alerte aux Zorkons. Mais le tandem Vehlmann-Yoann a un potentiel évident et leur prochain album verra si celui-ci se réalise mieux. Rendez-vous donc Dans les Griffes de la Vipère...     

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