dimanche 5 mai 2013

Critique 394 : HAWKEYE #9, de Matt Fraction et David Aja


HAWKEYE : GIRLS est le 9ème épisode de la série, écrit par Matt Fraction et dessiné par David Aja, publié en Mai 2013 par Marvel Comics. 
*
 Le point de vue des filles après les
évènements de l'épisode 8 et le retour de Cherry/Penny...

La réapparition de Cherry/Penny dans la vie de Clint Barton lui a causé bien du tort : il a fini par passer une nuit au poste de police, reçu des reproches de Captain America et la jeune femme a de nouveau disparu. Mais les mafieux russes, qui en avait après elle et après Clint, sont eux toujours là - pire : ils ont convaincu la pègre (avec ses cadres comme le Caïd, le Hibou, Typhoid Mary...) d'engager un tueur pour éliminer l'archer !
Témoins stupéfaites des évènements, les amies de Hawkeye décident de s'en mêler : Natasha Romanoff/Black Widow ("the work wife") identifie la fugitive (dont le vrai nom est Darlene Penelope Wright) et la retrouve pour l'aider à quitter la ville ; Bobbi Morse/Mockingbird ("the ex-wife") fait signer les papiers de leur divorce à Clint tout en éloignant (momentanément les russes en planque devant son immeuble) ; Jessica Drew/Spider-Woman ("the friend-girl") vient interroger son amant sur son infidélité ; et Kate Bishop ("Kate") tente de le réconforter malgré tout.
Mais, déjà, un nouveau drame est en place et va frapper durement le héros...

Comme le titre de l'épisode l'indique, Matt Fraction donne la vedette aux filles les plus proches de Clint Barton pour traiter des conséquences du précédent épisode (et de ce qui a commencé en fait depuis le #3). Cependant, le scénariste s'attache comme souvent plus aux à-côtés qu'au coeur du problème, ce qui rend le dénouement de ce chapitre encore plus terrible et augure de suites plus sombres.
Fraction conserve aussi une narration à la chronologie décousue, ce qui a le double mérite de stimuler le lecteur tout en dynamisant le récit avec une alternance de moments calmes/forts, de dialogues/actions. En mettant en scène les "femmes" d'Hawkeye, l'auteur en profite aussi non seulement pour rappeler ses relations sentimentales passées et présentes mais aussi préciser le portrait intime du héros : Clint Barton est-il vraiment, comme le prétend Jessica Drew, un lâche je-m'en-foutiste qui en trompant ses ami(e)s se punit lui-même (de ses origines criminelles, de son inconstance, de son complexe d'infériorité vis-à-vis des Vengeurs- ces surhommes au sein desquels il évolue sans avoir de pouvoir) ?

En tout cas, après avoir failli quitter le quartier (sous la menace des russes dans le #6), Hawkeye est à nouveau en pleine tourmente  - parce que Cherry/Penny l'a roulé, parce qu'il a (peut-être) perdu Jessica Drew, parce qu'il est dans le collimateur de la police, parce qu'il se sent impuissant face aux mafieux... Les raisons ne manquent pas pour qu'il soit accablé. Mais c'est aussi pour cela ce mix de motifs ordinaires et extraordinaires, qu'on éprouve encore de la sympathie pour lui.

Matt Fraction règle les "dossiers" de l'archer avec méthode :

- la Veuve Noire retrouve et exfiltre Cherry/Penny ;
- Bobbi Morse officialise son divorce avec Clint ;
- Jessica Drew fait part de sa douleur après avoir été trompée ;
- Kate Bishop assiste dépitée à tout cela en ayant essayé d'arrondir les angles (sans succès). Natasha et Bobbi partagent la même inquiétude en ignorant dans quel pétrin s'est fourré Hawkeye.
L'épisode peut être frustrant pour celui qui attendait sinon un règlement plus net, du moins des réponses sur certains points. Mais il est clair, en revanche, que Fraction a désormais inscrit la série dans une trame à plus long terme, depuis l'épisode précédent. Le personnage de Cherry/Penny a été en fait employé comme un déclencheur intime (Clint a trompé sa girfriend, ce ne sera pas sans conséquence) et plus global (l'aide que Clint à prêtée à Cherry/Penny a décidé la mafia à se débarrasser de lui et un tueur entre déjà en scène). Des pistes restent à creuser à partir de là : qui est le tueur ? Clint réussira-t-il à le neutraliser (et rapidement) ? Cela suffira-t-il à calmer la pègre ? Jessica Drew a-t-elle définitivement tourné la page ? Quid du statut de Clint au sein des Vengeurs ? Du rôle de Kate Bishop ?

Les déclarations du scénariste et les sollicitations de Marvel pour les prochains épisodes fournissent déjà quelques indications (les #10 et 12, dessinés par Francesco Francavilla, vont développer la trame autour du tueur ; le #11 s'intéressera à "Pizza Dog", le #13 va voir un proche de Clint refaire surface, tous deux par Aja aux crayons ;  et un "Annual", dessiné par Javier Pulido, se penchera sur le sort de Kate)...

En attendant cela, la lecture reste un régal car Fraction continue de construire chaque chapitre comme un récit auto-contenu mais qui enrichit progressivement toute la série, redéfinit le personnage principal. Les dialogues restent à la fois plein d'esprit et précis dans l'expression des sentiments qui agitent les protagonistes, et la narration est à la fois énergique et élaborée. Il subsiste cette espèce de grâce depuis le début du run de l'auteur, totalement en phase avec son sujet et complice avec ses fans (car cet ovni a su conquérir un lectorat consistant).

Visuellement, David Aja est sur sa lancée : depuis le début, aucune de ses prestations n'a été décevante, celle-ci ne fait pas exception. Si son découpage s'est assagi, il  l'a fait en bonne intelligence, pour servir au mieux le script : chaque plan est juste, chaque émotion est dosée, chaque effet est bien distribué. Il ne cède à aucun tic ni personnel ni général (par exemple, pas de splash et encore moins de double pages). Cette sobriété est d'une efficacité imparable, tout entière dévouée à l'histoire, aux personnages, à la cohérence du projet : c'est à saluer.
Avec la complicité du coloriste Matt Hollingsworth, Aja soigne d'abord des détails qui semblent insignifiants mais qui s'avèrent cruciaux pour la justesse de ses compositions : par exemple, la série ne montre jamais les héros en costumes de super-héros, mais les évoque en permanence à travers les coupes des vêtements de ville, les couleurs. C'est encore une fois particulièrement étudié avec les filles de cet épisode dont le look est remarquablement transcrit au civil : la Veuve Noire avec son dress-code fonctionnel, Bobbi Morse avec une robe aux couleurs de sa combinaison de Mockingbird, Jessica Drew avec son manteau rouge et ses chaussettes jaunes (comme son habit de justicière), Kate et sa tenue mauve. Aja convoque l'esprit des couturieurs des années 60 et joue sur l'aspect apprêté des femmes contrastant avec celui débraillé de Clint (la majeure partie de l'épisode en pyjama, recouvert de pansements, hirsute, mal rasé).
Quand, à la toute dernière page, apparaît le fameux tueur à gages, Aja ne cadre qu'une fois son visage en gros plan et lui donne une allure terrifiante instantané, rappelant Orange Mécanique de Kubrick.
Encore une fois, quel talent !
*
A noter que le premier tpb en vo vient de sortir (regroupant les épisodes 1 à 5 plus un chapitre de Young Avengers present, par Fraction et Alan Davis - mais que le scénariste préférerait pourtant avoir oublié. C'était bien avant qu'il n'écrive la série actuelle, avec sa nouvelle définition).
La version française de cet album (qui ne comprendra justement pas l'épisode dessiné par Davis) sortira en Juillet dans la collection 100% Marvel de Panini, en librairie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire