mardi 5 février 2013

Critique 375 : LEGENDS OF THE DC UNIVERSE #12 _ THE AMERICAN EVOLUTION, de Mark Evanier et Steve Rude


Legends of the DC Universe : The American Evolution est le 12ème épisode de l'anthologie de DC Comics. Il a été écrit par Mark Evanier, d'après un synopsis inédit et des personnages créés par Jack Kirby, et dessiné par Steve Rude, publié en 1999.
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Bernie Sobel est le portier du "Daily Planet",
aussi observateur que froussard...
Mais d'où surgissent ces monstres
auxquels s'intéresse Jimmy Olsen,
le photographe du "Daily Planet" ?
Les sbires de Darkseid, Mokkari et Symian,
sont à l'oeuvre... Mais les héros aussi !
Superman, le pote de Jimmy Olsen,
entre en scène !

Jimmy Olsen, photographe pour le "Daily Planet", s'intéresse à l'apparition récente de monstres lorsque ceux-ci attaquent Metropolis et le siège du journal. Superman s'emploie à les stopper d'un côté tandis que le Guardian infiltre le repaire de Mokkari et Symian, deux agents de Darkseid, le tyran d'Apokolips, à l'origine de la situation. Ceux-ci bénéficient de la complicité de l'homme d'affaires, Mr Edge, lui-même partenaire avec l'Intergang, puissant réseau mafieux, qui va installer dans le globe au sommet du building du "Daily Planet" une machine émettant des ondes capables de transformer la population en monstres.
Jimmy Olsen, Superman, le Guardian et Dubbilex réussiront-ils à empêcher cette catastrophe ?
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Même si cette histoire est tout à fait accessible en soi, il convient pour l'apprécier pleinement d'en situer la genèse : en 1971, Jack Kirby, de retour chez DC Comics, développe (entre autres projets) ce qui restera son grand oeuvre chez l'éditeur, "le Quatrième Monde". 
Il s'agit de trois séries à la fois lisibles indépendamment et interconnectées - New Gods, Mister Miracle et Forever People - puisant à la même source : de nouveaux dieux se sont élevés après le Ragnarok (la fin du monde des anciens dieux) mais en se déclarant une guerre pour la domination des cieux et de la terre. D'un côté, il y a New Genesis, havre de paix, dirigé par le Haut-Père, et de l'autre, il y a Apokolips, monde sinistre, tenu d'une main de fer par Darkseid. Une trêve est conclu à partir d'un échange : Scott Free/Mr Miracle, le fils du Haut-Père, sera élevé sur Apokolips, tandis qu'Orion, l'héritier de Darkseid, grandira sur New Genesis. Mais Darkseid repart en guerre quand Scott Free s'enfuit et se réfugie sur Terre, où le groupe des Immortels se trouve aussi, comptant dans leurs rangs Belle Rêveuse, détentrice de l'équation d'anti-vie, qui permettrait d'assujettir les mortels. Orion va alors mener la défense de la terre sans savoir qu'il s'oppose ainsi à son père biologique...

En échange de la liberté éditoriale pour conduire ses trois séries, Jack Kirby accepte d'en animer une quatrième dans le catalogue déjà existant de DC et il choisit alors un titre de seconde zone sans équipe créative régulière : Superman's Pal, Jimmy Olsen. Il va en faire un vrai laboratoire narratif, avec des intrigues délirantes, le reliant à la saga des New Gods mais aussi à une des anciennes productions qu'il animait avec le scénariste Joe Simon dans les années 40, la Newsboy Legion (où figurait le Guardian, un avatar de Captain America).

Le projet du "Quatrième Monde" ne durera qu'un an, faute de succès, mais alimentera l'univers DC et d'autres auteurs jusqu'à nos jours (ainsi le premier adversaire de la Justice League du reboot de l'éditeur n'est autre que Darkseid, et récemment dans la nouvelle série Wonder Woman, Orion est réapparu).

Mark Evanier, qui fut l'assistant-confident de Kirby, a récupéré un synopsis inédit de Superman's Pal, Jimmy Olsen, et l'a développé pour en tirer le script de cette épisode de 56 pages de l'anthologie Legends of the DC Universe, intitulé The American Evolution.
On y retrouve toute la verve de Kirby : le récit est échevelé, mené sur un rythme infernal, avec des monstres gigantesques, un complot délirant, la présence de Superman, celle du Guardian, de Darkseid - bref, tous les ingrédients originaux de la série. Le "King" aimait aussi à travers ses histoires épiques distiller des messages subtilement transgressifs sur son époque et Evanier a conservé cet élément (il est amusant de constater que les ondes qui doivent transformer les habitants de Metropolis en monstres soient diffusés depuis le "Daily Planet", les médias étant ainsi dépeints comme des organes d'information et d'intoxication, mais aussi que l'autre méchant de l'affaire soit Mr Edge, un homme d'affaires sans scrupules).
Il est surtout épatant de remarquer la fantaisie et la modernité des concepts "Kirby-esques", avec un scénario qui tient en haleine, dispense des séquences spectaculaires, étranges, drôles, en brassant un casting improbable de héros de la rue (le Guardian), de surhommes (Superman), de dieux maléfiques (Darkseid), et d'humains pris au milieu de leurs conflits (traversés par la peur, la lâcheté, la curiosité, l'intrépidité - ici incarnées par Bernie Sobel, le portier du "Daily Planet" qui préfère ne se mêler de rien de crainte de perdre sa place, alors que le monde menace de s'effondrer, et Jimmy Olsen, qui fonce tête baissée dans les ennuis, refusant de laisser les justiciers tout régler seuls).
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Le Guardian : autre acteur de l'histoire, 
apparu à l'origine dans Newsboy Legion,
série des 40's de Kirby et Simon.


Les dessins sont signés par Steve Rude (cette fois encrés par l'excellent Bill Reinhold) : un choix idéal puisque l'artiste est un grand admirateur de Kirby, dont il arrive à imiter le style sans toutefois se contenter de verser dans l'exercice de style.
"The Dude" affiche une forme de champion tout au long de ces 56 pages où l'allure de ses personnages, le soin apporté aux décors, l'inventivité avec laquelle il évoque les machineries complexes et les monstres baroques de Kirby, sont un régal de tous les instants.
Certes, il n'est pas là dans son registre le plus personnel, il est évident que l'opportunité qui s'est présentée à lui de saluer le "King" l'a emportée sur la volonté de réinterpréter complètement les éléments de l'histoire. Mais au moins restaure-t-il le Superman tel que le dessinait Kirby (là où DC, dans la série originale, lui imposait des retouches, par d'autres artistes, craignant que les lecteurs ne reconnaissent pas l'icône). Et Rude maîtrise tellement bien l'Homme de Fer (il en livrera une version encore supérieure dans la mini-série en trois épisodes World's Finest, écrite par Dave Gibbons)que c'est jubilatoire.
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Difficilement trouvable en single issue (car l'épisode date de 1999), sachez quand même que The American Evolution est disponible dans le tpb Superman : 3-2-1, Action !, écrit par Kurt Busiek (avec les épisodes 665 de Superman, dessiné par Rick Leonardi, et d'Action Comics #852-854, dessinés par Brad Walker). Ne vous en privez pas !

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